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En censurant une méthode qui se fondait uniquement sur la présence d'un planning pour évaluer le critère "Délais d'intervention", alors même que l'absence de ce document n'avait pas rendu l'offre irrégulière, le juge rappelle que la liberté du pouvoir adjudicateur dans la définition de sa méthode d'évaluation est encadrée par les principes d'égalité de traitement et de transparence. Cette décision invite les acheteurs publics à une plus grande vigilance dans l'articulation entre leurs exigences formelles et leur méthode d'évaluation.
Si le pouvoir adjudicateur bénéficie de la liberté de définir les critères d'appréciation d'une offre, en conditionnant son appréciation, à une seule exigence de forme via la production d'un planning, alors même que le règlement de la consultation ne prévoyait pas précisément que le critère " Délais d'intervention " serait apprécié à l'aune de ce seul élément, la collectivité de Saint-Barthélemy n'a pas organisé un examen des offres garantissant l'égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure.
Résumé
Lors de l'évaluation des offres, l'acheteur doit :
En l’espèce, selon le juge, la collectivité a méconnu ces principes en :
La collectivité de Saint-Barthélemy a lancé un appel d'offres pour la construction d'un centre culturel, divisé en 23 lots. Le litige porte sur le lot n°20 "Peinture". La société Enduit Déco Peinture, dont l'offre a été classée deuxième, conteste la décision de rejet de son offre et demande l'annulation de la procédure de passation au stade de l'analyse des offres.
Le règlement de la consultation prévoyait trois critères d'attribution :
Le litige porte principalement sur l'évaluation du critère "Délais d'intervention".
Le règlement de la consultation exigeait, dans son point IV "Démarche qualité", la production d'un planning au sein du mémoire technique.
Point important de l'affaire : "il résulte de l'instruction que la collectivité de Saint-Barthélemy n'a pas considéré l'offre de la société requérante comme irrégulière".
Ce constat du juge met en évidence une incohérence dans la procédure d'évaluation :
Cette absence de sanction pour irrégularité lors de l'analyse initiale est un élément de la décision du juge.
Elle révèle une contradiction dans l'approche de la collectivité :
Le juge rappelle plusieurs principes importants :
"Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode d'évaluation des offres, sans être tenue d'en informer les soumissionnaires, au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics." (Article L2152-8 du Code de la commande publique)
Une méthode d'évaluation est irrégulière si :
"Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel (...) de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres."
Le juge doit cependant vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre.
Le juge constate plusieurs irrégularités dans la méthode d'évaluation du critère "Délais d'intervention" :
La collectivité n'a pas pris en compte les éléments écrits produits par la requérante dans son mémoire technique, se focalisant uniquement sur l'absence de planning.
Bien que le règlement de consultation exigeait la production d'un planning, la collectivité n'a pas considéré l'offre comme irrégulière en son absence. Cependant, elle a ensuite utilisé cette absence comme seul critère d'évaluation pour le "Délai d'intervention".
En conditionnant son appréciation à une seule exigence de forme (production d'un planning), alors même qu'elle n'avait pas sanctionné son absence par une irrégularité, la collectivité n'a pas garanti l'égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure.
Le juge annule la décision de rejet de l'offre de la société Enduit Déco Peinture ainsi que la procédure de passation du lot n°20 au stade de l'analyse des offres.
Il enjoint à la collectivité, si elle souhaite poursuivre la passation du marché, de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres en prenant en compte "l'ensemble des éléments fournis par les candidats pour apprécier le critère 'Délais d'intervention'".
Cette décision met en évidence l'importance de la cohérence entre les exigences formelles du règlement de consultation, l'appréciation de la régularité des offres, et la méthode d'évaluation des critères. Elle souligne également la nécessité pour les acheteurs publics de prendre en compte l'ensemble des éléments fournis par les candidats, au-delà des seules exigences formelles, pour garantir une évaluation équitable et transparente des offres.
Texte
[...}
Considérant ce qui suit :
1. Par avis en date du 12 septembre 2023, la collectivité de Saint-Barthélemy a engagé une consultation, sous la forme d'un appel d'offre ouvert, pour l'attribution d'un marché de travaux relatif à la construction d'un centre culturel comprenant un parking souterrain divisé en 23 lots, dont un lot n°20 " Peinture ". Par courrier en date du 28 juin 2024, la société requérante Enduit Déco Peinture a été informée du rejet de son offre au motif que son offre, classée deuxième, était économiquement moins intéressante que celle retenue. La société requérante demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L551-1 du code de justice administrative d'annuler la décision de rejet de son offre ainsi que la procédure de passation au stade de l'analyse des offres et d'enjoindre à la collectivité de Saint-Barthélemy d'apprécier à nouveau les offres concurrentes du lot n°20.
[...]
5. Aux termes de l'article L2152-8 du code de la commande publique : " Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence ".
6. D'une part, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode d'évaluation des offres, sans être tenue d'en informer les soumissionnaires, au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d'évaluation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d'attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités d'évaluation des critères d'attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie.
7. D'autre part, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
8. En l'espèce, le règlement la consultation de la procédure de passation en litige prévoyait que le classement des offres serait fondé sur les trois critères " Délais d'intervention " pondéré à 20%, " Prix des prestations " pondéré à 50% et " Valeur technique " pondéré à 30%. La société requérante fait valoir que les candidats bénéficiaient d'une liberté de forme pour répondre au critère " Délais d'intervention " et que le pouvoir adjudicateur ne pouvait uniquement se fonder sur l'absence d'un planning pour lui attribuer la note de 0. Si la fourniture d'un planning en tant qu'élément d'appréciation n'est pas dénué de tout lien avec le critère " Délais d'intervention " évalué, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'analyse d'offre, que la collectivité de Saint-Barthélemy s'est fondée sur ce seul élément pour l'évaluer, et n'a dès lors pas pris en compte les éléments écrits produit par la requérante dans son mémoire technique. Si la société attributaire fait valoir que le règlement de la consultation exigeait en son point IV " Démarche qualité " la production d'un planning au sein du mémoire technique, il résulte de l'instruction que la collectivité de Saint-Barthélemy n'a pas considéré l'offre de la société requérante comme irrégulière. Ainsi, si le pouvoir adjudicateur bénéficie de la liberté de définir les critères d'appréciation d'une offre, en conditionnant son appréciation, à une seule exigence de forme via la production d'un planning, alors même que le règlement de la consultation ne prévoyait pas précisément que le critère " Délais d'intervention " serait apprécié à l'aune de ce seul élément, la collectivité de Saint-Barthélemy n'a pas organisé un examen des offres garantissant l'égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure. Enfin, dès lors qu'il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, comme il vient d'être dit au point précédent de la présente ordonnance, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres, la société attributaire ne peut utilement faire valoir que les éléments fournis par la société requérante ne lui aurait permis d'obtenir que quelques points ne lui permettant pas d'être retenue, alors qu'il résulte de l'instruction que le critère " Délais d'intervention " était noté sur 20 points et que l'écart entre les deux offres s'établit à 12,4 points.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que la société Enduit Déco Peinture est fondée a demandé l'annulation de la décision en date du 28 juin 2024 par laquelle la collectivité de Saint-Barthélemy a rejeté son offre ainsi que l'annulation de la procédure de passation du lot n°20 en litige au stade de l'analyse des offres.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Eu égard à la nature et à la portée du manquement constaté, il y a lieu d'enjoindre à la collectivité de Saint-Barthélemy, si elle entend poursuivre la passation du lot n° 20 du marché en litige, de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres, en prenant en compte, quelle que soit leur forme, l'ensemble des éléments fournis par les candidats pour apprécier le critère " Délais d'intervention ".
[...}
Voir également :
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Textes
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Jurisprudence
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Actualités
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