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CAA Bordeaux, 15 novembre 2016, n° 15BX00253, Bordeaux Métropole

CAA Bordeaux, 15 novembre 2016, n° 15BX00253, Bordeaux Métropole - Marchés publics : comparaison des offres et exonération de TVA

La régularité d'une méthode de notation de prix de prestations s'apprécie sans considération de la situation particulière de chacune des entreprises candidates et ne saurait donc dépendre, notamment, de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Eu égard à ce principe, une collectivité ne saurait comparer les prix proposés par chacune des entreprises en ajoutant aux prix proposés hors taxe, conformément aux règles qu'elle a définies, par les candidats non exonérés de taxe à la date de la comparaison, la TVA qui sera éventuellement due par elle sur les prestations. Ainsi, lorsque, parmi les candidats présentant une offre, certains sont, à la date de comparaison des offres, exonérés de TVA et d'autres pas, le pouvoir adjudicateur, pour respecter le principe d'égalité entre les candidats, n'a pas à modifier le prix proposé par ceux qui ne sont pas exonérés pour y ajouter la TVA qui grèvera, le cas échéant, le prix à payer.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000033404139

Dans les procédures de passation des marchés publics, le principe d'égalité de traitement des candidats exige que la comparaison des offres se fasse sur une base identique, indépendamment de la situation fiscale particulière de chaque entreprise. Ainsi, lorsque le pouvoir adjudicateur demande des prix hors taxe, il doit comparer ces prix sans tenir compte des éventuelles exonérations de TVA dont pourraient bénéficier certains candidats. Cette règle vise à garantir une concurrence loyale et transparente, tout en simplifiant l'analyse des offres pour l'acheteur public.

En l'espèce, la communauté urbaine de Bordeaux avait correctement appliqué ce principe en comparant les prix hors taxe proposés par tous les candidats, sans ajout de la TVA pour ceux qui n'en étaient pas exonérés. La Cour administrative d'appel a validé cette méthode, annulant ainsi le jugement de première instance qui avait considéré à tort que cette approche était irrégulière.

Contexte et procédure

En décembre 2010, la communauté urbaine de Bordeaux a lancé une procédure de passation pour deux marchés à bons de commande relatifs à la formation obligatoire des conducteurs de poids-lourds. La société ECF-CESR-FP, non retenue pour l'un des marchés, a contesté la procédure devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Par un jugement du 19 novembre 2014, le tribunal a condamné la communauté urbaine à verser 25 000 euros à la société au titre de son manque à gagner. Bordeaux Métropole, venant aux droits de la communauté urbaine, a fait appel de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

Analyse

Sur la régularité de la méthode de notation des prix

La Cour rappelle les principes applicables en matière de notation des offres dans les marchés publics :

- Le pouvoir adjudicateur définit librement sa méthode de notation (article 53 du Code des marchés publics de 2006, aujourd'hui article R2152-7 du Code de la commande publique)

- Cette méthode ne doit pas être discriminatoire et doit respecter les principes de la commande publique (article 1er du CMP 2006, aujourd'hui article L3 du CCP)

En l'espèce, le cahier des charges prévoyait que les prix devaient être exprimés hors taxe par tous les candidats. La Cour juge que cette méthode était régulière et respectait le principe d'égalité entre les candidats, "sans considération de leur situation fiscale particulière" au regard de la TVA. 

[...]

1. Suite à un accord-cadre élaboré par la communauté urbaine de Bordeaux, cette dernière a lancé une procédure de passation de deux marchés à bons de commande de formation initiale minimale obligatoire et de formation continue obligatoire des conducteurs de poids-lourds affectés au transport de marchandises, le 22 décembre 2010. Ces deux marchés avaient une durée d'exécution expirant le 31 décembre 2011. Si la société ECF-CESR-FP a été sélectionnée pour le premier marché référencé M101142U, elle a été informée le 21 février 2011 qu'elle n'avait pas été retenue pour le second marché référencé M101143U, qui a été passé avec la société Fauvel, classée première à l'issue de l'analyse des offres. Elle a sollicité auprès du tribunal administratif de Bordeaux l'annulation du marché passé entre la communauté urbaine de Bordeaux et la société Fauvel le 8 février 2011, et la condamnation de la collectivité à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction de la procédure de passation du marché n° MU101143U. Bordeaux Métropole, qui vient aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux, relève appel du jugement en date du 19 novembre 2014 en tant qu'il l'a condamnée à payer à la société ECF-CESR-FP la somme de 25 000 euros assortie des intérêts au taux légal.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 1 du code des marchés publics : " (...) II.-Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en oeuvre conformément aux règles fixées par le présent code (...). " Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Une méthode de notation est entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. La régularité d'une méthode de notation de prix de prestations s'apprécie sans considération de la situation particulière de chacune des entreprises candidates et ne saurait donc dépendre, notamment, de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Eu égard à ce principe, une collectivité ne saurait comparer les prix proposés par chacune des entreprises en ajoutant aux prix proposés hors taxe, conformément aux règles définies par elle, par les candidats non exonérés de taxe à la date de la comparaison, la TVA qui sera éventuellement due par la collectivité sur les prestations.

3. En l'espèce, l'article 5 du cahier des charges prévoit que les critères de sélection des offres étaient au nombre de deux, le prix, pondéré à 40 %, et le délai d'exécution, pondéré à 60 %. L'article 8-1 de la lettre de commande de la communauté urbaine de Bordeaux dispose que : " le prix présenté par le titulaire est unitaire, ferme et définitif, exprimé en euros hors taxe. (...) Les prix prévus à la présente lettre de commande s'entendent hors taxes. Ils seront augmentés de tous les droits, impôts et taxes légalement applicables et en vigueur le jour de leur exigibilité. " Il résulte de ces dispositions que le prix proposé devait être exprimé hors taxe par l'ensemble des candidats, sans distinction entre ceux qui étaient exonérés de TVA et les autres. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la méthode de comparaison des offres ayant consisté à comparer les prix tels qu'ils étaient exprimés par les candidats permettait de respecter le principe d'égalité entre les candidats, sans considération de leur situation fiscale particulière. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la communauté urbaine de Bordeaux n'a commis aucune erreur de droit en retenant une telle règle de notation des prix et n'a donc pas entaché la procédure de passation du marché en litige d'irrégularité. Il appartient à la cour, par la voie de l'effet dévolutif, de statuer sur l'ensemble des prétentions de la société ECF-CESR-FP présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux.

4. Saisi par un tiers de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

5. La procédure de passation du marché en litige n'étant pas entachée de la seule irrégularité invoquée par la société ECF-CESR-FP, cette dernière n'est fondée ni à demander l'annulation du marché en litige, ni à être indemnisée des préjudices qu'elle invoque.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Bordeaux Métropole, qui vient aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser à la société ECF-CESR-FP une somme de 25 000 euros en réparation de son manque à gagner.

[...].

MAJ 20/11/16 - Source Legifrance