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CAA Nancy, 6 avril 2021, n° 20NC01980, absence de mention "ou équivalent"

CAA Nancy, 6 avril 2021, n° 20NC01980, absence de mention "ou équivalent"

Articulation entre la régularité d'une résiliation pour invalidité du contrat et droit à indemnisation du cocontractant. La Cour juge que l'absence de mention "ou équivalent" pour des marques imposées dans un marché public constitue une irrégularité suffisamment grave pour justifier la résiliation, dès lors qu'elle a eu pour effet de restreindre la concurrence. Elle précise que le titulaire du marché ne peut prétendre à l'indemnisation de son préjudice lorsque l'irrégularité qui fonde la résiliation a précisément favorisé l'attribution du contrat en sa faveur, faute de lien direct entre la faute de l'administration et le préjudice allégué.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043378204    

La communauté d'agglomération Reims Métropole avait conclu en 2014 trois lots d'un marché public de fourniture de points lumineux avec la société Comptoir Négoce Equipements (CNE). Constatant que les documents de la consultation imposaient des marques sans la mention "ou équivalent", en méconnaissance de l'article 6 du code des marchés publics alors applicable (désormais article R2111-7 du code de la commande publique), l'acheteur a résilié les contrats quelques mois après leur signature.

La cour commence par rappeler les principes applicables en matière de résiliation et d'indemnisation. Si la personne publique peut toujours résilier unilatéralement un contrat pour motif d'intérêt général sous réserve d'indemniser son cocontractant, elle peut également le résilier sans saisine préalable du juge lorsqu'il est entaché d'une irrégularité d'une gravité telle que le juge du contrat en aurait prononcé l'annulation ou la résiliation. Dans ce cas, le cocontractant peut prétendre sur un terrain quasi-contractuel au remboursement des dépenses utiles et, en cas de faute de l'administration, à la réparation du préjudice imputable à cette faute.

En l'espèce, la cour considère que la référence fermée à des marques sans mention "ou équivalent" a effectivement eu pour effet de favoriser la société CNE, seule à avoir candidaté alors que des consultations similaires avec mention "ou équivalent" avaient suscité jusqu'à 27 offres. Cette irrégularité étant suffisamment grave pour justifier une résiliation par le juge du contrat, la résiliation unilatérale était régulière sur le fond malgré un vice de forme tenant à l'incompétence de son auteur.

S'agissant de l'indemnisation, la cour adopte un raisonnement particulièrement rigoureux. Elle écarte d'abord toute indemnisation fondée sur l'irrégularité formelle de la résiliation ou sur la résiliation elle-même puisque celle-ci était justifiée. Elle rejette ensuite la demande indemnitaire fondée sur la faute de l'administration dans la rédaction des documents de consultation. En effet, dès lors que cette faute (l'absence de mention "ou équivalent") a favorisé l'attribution du marché à la société CNE, le lien entre la faute et le préjudice (manque à gagner suite à la résiliation) ne peut être regardé comme direct.

Cette solution s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d'État qui considère que lorsque l'irrégularité tient à un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ayant permis au titulaire d'obtenir le marché, la faute n'est pas en lien avec le préjudice subi par le cocontractant de l'administration (CE, 6 octobre 2017, n° 395268, sté Cégélec Perpignan).

L'intérêt de cette décision réside dans sa démonstration du caractère non indemnisable du préjudice lorsque l'irrégularité qui fonde la résiliation a précisément favorisé l'attribution du contrat au requérant. Elle illustre également l'importance du respect scrupuleux des règles relatives aux spécifications techniques, dont la violation peut avoir des conséquences lourdes tant pour l'acheteur que pour le titulaire du marché.

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14. En dernier lieu, la société CNE, qui ne formule aucune conclusion sur le terrain quasi-contractuel, demande enfin l'indemnisation de son manque à gagner sur le fondement de la faute de la communauté urbaine du Grand Reims dans la rédaction des documents de la consultation. Il résulte cependant de l'instruction et de ce qui a été dit précédemment que l'omission par la communauté urbaine de la mention " ou équivalent " au titre des spécifications techniques dans les documents de la consultation a eu pour effet de favoriser la candidature de la société CNE. Un tel manquement a eu une incidence déterminante sur l'attribution du marché à la société CNE. Dès lors, le lien entre la faute de l'administration et le manque à gagner subi ainsi que le coût exposé d'un de ses salariés au cours de la période du 17 juillet 2014 au 17 juillet 2015, ayant eu pour fonction de répondre à l'appel d'offre et de suivre l'exécution des lots, dont la société entend obtenir la réparation, ne peut être regardé comme direct.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté urbaine du Grand Reims est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à verser à la société Comptoir Négoce Equipements la somme de 172 560,73 euros, en principal, en réparation des préjudices subis du fait de la résiliation des trois lots du marché conclu le 17 juillet 2014. Pour les mêmes motifs, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, la demande de la société Comptoir Négoce Equipements et ses conclusions tendant à ce que, par la voie de l'appel incident, cette indemnisation soit augmentée de 341 121,46 euros, doivent être rejetées.

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MAJ 15/04/21 - Source legifrance