Conseil d’Etat, 25 mars 2013, n° 364950, Département de l’Isère - Publié au recueil Lebon
Le pouvoir adjudicateur peut légalement prévoir un critère d'insertion professionnelle des publics en difficulté. Ce critère ne doit pas être discriminatoire et il doit permettre d'apprécier objectivement ces offres.
Le Conseil d'État admet qu'un critère de performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté peut être en rapport avec l'objet d'un marché de travaux publics, dès lors que celui-ci est susceptible d'être exécuté au moins en partie par du personnel engagé dans une démarche d'insertion. Cette décision ouvre la possibilité d'intégrer des considérations sociales dans les critères d'attribution, à condition qu'elles soient directement liées à l'exécution du marché.
« Dans le cadre d’une procédure d’attribution d’un marché qui, eu égard à son objet, est susceptible d’être exécuté, au moins en partie, par des personnels engagés dans une démarche d’insertion, le pouvoir adjudicateur peut légalement prévoir d’apprécier les offres au regard du critère d’insertion professionnelle des publics en difficulté dès lors que ce critère n’est pas discriminatoire et lui permet d’apprécier objectivement ces offres »
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000027273248
Texte
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1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le département de l'Isère a lancé le 31 juillet 2012 une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché à bons de commande portant sur le renouvellement, le renforcement des chaussées, l'entretien des voies vertes et des abords des bâtiments du conseil général, divisé en treize lots ; que, par un courrier du 27 novembre 2012, la société PL Favier a été informée du rejet de son offre et de l'attribution du lot n° 3 à la société Eiffage ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit aux conclusions présentées par la société PL Favier sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, en annulant la procédure de passation litigieuse ainsi que toute décision s'y rapportant, en ce qui concerne le lot n° 3 ;
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 5 du code des marchés publics : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. (...) " ; que le I de l'article 53 du même code dispose que : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde :/ 1° (...) sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d'apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins, tels que définis à l'article 5 du code des marchés publics, compte tenu des objectifs de développement durable ; que, dans le cadre d'une procédure d'attribution d'un marché qui, eu égard à son objet, est susceptible d'être exécuté, au moins en partie, par des personnels engagés dans une démarche d'insertion, le pouvoir adjudicateur peut légalement prévoir d'apprécier les offres au regard du critère d'insertion professionnelle des publics en difficulté dès lors que ce critère n'est pas discriminatoire et lui permet d'apprécier objectivement ces offres ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit en relevant que, par nature et indépendamment des personnels susceptibles d'être concernés par l'exécution du marché, les travaux de renforcement et de renouvellement de chaussées prévus par le marché litigieux ne présentent aucun lien direct avec l'insertion professionnelle des publics en difficulté ; qu'il y a lieu, en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, d'annuler son ordonnance ;
5. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société PL Favier ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de marché public fixe, parmi les critères de sélection des offres, le critère des performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, pondéré pour 15 % de la note finale ; que l'article 6 du règlement de consultation indique que cette performance en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté doit être appréciée au vu des éléments indiqués par les candidats, lesquels doivent notamment indiquer les modalités d'accueil et d'intégration de la personne en insertion recrutée dans le cadre de l'exécution du marché, présenter son référent avec son éventuelle formation au tutorat ou indiquer la progression et la formation de la personne en insertion recrutée ; que ce critère de performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, ainsi mis en oeuvre pour évaluer l'offre des candidats, est en rapport avec l'objet de ce marché de travaux publics, susceptible d'être exécuté au moins en partie par du personnel engagé dans une démarche d'insertion ; que, par suite, la société PL Favier n'est pas fondée à soutenir que le critère relatif aux performances en matière d'insertion professionnelle ne présente pas de lien avec l'objet du marché et ne pouvait légalement être retenu, alors même que le département de l'Isère n'a pas repris de telles exigences dans le cadre des clauses d'exécution du marché et que celui-ci devait s'exécuter sous la forme de bons de commande ;
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MAJ 10/04/13 - Source legifrance
Jurisprudence
CE, 25 juillet 2001, n°229666, Commune de Gravelines (Un pouvoir adjudicateur ne peut légalement retenir, pour apprécier les offres des entreprises, un critère additionnel de sélection relatif aux propositions faites par les soumissionnaires en matière de création d'emplois, d'insertion et de formation à partir du moment où il constitue un critère additionnel sans rapport avec l'objet du contrat ou avec ses conditions d'exécution).