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Décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008 - Loi relative aux contrats de partenariat

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2008/2008567DC.htm

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des assurances ;

Vu l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 modifiée sur les contrats de partenariat, ensemble la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 et n° 2004-506 DC du 2 décembre 2004 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 18 juillet 2008 ;

Vu les observations en réplique des députés requérants, enregistrées le 23 juillet 2008 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

 

1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative aux contrats de partenariat ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 2 et 19 ; que les députés critiquent en outre ses articles 8, 10, 14, 18, 26, 28, 33 et 45 ;

- SUR LES ARTICLES 2 ET 19 :

2. Considérant que les articles 2 et 19 de la loi déférée modifient l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 susvisée, relatif aux contrats de partenariat passés par l'État et ses établissements publics, et l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales, relatif à ceux passés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics ; que le I de ces articles modifiés soumet la passation de ces contrats à une évaluation préalable ; que leur II détermine les conditions permettant de les conclure ; que leur III désigne les projets publics qui peuvent bénéficier de tels contrats en vertu d'une présomption d'urgence ; que leur IV fait bénéficier de cette présomption tous les projets de contrats mentionnés au III dont l'avis d'appel public à la concurrence est antérieur au 31 décembre 2012 ;

. En ce qui concerne l'évaluation préalable :

3. Considérant que, selon les députés requérants, le caractère succinct de l'évaluation préalable, en cas de situation imprévisible, est contraire à la décision susvisée du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2004, qui fait de cette évaluation un moyen de vérifier que sont remplies les conditions permettant de recourir à un contrat de partenariat ; que le I de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales qui précise que « cette évaluation est menée selon une méthodologie définie par le ministre chargé de l'économie » serait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales ;

4. Considérant, en premier lieu, que, dans sa rédaction antérieure à la loi déférée, l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales prévoyaient, pour tous les cas d'urgence, la possibilité de ne motiver l'exposé de l'évaluation que de façon succincte ; que les dispositions contestées prévoient que l'évaluation elle-même peut être succincte et limitent cette possibilité au seul cas d'urgence qui résulte d'une situation imprévisible au sens de la force majeure ; que, par suite, le premier grief invoqué ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources... » ; que l'article 72 dispose que les collectivités territoriales de la République s'administrent librement par des conseils élus « dans les conditions prévues par la loi » ; qu'aux termes de l'article 21 de la Constitution : « Le Premier ministre... assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire... - Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres » ;

6. Considérant que la « méthodologie » qui sera définie par le pouvoir réglementaire n'a pour but que de fournir une aide à la décision aux collectivités territoriales qui envisagent de recourir à un contrat de partenariat ; qu'elle ne met pas en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales mais en constitue une modalité de mise en œuvre ; que, par suite, le législateur n'a pas méconnu l'article 34 de la Constitution ; qu'en confiant au ministre chargé de l'économie la définition de cette « méthodologie », laquelle est de portée limitée tant par son champ d'application que par son contenu, il n'a pas non plus porté atteinte à l'article 21 de la Constitution ;

. En ce qui concerne les conditions permettant de recourir à un contrat de partenariat :

7. Considérant que le II de l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et le II de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales disposent que ces contrats « ne peuvent être conclus que si, au regard de l'évaluation, il s'avère :

« 1° Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet ;

« 2° Ou bien que le projet présente un caractère d'urgence, lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public, ou de faire face à une situation imprévisible ;

« 3° Ou bien encore que, compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique. Le critère du paiement différé ne saurait à lui seul constituer un avantage » ;

8. Considérant que les députés requérants soutiennent qu'en se bornant à retenir « un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public », les dispositions précitées du 2° qui autorisent le recours aux contrats de partenariat en cas d'urgence ne respectent pas la décision susvisée du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2004 qui exige un « retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs » ; qu'ils estiment, ainsi que les sénateurs requérants, que les dispositions précitées du 3°, qui ouvrent une troisième voie d'accès à de tels contrats, méconnaissent la réserve d'interprétation par laquelle le Conseil Constitutionnel a limité, dans sa décision susvisée du 26 juin 2003, le recours à de tels contrats « à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé » ; qu'enfin, selon les sénateurs requérants, il sera difficile voire impossible au stade du référé pré-contractuel d'apprécier le bilan coûts-avantages, ce qui porterait atteinte au droit au recours constitutionnellement garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit à une personne publique de confier à un tiers, pour une période déterminée, une mission globale ayant pour objet la conception, le financement, la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ; que, toutefois, la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ; que la loi déférée a réservé de semblables dérogations aux seules situations répondant aux motifs d'intérêt général les justifiant ; que répondent à un tel motif, outre la complexité du projet, l'urgence qui s'attache à la réalisation du projet, dès lors qu'elle résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave, préjudiciable à l'intérêt général et affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public ; qu'il en est de même lorsque, en l'absence d'urgence et de complexité du projet et compte tenu soit de ses caractéristiques, soit des exigences du service public dont la personne est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, à l'issue d'une analyse approfondie des avantages et des inconvénients, le bilan du recours à un contrat de partenariat apparaît plus favorable que pour les autres contrats de la commande publique dans l'intérêt du bon emploi des deniers publics, exigence de valeur constitutionnelle qui découle des articles 14 et 15 de la Déclaration de 1789 ; qu'il s'ensuit que le II de l'article 2 de l'ordonnance et le II de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales ne sont pas contraires à la Constitution ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aucune des dispositions contestées ne porte atteinte au contrôle du juge, à qui il reviendra s'il est saisi par une personne intéressée, au besoin en référé, de vérifier, au vu de l'évaluation préalable, si les conditions permettant de recourir à un contrat de partenariat sont remplies ; que, par suite, le grief tiré d'une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, manque en fait ;

. En ce qui concerne la présomption d'urgence :

11. Considérant que le III de l'article 2 de l'ordonnance dispose : « Jusqu'au 31 décembre 2012, sont réputés présenter le caractère d'urgence mentionné au 2° du II, sous réserve que les résultats de l'évaluation prévue au I ne soient pas défavorables, les projets répondant :

« 1° Aux besoins de l'enseignement supérieur et de la recherche, conduisant à l'amélioration de la qualité de la recherche et des conditions d'étude et de vie étudiante ;

« 2° Aux besoins de l'enseignement français à l'étranger et qui conduisent à répondre aux demandes de scolarisation des élèves français et étrangers ou à améliorer leurs conditions d'étude ;

« 3° Aux besoins précisés à l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et à l'article 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire ;

« 4° Aux nécessités de la mise en place des nouvelles technologies répondant aux besoins de la police et de la gendarmerie nationales ;

« 5° Aux nécessités de la réorganisation des implantations du ministère de la défense ;

« 6° Aux opérations nécessaires aux besoins de la santé mentionnées à l'article L. 6148-2 du code de la santé publique ;

« 7° Aux besoins relatifs aux infrastructures de transport, ainsi qu'à leurs ouvrages et équipements annexes, s'inscrivant dans un projet de développement durable, à la rénovation urbaine, à l'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite, à l'amélioration de l'efficacité énergétique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments publics » ;

12. Considérant que le III de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales répute, dans les mêmes conditions, présenter le caractère d'urgence les projets répondant :

« 1° Aux nécessités de la réorganisation des implantations du ministère de la défense ;

« 2° Aux besoins des infrastructures de transport, ainsi qu'à leurs ouvrages et équipements annexes, s'inscrivant dans un projet de développement durable, à la rénovation urbaine, à l'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite, à l'amélioration de l'efficacité énergétique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments publics ;

« 3° Aux besoins de l'enseignement et qui conduisent à l'amélioration des conditions d'enseignement et d'accueil des élèves dans les collèges et lycées et des étudiants dans les universités » ;

13. Considérant que les requérants soutiennent que l'allongement des exceptions au droit de la commande publique aura pour effet d'étendre l'application du contrat de partenariat à l'ensemble de la commande publique et de vider de sa substance la réserve d'interprétation inscrite dans la décision susvisée du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003 ;

14. Considérant qu'en présumant satisfaite la condition d'urgence sous la seule réserve que l'évaluation préalable ne soit pas défavorable, les dispositions contestées du III des articles 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales ont pour effet de limiter la portée de l'évaluation préalable et d'empêcher le juge d'exercer son contrôle sur le caractère d'urgence ; que, dès lors, elles privent de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ; que, par suite, doivent être déclarés contraires à la Constitution le III de l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 susvisée et le III de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales, tels qu'ils résultent des articles 2 et 19 de la loi déférée ; qu'il en va de même, parce qu'il en est inséparable, du IV des mêmes articles qui rend applicable la présomption d'urgence aux projets de contrats de partenariat mentionnés au III dont l'avis d'appel public à la concurrence a été envoyé à la publication avant le 31 décembre 2012 ;

- SUR LES ARTICLES 8 ET 26 :

15. Considérant que les articles 8 et 26 de la loi déférée modifient les articles 8 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et L. 1414-9 du code général des collectivités territoriales, relatifs aux critères d'attribution d'un contrat de partenariat ; qu'ils prévoient que la définition des « petites et moyennes entreprises », auxquelles le candidat doit s'engager à confier une part d'exécution du contrat, sera désormais fixée par voie réglementaire et non plus par la loi ;

16. Considérant que, selon les députés requérants, ce renvoi au règlement est entaché d'incompétence négative ; qu'il pourrait priver d'effet l'obligation d'attribuer aux petites et moyennes entreprises une part de l'exécution du contrat et violerait par suite le principe de libre et égal accès à la commande publique ;

17. Considérant, en premier lieu, que la définition des petites et moyennes entreprises ne conditionne pas, par elle-même, l'attribution du contrat ; qu'elle repose sur des éléments quantitatifs ; qu'il était loisible au législateur, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, d'opérer ce renvoi au règlement ;

18. Considérant, en second lieu, que ce renvoi au règlement n'a pas pour effet de dispenser le pouvoir réglementaire du respect des exigences constitutionnelles ;

19. Considérant qu'il s'ensuit que les griefs dirigés par les requérants à l'encontre des articles 8 et 26 de la loi déférée doivent être rejetés ;

- SUR LES ARTICLES 10 ET 28 :

20. Considérant que les articles 10 et 28 de la loi déférée complètent les articles 10 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et L. 1414-11 du code général des collectivités territoriales par un alinéa aux termes duquel : « La communication à la personne publique d'une idée innovante, qui serait suivie du lancement d'une procédure de contrat de partenariat, peut donner lieu au versement d'une prime forfaitaire » ;

21. Considérant que, selon les députés requérants, les notions d'« idée innovante » et de « prime forfaitaire » ne sont pas suffisamment définies ; que ce manque de précision pourrait conduire les personnes publiques à procéder à des paiements sans contrepartie réelle et pour un montant qui ne fait l'objet d'aucune évaluation ; qu'il en résulterait une violation du « principe de bonne utilisation des deniers publics » ; que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;

22. Considérant que les dispositions critiquées ne permettent le versement d'une prime à l'auteur d'une étude, d'une proposition ou d'une offre comportant une idée innovante que dans le seul cas où la personne publique conclut ensuite, avec un tiers, un contrat de partenariat ; que le législateur a entendu ainsi encourager les entreprises à proposer des projets originaux aux personnes publiques ; qu'en posant le principe du versement d'une prime forfaitaire et ses conditions d'octroi, il n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ; que les griefs invoqués doivent par suite être rejetés ;

- SUR LES ARTICLES 14 ET 33 :

23. Considérant que les articles 14 et 33 de la loi déférée complètent respectivement le I de l'article 13 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et l'article L. 1414-16 du code général des collectivités territoriales ; que ces dispositions prévoient qu'afin de permettre la valorisation d'une partie de son domaine par le titulaire du contrat de partenariat, la personne publique peut autoriser ce dernier « à consentir des baux dans les conditions du droit privé, en particulier des baux à construction ou des baux emphytéotiques, pour les biens qui appartiennent au domaine privé et à y constituer tous types de droits réels à durée limitée. L'accord de la personne publique doit être expressément formulé pour chacun des baux consentis au titulaire du contrat de partenariat. Avec l'accord de la personne publique, ces baux ou droits peuvent être consentis pour une durée excédant celle du contrat de partenariat » ;

24. Considérant que, selon les députés requérants, la possibilité de conclure des baux et de constituer des droits réels sur le domaine privé des personnes publiques pour une durée non limitée, excédant celle du contrat de partenariat, dépossède l'administration de ses droits quant à l'utilisation de son domaine et, dès lors, méconnaît les exigences constitutionnelles inhérentes à la protection des propriétés des personnes publiques ; qu'en outre, l'absence de contrepartie à ces baux, pour la durée excédant celle du contrat de partenariat, méconnaîtrait le principe de bonne utilisation des deniers publics ;

25. Considérant que le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l'État et des autres personnes publiques, résultent respectivement, d'une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 et, d'autre part, de ses articles 2 et 17 ; que ces principes font obstacle à ce que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes poursuivant des fins d'intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine ;

26. Considérant, en premier lieu, que, dans leur rédaction issue de la loi déférée, le d) de l'article 11 de l'ordonnance du 17 juin 2004 ainsi que le d) de l'article L. 1414-12 du code général des collectivités territoriales prévoient que la rémunération du cocontractant tient compte « le cas échéant, des recettes que le cocontractant peut être autorisé à se procurer en exploitant le domaine, les ouvrages, équipements ou biens immatériels, à l'occasion d'activités étrangères aux missions de service public de la personne publique » ; qu'il résulte en outre des travaux parlementaires que la possibilité de fournir au partenaire privé des recettes annexes, en l'autorisant à passer des baux et à constituer des droits réels sur une partie du domaine privé, est destinée à permettre une réduction correspondante de la rémunération due au titre du partenariat ; que, dès lors, ces autorisations ne sont pas dépourvues de contrepartie appropriée ;

27. Considérant, en deuxième lieu, que la possibilité, pour la personne publique, de consentir de telles autorisations n'a pas pour effet de déroger aux dispositions en vigueur qui imposent la consultation de l'autorité compétente de l'État pour l'évaluation des propriétés des personnes publiques préalablement à toute opération immobilière telle que la passation de baux, accords amiables et conventions quelconques ayant pour effet la prise en location ;

28. Considérant, en troisième lieu, que les autorisations données par la personne publique en application des dispositions contestées, ainsi que les baux et droit réels qui en résultent, constituent des accessoires au contrat de partenariat ; que, si les dispositions déférées permettent à la personne publique d'autoriser le partenaire privé à consentir des baux et à constituer des droits réels pour une durée excédant celle du partenariat, elles n'ont pas pour effet de permettre à ce partenaire de demeurer titulaire de tels baux ou de jouir de tels droits au-delà de la durée du partenariat ; que ces baux et ces droits seront, à l'issue de la durée du partenariat, transférés à la personne publique ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions ne permettent pas au partenaire privé d'exploiter le domaine privé de la personne publique au-delà de cette durée ;

29.Considérant, dès lors, que le grief tiré de ce que les articles 14 et 33 de la loi déférée méconnaîtraient la protection due à la propriété des personnes publiques et l'exigence de bon emploi des deniers publics manque en fait ;

- SUR L'ARTICLE 18 :

30. Considérant que l'article 18 de la loi déférée modifie l'article L. 1414-1 du code général des collectivités territoriales relatif à la définition des contrats de partenariat ; qu'en particulier, le III de l'article L. 1414-1 dispose : « Lorsque la réalisation d'un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs personnes publiques, ces dernières peuvent désigner par convention celle d'entre elles qui réalisera l'évaluation préalable, conduira la procédure de passation, signera le contrat et, éventuellement, en suivra l'exécution. Cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme » ;

31. Considérant que les députés requérants soutiennent que le renvoi à une convention opéré par les dispositions précitées est non seulement entaché d'incompétence négative mais aussi générateur d'inégalités entre collectivités territoriales ;

32. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune » ; que ces dispositions habilitent la loi à désigner une collectivité territoriale pour organiser et non pour déterminer les modalités de l'action commune de plusieurs collectivités ;

33. Considérant qu'en prévoyant que plusieurs collectivités publiques, qui ne sauraient comprendre l'État et ses établissements publics, peuvent désigner l'une d'entre elles pour signer un contrat de partenariat et en disposant que la convention passée entre ces collectivités précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme, l'article 18 de la loi déférée a non seulement autorisé la collectivité désignée à organiser l'action commune de plusieurs collectivités, mais lui a également conféré un pouvoir de décision pour déterminer cette action commune ; que, dès lors, il a méconnu le cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution ; qu'il s'ensuit que doivent être déclarés contraires à la Constitution, au III de l'article L. 1414-1 du code général des collectivités territoriales, le membre de phrase : « , signera le contrat » et la phrase : « Cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme. », tels qu'ils résultent de l'article 18 de la loi déférée ;

- SUR L'ARTICLE 45 :

34. Considérant que l'article 45 de la loi déférée modifie le deuxième alinéa de l'article L. 241-1 du code des assurances afin d'étendre aux personnes morales assurant la maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat conclu avec l'État ou ses établissement publics la dispense d'obligation d'assurance de dommages prévu par cet article ;

35. Considérant que, selon les requérants, en excluant de cette dispense d'assurance les personnes morales qui assurent la maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat avec une collectivité territoriale ou un établissement public local, cette disposition méconnaît le principe d'égalité devant la loi ; qu'elle imposerait à ces collectivités territoriales une contrainte contraire au principe de leur libre administration et comporterait des risques de distorsion de concurrence entre entreprises candidates, en méconnaissance du principe d'égalité devant la commande publique ;

36. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

37. Considérant qu'eu égard à la capacité de faire face au risque financier résultant de la défaillance du cocontractant, l'État et ses établissements publics ne se trouvent pas dans une situation identique à celle des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ; que, dès lors, le grief tiré de la violation du principe d'égalité devant la loi doit être rejeté ; qu'en outre, cette différence de traitement entre certaines personnes publiques n'a pas pour conséquence de créer, entre les entreprises candidates aux contrats de partenariat, une différence qui méconnaîtrait le principe d'égalité devant la commande publique ; qu'enfin, la disposition déférée, qui tend à limiter, par une dispense d'assurance, le coût des partenariats conclus avec l'État et ses établissements publics, ne porte pas atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ; que, dès lors, l'article 45 de la loi n'est pas contraire à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 16 :

38. Considérant que l'article 16 de la loi déférée donne une nouvelle rédaction à l'article 25 de l'ordonnance du 17 juin 2004 ; qu'aux termes des deux derniers alinéas de ce nouvel article 25, qui résultent d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture : « Pour les contrats d'un montant supérieur à un seuil défini par décret, les entités adjudicatrices mentionnées à l'article 4 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 précitée peuvent recourir à la procédure négociée avec publication d'un avis d'appel public à la concurrence, dans les conditions définies par le décret mentionné à l'article 12 de ladite ordonnance pour les entités adjudicatrices. – Lorsque le montant du contrat est supérieur au seuil mentionné à l'alinéa précédent, ces entités adjudicatrices peuvent recourir à la procédure négociée définie au III de l'article 7 de la présente ordonnance » ;

39. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui impose d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

40. Considérant, en l'espèce, qu'en adoptant les dispositions précitées, le législateur a entendu ouvrir aux entités adjudicatrices la possibilité de recourir de plein droit à la procédure négociée pour la passation de leurs marchés ; qu'il a, à cet effet, défini deux procédures, supposées alternatives, en dessous et au dessus d'un seuil défini par décret ; que, toutefois, la rédaction adoptée ne fait référence, dans l'un et l'autre cas, qu'aux contrats dont le montant est « supérieur au seuil » ; que ces dispositions, qui doivent de surcroît être combinées avec le III de l'article 7 de l'ordonnance du 17 juin 2004 dans sa rédaction résultant de l'article 7 de la loi déférée, lequel fait référence aux contrats dont le montant est « inférieur à un seuil fixé par décret », portent atteinte, par leur contradiction, à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; que, dans ces conditions, les deux derniers alinéas de l'article 16 de la loi déférée doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

41. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,

 

D É C I D E :

Article premier.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative aux contrats de partenariat :

- les III et IV de l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, tels qu'ils résultent de l'article 2 de la loi ;

- les deux derniers alinéas de l'article 25 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, tels qu'ils résultent de l'article 16 de la loi ;

- au III de l'article L. 1414-1 du code général des collectivités territoriales, le membre de phrase : « , signera le contrat » et la phrase : « Cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme. », tels qu'ils résultent de l'article 18 de la loi ;

- les III et IV de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales, tels qu'ils résultent de l'article 19 de la loi.

Article 2.- Le surplus des articles 2, 18 et 19 de la loi relative aux contrats de partenariat, ainsi que ses articles 8, 10, 14, 26, 28, 33 et 45 ne sont pas contraires à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 juillet 2008, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.