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La Cour de cassation, précise l'exécution des marchés de substitution dans les contrats privés de la commande publique. Lorsque le contrat prévoit la possibilité d'une exécution aux frais et risques du titulaire défaillant, celui-ci doit être mis en mesure de suivre l'exécution du marché de substitution. Ce droit de suivi, reconnu en droit administratif, trouve ici son fondement dans les stipulations contractuelles elles-mêmes. L'acheteur doit notifier le marché de substitution au titulaire évincé avant son commencement d'exécution, faute de quoi celui-ci se trouve dans l'impossibilité de vérifier les surcoûts dont il pourrait être redevable.
https://www.courdecassation.fr/decision/6799cf38da62992b3320cf41
Résumé
La Cour de cassation précise les modalités d'exécution d'un marché de substitution dans le cadre d'un marché privé de la commande publique, étendant la notion de "droit de suivi" issue des contrats administratifs à ces contrats privés lorsqu'ils prévoient une exécution aux frais et risques.
La Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP) et ses filiales avaient conclu avec la société E-Pango un accord-cadre multi-attributaires et un marché subséquent pour la fourniture de gaz naturel. Suite à des difficultés d'exécution, la RIVP a mis en demeure son cocontractant de confirmer la poursuite de l'exécution du marché, avant de le résilier et de conclure un marché de substitution avec la société Gaz de Paris.
Le cahier des clauses particulières (CCP) de l'accord-cadre renvoyait aux articles 29 à 36 du CCAG-FCS 2009 permettant la résiliation et l'exécution aux frais et risques. La RIVP et ses filiales ont alors cherché à recouvrer le surcoût engendré par le marché de substitution en pratiquant des saisies conservatoires à l'encontre d'E-Pango.
La question centrale portait sur l'applicabilité et les modalités du "droit de suivi", principe issu du droit des contrats administratifs, dans le cadre d'un marché privé de la commande publique prévoyant une exécution aux frais et risques.
La Cour de cassation affirme que lorsqu'un contrat privé de la commande publique stipule la possibilité d'une exécution aux frais et risques, le cocontractant défaillant "doit être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution". Ce droit de suivi trouve son fondement non pas dans les règles générales des contrats administratifs, mais dans les stipulations contractuelles elles-mêmes.
La Haute juridiction précise que ce droit se matérialise par l'obligation de notification du marché de substitution au titulaire évincé. Cette notification doit intervenir non pas nécessairement avant la signature du marché de substitution, mais impérativement avant son commencement d'exécution.
En l'espèce, la notification étant intervenue près de deux mois après le début d'exécution du marché de substitution, la Cour retient que le titulaire évincé a été "placé dans l'impossibilité de vérifier en temps et en heure le montant des sommes" dues au titre du surcoût.
Cette décision impose aux acheteurs privés soumis au code de la commande publique une vigilance particulière dans la mise en œuvre des marchés de substitution. Ils devront notamment 1/ Notifier le marché de substitution avant son commencement d'exécution. 2/ Permettre un suivi effectif de son exécution par le titulaire défaillant. 3/ Justifier précisément les surcoûts engendrés
La décision renforce les droits des titulaires défaillants en leur garantissant la possibilité de contrôler les conditions financières du marché de substitution, limitant ainsi le risque de voir leur responsabilité engagée pour des surcoûts injustifiés.
En principe, les CCAG sont des documents administratifs types qui s'appliquent aux marchés publics, comme le précise l'article R2112-2 du code de la commande publique. Leur application directe est donc en principe réservée aux contrats administratifs.
Cependant, dans cette espèce, l'application du CCAG-FCS résulte non pas de son caractère réglementaire mais d'une stipulation contractuelle à savoir l'article 26 du CCP de l'accord-cadre qui y faisait expressément référence. Les parties ont ainsi volontairement incorporé ces règles dans leur relation contractuelle privée.
En premier lieu, après avoir relevé que le CCP de l'accord-cadre, qui renvoie au CCAG-FCS en vigueur, prévoit que l'entité adjudicatrice peut faire procéder à l'exécution du marché par un tiers, aux frais et risques du titulaire, et que l'augmentation des dépenses, par rapport au prix du marché, résultant de l'exécution du marché par ce tiers, sera à la charge du titulaire, la cour d'appel, qui n'a pas fait application des règles générales applicables aux contrats administratifs mais des stipulations du contrat liant les parties, a retenu à bon droit que le cocontractant défaillant devait être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution conclu avec la société Gaz
Donc, il semble que l'on ne puisse pas en déduire que l'intégralité des clauses du CCAG soient applicables mais seulement des clauses du CCAG visées par le CCP.
Sur la nature des règles applicables
Le CCAG ne s'applique plus en tant que document administratif réglementaire mais il devient un ensemble de stipulations contractuelles de droit privé. Son interprétation relève donc du juge judiciaire selon les règles d'interprétation des contrats.
Sur l'étendue des droits et obligations
Il semble que seules les clauses expressément visées par le renvoi sont applicables. Leur mise en œuvre doit respecter les principes du droit privé des contrats. Les prérogatives de puissance publique prévues par le CCAG ne peuvent être exercées en tant que telles.
Texte
[...]
7. Lorsqu'un contrat privé de la commande publique stipule, par un renvoi à un cahier des clauses administratives générales, que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice peut, après vaine mise en demeure de son cocontractant d'exécuter les prestations qu'il s'est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce et que les montants découlant des surcoûts liés à l'achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur seront à la charge du cocontractant défaillant, celui-ci doit être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution ainsi conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts. A cet effet, le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice doit notifier le marché de substitution au titulaire du marché résilié.
8. En premier lieu, après avoir relevé que le CCP de l'accord-cadre, qui renvoie au CCAG-FCS en vigueur, prévoit que l'entité adjudicatrice peut faire procéder à l'exécution du marché par un tiers, aux frais et risques du titulaire, et que l'augmentation des dépenses, par rapport au prix du marché, résultant de l'exécution du marché par ce tiers, sera à la charge du titulaire, la cour d'appel, qui n'a pas fait application des règles générales applicables aux contrats administratifs mais des stipulations du contrat liant les parties, a retenu à bon droit que le cocontractant défaillant devait être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution conclu avec la société Gaz de [Localité 4] et qu'à cette fin, la société RIVP devait lui notifier ce marché.
9. En second lieu, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le marché de substitution a commencé à recevoir exécution le 28 décembre 2021, mais n'a été notifié à la société E-Pango que le 18 février 2022, et en déduit que celle-ci a été placée dans l'impossibilité de vérifier en temps et en heure le montant des sommes que la société RIVP aurait à verser au tiers substitué, et donc des indemnités dont elle serait redevable.
10. En l'état de ces seules énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas exigé que la notification du marché de substitution à la société E-Pango intervienne avant la signature du contrat passé avec la société Gaz de [Localité 4], mais avant son commencement d'exécution et qui a caractérisé que le droit de suivi de la société E-Pango avait été méconnu, a légalement justifié sa décision. .
[...]
Voir également
.Jurisprudence
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