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CAA Toulouse, 21TL02394, Société Betem Ingénierie

CAA Toulouse, 19 septembre 2023, n° 21TL02394, Société Betem Ingénierie

Par un arrêt  n° 21TL02394, en date du 19 septembre 2023, la Cour administrative d'appel (CAA) de Toulouse, rappelle que toute demande adressée à l'acheteur par un autre cocontractant d'un groupement conjoint que le mandataire ne peut être considéré comme une réclamation au sens de l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché litigieux.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048095167

« Une lettre directement adressée par une entreprise membre d’un groupement au maître d'ouvrage, ne saurait, dès lors qu'elle n'a pas été transmise par le mandataire du groupement, tenir lieu de réclamation au sens des stipulations de l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles. ».

Deux EHPAD ont entrepris des travaux de rénovation et d'extension. La société Icade a été désignée maître d'ouvrage délégué, attribuant la maîtrise d'œuvre à un groupement pour chaque établissement. La société Betem Ingénierie, membre d’un groupement réclame des honoraires impayés.

Après plusieurs relances sans réponse de l’acheteur, elle saisit le tribunal administratif de Montpellier pour obtenir le paiement du solde du marché de maîtrise d'œuvre conclu pour la rénovation de l'établissement. La cour administrative d'appel a été saisie après que le tribunal administratif a rejeté sa demande.

La cour relève qu’il s’agit d’un groupement de maîtrise d'œuvre conjoint. Il rappelle les dispositions relatives aux groupements et le rôle de représentation du mandataire dans la cotraitance.

Seul le mandataire d’un groupement est habilité à saisir le pouvoir adjudicateur d'un mémoire en réclamation

La cour ajoute qu’« Il résulte des stipulations combinées de l'article 1er de l'acte d'engagement et de l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales que la société mandataire désigné par les cotraitants pour l'exécution du marché et, dès lors, pourvue d'une compétence exclusive pour assurer les relations entre ceux-ci et le maître de l'ouvrage pour l'ensemble des questions relatives à l'exécution du contrat, était seule habilitée à saisir le pouvoir adjudicateur d'un mémoire en réclamation ».

Le CCAG-PI 2021 reprend des dispositions analogues « 12.5.2. Le titulaire ou son mandataire est seul habilité à présenter les projets de décomptes et à accepter le décompte général. Sont seules recevables les réclamations formulées ou transmises par ses soins. » (Article 12.5.2 CCAG-PI 2021).

En l’espèce, la société requérante n’étant pas mandataire du groupement.

Le contenu du mémoire en réclamation

Or, la requérante a formulé seule un mémoire en réclamation sachant que le contenu de ce dernier est régit par les dispositions de l'article 40.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles.

La cour rappelle que ce mémoire doit

  • comporter l'énoncé d'un différend,
  • exposer, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

Seul le mandataire peut transmettre une réclamation

La cour en déduit que seule la société mandataire du groupement « pouvait, en qualité de mandataire, valider et présenter le projet de décompte afférent aux prestations de maîtrise d'œuvre accomplies par la société appelante et transmettre toute réclamation de cette dernière sur le règlement de ses honoraires au maître d'ouvrage. »

La cour rejette la requête suite à l’irrecevabilité de la demande de la société

[…]

5. Les stipulations précitées de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles ne s'opposent pas à ce que la responsabilité du mandataire solidaire d'un groupement de maîtrise d'œuvre puisse être recherchée en cette qualité à compter de la date à laquelle la mission du groupement de maîtrise d'œuvre s'est achevée, dès lors que si cette dernière date marque la fin des relations contractuelles, elle demeure sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, qui lient le mandataire au titre de l'engagement solidaire qu'il a contracté.

6. Il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre en litige ne comporte aucune clause de solidarité entre les cotraitants et comprend une annexe relative à la répartition des honoraires en fonction des missions confiées à chaque cotraitant, modifiée à plusieurs reprises par des avenants. Il est donc constant que le groupement de maîtrise d'œuvre présente le caractère d'un groupement conjoint.

7. En second lieu, aux termes de l'article 12.31 du cahier des clauses administratives générales précité : " Après réception, selon les stipulations du chapitre V, des prestations faisant l'objet du marché ou, si le marché est fractionné, d'une phase assortie d'un paiement partiel définitif, le titulaire doit adresser à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies. / Le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché ; si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie le décompte retenu (...) ". L'article 12.4 du même cahier, relatif au règlement en cas de cotraitants payés directement, stipule que : " En ce qui concerne les cotraitants mentionnés au 1 de l'article 3 ainsi que les sous-traitants payés directement, les acomptes et les décomptes sont décomposés en autant de parties qu'il y a de personnes à payer séparément ". Enfin, aux termes de l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en litige : " En cas de cotraitance, le mandataire est seul habilité à présenter les demandes d'acompte et les projets de décompte, et à accepter les décomptes ; seules sont recevables les réclamations formulées ou transmises par ses soins ".

8. L'article 40.1 de ce même cahier des clauses administratives générales stipule, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché. La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".

9. Il résulte de ces stipulations que le différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, préalablement à toute instance contentieuse, d'un mémoire en réclamation de la part du titulaire du marché. Un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens de l'article 40.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

10. Il résulte des stipulations combinées de l'article 1er de l'acte d'engagement et de l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales que la société BDM Architectes, mandataire désigné par les cotraitants pour l'exécution du marché et, dès lors, pourvue d'une compétence exclusive pour assurer les relations entre ceux-ci et le maître de l'ouvrage pour l'ensemble des questions relatives à l'exécution du contrat, était seule habilitée à saisir le pouvoir adjudicateur d'un mémoire en réclamation.

11. Par suite, ainsi qu'il est soutenu en défense, seule la société BDM Architectes pouvait, en qualité de mandataire, valider et présenter le projet de décompte afférent aux prestations de maîtrise d'œuvre accomplies par la société appelante et transmettre toute réclamation de cette dernière sur le règlement de ses honoraires au maître d'ouvrage. Sur ce point, il résulte de l'instruction qu'après avoir demandé aux membres du groupement de transmettre leur projet de décompte par un courriel du 13 avril 2016, la société BDM Architectes a relancé la société Betem Ingénierie à deux reprises, par des courriels adressés les 28 avril et 19 mai 2016 produits par l'appelante, afin que cette dernière transmette son projet de décompte. Dans sa dernière relance du 19 mai 2016, la société BDM Architectes a précisé à la société appelante que les projets de décomptes des membres du groupement seront adressés au maître d'ouvrage au plus tard le 23 mai 2016. La société Betem Ingénierie indique, en se bornant à produire un bordereau d'envoi de documents daté du 25 mai 2016 sans toutefois joindre une preuve d'envoi par une lettre recommandée avec accusé de réception ou par un message électronique, avoir établi son projet de décompte le 24 mai 2016 et l'avoir transmis à la société BDM Architectes le 25 mai 2016. Par ailleurs, dès lors que seul le mandataire du groupement est, en vertu des stipulations précitées de l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, habilité à valider et présenter les projets de décompte et à formuler ou à présenter des réclamations pour le compte des membres du groupement, la société appelante ne peut utilement soutenir qu'elle a pris l'initiative de transmettre son projet de décompte directement au maître d'ouvrage par des courriers des 11 octobre 2017, 22 janvier et 15 mai 2019.

12. Si la société Betem Ingénierie se prévaut, pour la première fois en appel, d'un courrier du 29 octobre 2018, obtenu sur assignation de la société BDM Architectes devant le tribunal de commerce de Perpignan, par lequel cette dernière a transmis son projet de décompte à la société Icade, maître d'ouvrage délégué, lequel en a accusé réception le 30 octobre suivant, ce document n'est pas de nature à établir qu'elle a accompli les diligences nécessaires en vue, d'une part, que son projet de décompte soit adressé en temps utile, par le mandataire du groupement, au maître d'ouvrage dans le cadre des opérations d'établissement du décompte général du marché en litige et, d'autre part, que ce mandataire transmette une réclamation relativement au décompte de ses prestations. À cet égard, à supposer que le courrier du 29 octobre 2018 puisse être regardé comme valant transmission au maître d'ouvrage, par le mandataire du groupement, du projet de décompte de la société Betem ingénierie, la lettre directement adressée par cette dernière au maître d'ouvrage, le 15 mai 2019, pour obtenir le règlement du solde des honoraires qu'elle estimait devoir percevoir ne saurait, dès lors qu'elle n'a pas été transmise par le mandataire du groupement, tenir lieu de réclamation au sens des stipulations précitées de l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tenant à la formulation du mémoire en réclamation, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande de la société Betem Ingénierie doit être accueillie.

[…]

MAJ 15/10/23 - Source legifrance

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