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CAA Nancy, 2 avril 2024, n°21NC00766 CCAG pénalités

CAA Nancy, 2 avril 2024, n°21NC00766

L'article 20 du CCAG travaux 2009 applicable, qui prévoit que les pénalités de retard sont encourues dès la constatation du retard par le maître d'œuvre, ne confère pas au maître d'ouvrage le droit d'imposer ces pénalités avant l'établissement du décompte définitif. Il résulte des pièces constitutives du marché que la commune et la société requérante ont entendu appliquer ce principe contractuel, sans vouloir y déroger. Un titre exécutoire pour le paiement de pénalités ne peut être admis en l'absence dudécompte général et définitiff. Lorsque les conditions du marché public précisent que seul le décompte général définitif consolide les droits et obligations des parties, l'acheteur ne peut émettre un titre exécutoire afin de récupérer des pénalités provisionnelles avant la finalisation de ce décompte.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049372707

Dans le cadre d'une opération de réaménagement de la mairie, la commune de Still a confié à la SAS Samson le lot n° 4 "charpentes métalliques" par un contrat conclu en octobre 2016. Cet accord a été modifié par un avenant signé en mai 2017, augmentant le prix total des travaux. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve en février 2018, et un décompte définitif en faveur de la SAS Samson a été approuvé par le maître d'œuvre en octobre de la même année. Cependant, en juin 2019, la commune de Still a émis un titre de perception réclamant des pénalités de retard à la SAS Samson. Contestant ce titre, la société Samson a saisi le tribunal administratif de Strasbourg, demandant l'annulation du titre exécutoire et la libération de l'obligation de paiement, ainsi que le règlement du solde du marché. Malgré cela, le tribunal a rejeté sa demande, ce qui a conduit la SAS Samson à faire appel de la décision.

Se posaient deux questions :

Quelle version du CCAG travaux appliquer ? Le marché se référait au CCAG travaux 2009 auquel cas devait s'appliquer le CCAG travaux 2009 dans sa version initiale ou le CCAG travaux 2009 modifié en 2014 ? Sachant que la réponse avait son importance.

Quelle version du CCAG travaux appliquer ?

Marché visant le CCAG travaux 2009 : doit-on considérer que le CCAG applicable est le CCAG travaux 2009 dans sa version initiale ou le CCAG travaux 2009 modifié en 2014 ?

Dans le cas présenté, l'analyse des dispositions contractuelles révèle que le Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) ne spécifie pas explicitement le Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) applicable.

Cependant, plusieurs références au CCAG sont présentes dans le CCAP, notamment des clauses rédigées "conformément au CCAG" ou "par dérogation au CCAG", ainsi que des dérogations spécifiées à celui-ci dans l'article dédié aux dérogations aux documents généraux.

Cette analyse met en évidence une intention claire des parties de se référer à un CCAG spécifique dans la rédaction du contrat.

En parallèle, l'examen des textes réglementaires pertinents, notamment l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du CCAG applicable aux marchés publics de travaux, révèle des dispositions transitoires concernant l'entrée en vigueur de ce nouvel arrêté. Selon ces dispositions, les marchés publics pour lesquels une consultation a été engagée avant le 1er avril 2014 demeurent régis par les dispositions du CCAG antérieur.

En considérant que la procédure de passation du contrat entre la société Samson et la commune de Still a été lancée en septembre 2016, soit postérieurement au 1er avril 2014, il est conclu que le contrat était soumis au CCAG approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009, dans sa version modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014.

Un titre exécutoire relatif aux pénalités de retard peut il être émis en amont de l'établissement du décompte définitif ?

Les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs.

L'article 20 du CCAG travaux applicable, qui prévoit que les pénalités de retard sont encourues dès la constatation du retard par le maître d'œuvre, ne confère pas au maître d'ouvrage le droit d'imposer ces pénalités avant l'établissement du décompte définitif.

Or, un titre exécutoire pour le paiement de pénalités a été émis, en l'absence d'un décompte général définitif.

Par conséquent, la créance relative aux pénalités ne pouvait légalement être imposée avant l'établissement dudit décompte.

[…]

En ce qui concerne la détermination du CCAG applicable :

2. D'une part, il est vrai que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché liant la société Samson et la commune n'identifie pas de cahier des clauses administratives générales (CCAG) parmi les pièces contractuelles. Toutefois, l'article 2.1 du CCAP intitulé " pièces contractuelles " stipule : " Pour ce qui est des pièces générales, elles ne sont pas jointes au dossier, le soumissionnaire étant censé les connaître. " En outre, plusieurs clauses de ce CCAP sont rédigées " conformément au CCAG " ou, au contraire, " par dérogation au CCAG " et l'article 11 du CCAP, dédié aux dérogations aux documents généraux, énumère des dérogations au CCAG. Ces renvois permettent de déduire qu'est visé le CCAG Travaux du 8 septembre 2009, ce qui n'est au demeurant pas contesté.

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 3 mars 2014, modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur au 1er avril 2014./ Les marchés publics pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication avant cette date demeurent régis, pour leur exécution, par les dispositions du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux auxquels ils se réfèrent dans leur rédaction antérieure aux dispositions du présent arrêté ".

4. Il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions figurant sur l'ordre de service n°1, que la procédure de passation du contrat liant la société Samson et la commune de Still a été lancée en septembre 2016, soit postérieurement au 1er avril 2014. Si le maître d'ouvrage soutient que la commune intention des parties était de soumettre le marché au CCAG 2009 dans sa version initiale, aucun élément soumis à l'instruction ne permet de tenir pour établi que les parties se seraient accordées pour ne pas appliquer le CCAG alors en vigueur, mais une version antérieure.

5. Dans ces conditions, le contrat était soumis au CCAG applicable aux marchés de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009, dans sa version modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014.

En ce qui concerne leur recevabilité :

6. Les premiers juges ont retenu que les conclusions de la société Samson tendant à la condamnation de la commune de Still à lui régler le solde restant dû au titre du marché étaient irrecevables au motif que la commune n'avait pas établi le décompte général définitif et que le titulaire du marché n'établissait pas avoir mis en demeure le maître d'ouvrage d'établir ce décompte, avant de saisir le tribunal.

7. La société Samson, sans d'ailleurs développer de motif contestant expressément l'irrecevabilité ainsi retenue par le tribunal dans son jugement du 22 janvier 2021, fait valoir qu'elle a mis en demeure le maître d'ouvrage d'établir le décompte, par un courrier reçu par ce dernier le 9 février 2021 et adressé en copie au maître d'œuvre, et qu'un décompte tacite est né du silence gardé par l'administration.

8. Il est vrai que, conformément à l'article 13.4.4 du CCAG applicable, auquel le CCAP ne déroge pas sur ce point, le silence gardé pendant un délai de dix jours par la commune de Still sur cette mise en demeure, à laquelle était jointe un projet de décompte général, a fait naître un décompte général et définitif tacite. Toutefois, cette mise en demeure n'a été réalisée que postérieurement au jugement litigieux, de sorte qu'elle demeure sans incidence sur le motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges et par suite sur la régularité du jugement. La société requérante n'est donc pas fondée à contester le jugement en tant qu'il rejette ses conclusions relatives au règlement du solde du marché comme irrecevables.

Sur les conclusions contestant le titre exécutoire :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune :

9. L'irrecevabilité des conclusions tendant à la condamnation de la commune à payer le solde du marché, évoquée précédemment, est sans incidence, par elle-même, sur la recevabilité des conclusions présentées en première instance contre le titre exécutoire en litige, comme sur la recevabilité de l'appel de la société requérante.

En ce qui concerne le bien-fondé du titre exécutoire :

10. Les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs.

11. Il résulte des pièces constitutives du marché que la commune de Still et la société Samson ont entendu appliquer ce principe contractuel, sans vouloir y déroger en ce qui concerne les pénalités infligées par le titre litigieux et exigées en application de l'article 4 du CCAP. A cet égard, la circonstance que l'article 20 du CCAG applicable prévoit que les pénalités de retard sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre n'a ni pour objet ni pour effet de permettre au maître d'ouvrage d'infliger de telles pénalités en amont de l'établissement du décompte définitif, contrairement à ce que soutient la commune. Il ne résulte pas plus de l'instruction que les parties se seraient accordées, en cours d'exécution du contrat, pour écarter le principe mentionné au point précédent.

12. Si la commune allègue qu'il est de pratique constante et usuelle que des pénalités de retard soient imputées au titulaire par le pouvoir adjudicateur à titre provisoire avant même l'intervention du décompte général et définitif du marché, une telle circonstance, à la supposer même établie, est sans incidence sur la conformité d'une telle pratique par rapport au principe mentionné au point 10 et sur les règles applicables au marché litigieux.

13. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire litigieux a été émis le 14 juin 2019, à un moment où il n'existait pas de décompte général définitif. La société requérante est donc fondée à soutenir, pour la première fois en appel, que la créance relative aux pénalités ne pouvait être mise à sa charge avant l'établissement d'un tel décompte. Au surplus, le décompte général et définitif, né du silence gardé par la commune ainsi qu'il a été dit au point 8, fait obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge du titulaire. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la société requérante est fondée à demander l'annulation de ce titre exécutoire ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante, et à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions sur ce point.

[…]

MAJ 10/04/24 - Source legifrance

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