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CE, 13 décembre 2024, n° 489720 – Point de départ de la GPA

Conseil d’Etat, CE, 13 décembre 2024, n° 489720 – Point de départ de la GPA, pénalités de retard

 Le Conseil d'État précise deux aspects de l'exécution des marchés publics de travaux. Premièrement, il réaffirme que le délai de garantie de parfait achèvement commence à courir dès la date d'effet de la réception, même lorsque celle-ci est prononcée avec réserves ou sous réserve d'épreuves ou de prestations à réaliser, sauf stipulations contractuelles contraires. Deuxièmement, il établit que les pénalités de retard prévues à l'article 20.1 du CCAG-Travaux (désormais codifié à l'article 19 du CCAG-Travaux 2021) ne peuvent être appliquées pour sanctionner un retard dans la levée des réserves, ces pénalités ayant pour seul objet de réparer forfaitairement le préjudice causé par le non-respect des délais d'exécution initiaux. Cette décision précise ainsi le régime juridique applicable aux garanties post-réception et aux sanctions contractuelles dans les marchés publics de travaux. .

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000050776631

La garantie de parfait achèvement s’étend à la reprise d’une part des désordres ayant fait l’objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d’autre part de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l’année suivant la date de réception. Sauf stipulations contraires du contrat, la réception des travaux, même lorsqu’elle est prononcée avec réserves en application de l’article 41.6 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux ou sous réserve de l’exécution concluante d’épreuves ou de l’exécution de prestations en application des articles 41.4 ou 41.5 du même cahier, fait courir le délai de garantie de parfait achèvement à compter de la date d’effet de cette réception telle que prévue par l’article 41.3 du même cahier.

Le Conseil d'État,apporte des précisions importantes sur deux aspects de l'exécution des marchés publics de travaux : le point de départ du délai de garantie de parfait achèvement et l'application des pénalités de retard en cas de réserves à la réception.

Le point de départ du délai de garantie de parfait achèvement

La Haute juridiction rappelle d'abord le périmètre de la garantie de parfait achèvement, qui couvre deux types de désordres à savoir ceux ayant fait l'objet de réserves lors de la réception et ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant cette réception.

Le Conseil d'État énonce ensuite un principe selon lequel sauf stipulations contractuelles contraires, la réception des travaux fait courir le délai de garantie de parfait achèvement à compter de sa date d'effet, et ce même dans trois situations distinctes :

  • lorsque la réception est prononcée avec réserves (article 41.6 du CCAG-Travaux)
  •  lorsqu'elle est prononcée sous réserve de l'exécution concluante d'épreuves (article 41.4)
  •  lorsqu'elle est prononcée sous réserve de l'exécution de prestations (article 41.5)

L'inapplicabilité des pénalités de retard à la levée des réserves

Un des apports de la décision concerne les pénalités de retard. Le Conseil d'État pose un principe général selon lequel les pénalités prévues par l'article 20.1 du CCAG-Travaux ne peuvent être appliquées pour sanctionner un retard dans la levée des réserves.

Cette solution se fonde sur l'objet même des pénalités qui est de « réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus ». Le Conseil d'État en déduit que ces pénalités ne peuvent s'appliquer à un retard intervenant après la date fixée pour l'achèvement des travaux par la décision de réception.

La réception marque la fin de l'exécution du marché et donc la fin de la période pendant laquelle les pénalités de retard peuvent être appliquées. Les maîtres d'ouvrage devront donc prévoir des stipulations spécifiques s'ils souhaitent sanctionner les retards dans la levée des réserves.

Les implications pratiques de la décision

Cette décision a des conséquences pour la pratique des marchés publics de travaux.

Pour les maîtres d'ouvrage, elle impose une vigilance accrue dans la rédaction des documents contractuels s'ils souhaitent 1/ modifier le point de départ du délai de parfait achèvement 2/ prévoir des pénalités spécifiques pour la levée des réserves.

Pour les entreprises soumissionnaires, elle offre une meilleure sécurité juridique en clarifiant le régime des garanties post-réception et en limitant l'application des pénalités de retard à la seule période d'exécution des travaux

La portée pratique de cette décision est d'autant plus intéressante que le CCAG-Travaux de 2021 n'a pas modifié substantiellement les stipulations relatives aux réserves et aux pénalités.

[...]

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat conclu le 5 novembre 2012, la commune de Puget-Ville a confié à la société Idex Energies les trois lots d'un marché public de travaux ayant pour objet la construction d'un réseau de chaleur, sous maîtrise d'œuvre de la société Lavalin, devenue Edeis. Les travaux des trois lots ont fait l'objet, le 12 juillet 2013, de décisions de réception prononcées à la fois " sous " réserve de l'exécution de certaines prestations et " avec " réserves. Le 15 octobre 2019, la commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à la condamnation de la société Idex Energies à lui verser, à titre de provision, trois sommes de, respectivement, 49 569 euros, 30 921 euros et 437 075,10 euros, au titre du coût, toutes taxes comprises, des travaux de reprise de l'étanchéité du silo, des travaux de reprise de la chaudière à bois et de pénalités de retard. Ce juge a, par une ordonnance du 24 août 2023, rejeté ces demandes. Sur appel de la commune de Puget-Ville, la cour administrative de Marseille a, par un arrêt du 13 novembre 2023, annulé cette ordonnance et, statuant par la voie de l'évocation, rejeté sa demande. Eu égard aux moyens qu'il soulève, le pourvoi de la commune de Puget-Ville doit être regardé comme dirigé contre cet arrêt en tant seulement qu'il a rejeté sa demande de première instance et le surplus de ses conclusions d'appel.

Sur le cadre juridique applicable au litige :

2. D'une part, aux termes des articles 41.3 à 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 visé ci-dessus, auquel renvoie l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières : " 41.3. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. / La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. / (...) 41.4. Dans le cas où certaines épreuves doivent, conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché, être exécutées après une durée déterminée de service des ouvrages ou certaines périodes de l'année, la réception ne peut être prononcée que sous réserve de l'exécution concluante de ces épreuves. Si de telles épreuves, exécutées pendant le délai de garantie défini à l'article 44.1, ne sont pas concluantes, la réception est rapportée. / 41.5. S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître de l'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l'article 41.2. / 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse. "

3. D'autre part, aux termes de l'article 44.1 du même cahier : " Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est précisé à l'article 44.2, d'un an à compter de la date d'effet de la réception / Pendant le délai de garantie, outre les obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application de l'article 41.4, le titulaire est tenu à une obligation dite obligation de parfait achèvement, au titre de laquelle il doit : / a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux articles 41.5 et 41.6 ; / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ; / c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs, dont la nécessité serait apparue à l'issue des épreuves effectuées conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché ; / d) Remettre au maître d'œuvre les plans des ouvrages conformes à l'exécution dans les conditions précisées à l'article 40. Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre ayant pour objet de remédier aux déficiences énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. / L'obligation de parfait achèvement ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usage ou de l'usure normale. / A l'expiration du délai de garantie, le titulaire est dégagé de ses obligations contractuelles, à l'exception des garanties particulières éventuellement prévues par les documents particuliers du marché. / (...) ".

4. La garantie de parfait achèvement s'étend à la reprise d'une part des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d'autre part de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant la date de réception.

5. Il résulte de ce qui est dit aux points 2 à 4 que, sauf stipulations contraires du contrat, la réception des travaux, même lorsqu'elle est prononcée avec réserves en application des stipulations de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ou sous réserve de l'exécution concluante d'épreuves ou de l'exécution de prestations en application des stipulations des articles 41.4 ou 41.5 du même cahier, fait courir le délai de garantie de parfait achèvement à compter de la date d'effet de cette réception telle que prévue par l'article 41.3 du même cahier.

Sur le pourvoi :

6. En premier lieu, il résulte, de ce qui est dit au point 5 que la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le délai de garantie de parfait achèvement avait commencé à courir à compter de la date d'effet de la réception, alors même que celle-ci avait été, d'une part, assortie de réserves et, d'autre part, prononcée sous réserve de l'exécution concluante d'épreuves et de l'exécution d'autres prestations.

7. Il en résulte également qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le désordre affectant l'étanchéité du silo n'avait été ni réservé au moment de la réception, ni signalé dans le délai d'un an de la garantie de parfait achèvement, la cour a pu juger sans erreur de droit que l'obligation dont se prévalait la commune au titre des travaux de reprise liés à ce désordre ne pouvait être regardée comme non sérieusement contestable, la circonstance que le solde du décompte définitif n'avait pas encore été établi étant dépourvue d'incidence à cet égard.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la commune de Puget-Ville, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit en ne recherchant pas d'office si les désordres qu'elle avait invoqués entraient dans le champ d'application de la garantie décennale des constructeurs.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 visé ci-dessus, auquel renvoie l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières : " 20.1. En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l'ensemble du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix initiaux du marché hors TVA définis à l'article 13.1.1. / 20.1.1. Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre. (...) ". Aux termes de l'article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières commun aux trois lots du marché en litige, relatif aux pénalités de retard dans l'exécution des travaux : " Les stipulations de l'article 20.1 du CCAG sont seules applicables. / (...) En plus des pénalités journalières définies ci-dessus, le titulaire subit une pénalité forfaitaire de 1 / 250e du montant en prix de base du marché, en cas de non-respect de la date limite d'achèvement ou du délai d'exécution des travaux ".

10. Sauf stipulation contraire du contrat, les pénalités prévues par les stipulations de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales citées au point 9, qui ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus, ne peuvent être mises à la charge du titulaire pour un retard pris dans la levée des réserves, lequel intervient nécessairement après la date fixée pour l'achèvement des travaux par la décision de réception en application de l'article 41.3 du même cahier. Ce motif, qui répond aux moyens invoqués devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait nouvelle, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué pour rejeter la demande de provision de la commune de Puget-Ville au titre des pénalités de réclamées au titre du retard dans la levée des réserves.

[...]

MAJ 20/12/24 - Source legifrance

Jurisprudence

CE, 17 mars 2004, n° 247367, Commune de Beaulieu-sur-Loire et Société Groupama Loire Bourgogne-Samda.