Répondre aux marchés publics pour les PME : Formation, aide et assistance sur tout le territoire (sur site ou à distance)
Entreprises - PME : Répondre aux marchés publics (DC1, DC2, ATTRI1, DC4, mémoire technique, ...) Acheteurs publics
DATES J01 Fondamentaux J02 Répondre aux AO J03 Réponse électronique J04 Mémoire technique Formations Assistance

Sources > CCP > CCAG > Directives > Lois > Ordonnances > Décrets > Arrêtés > Instructions > Avis > Circulaires > Dématérialisation des MP.

jurisprudence

Conseil d’Etat, 20 octobre 2006, n° 289234, commune d'Andeville

Le choix entre les sanctions ou mesures prises par le juge se fait « eu égard à la nature du vice entachant la procédure de passation des contrats litigieux »

http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnDocument?base=JADE&nod=JGXAX2006X10X000000289234

Le juge des référés précontractuels, saisi pour prononcer la suspension de la passation d'une délégation de service public, peut statuer au-delà de la demande. Dès lors qu'il est régulièrement saisi, il dispose de l'intégralité des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions de l'article L551-1 du code de justice administrative pour mettre fin, s'il en constate l'existence, aux manquements de l'administration à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Il dispose ainsi du pouvoir d'annuler la procédure.

Conseil d’État

statuant au contentieux

N° 289234

Publié au Recueil Lebon

Lecture du 20 octobre 2006

 

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier et 1er février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE D’ANDEVILLE, représentée par son maire, domicilié en cette qualité 1, rue Jean-Jaurès à Andeville (60 570) ; la COMMUNE D’ANDEVILLE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 2 janvier 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens, saisi en application des dispositions de l’article L5511 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation de la convention relative à la gestion d’un service de restauration scolaire, d’un centre de loisirs et d’un pôle jeunes et lui a enjoint de reprendre intégralement la procédure d’attribution de cette convention ;

2°) réglant l’affaire au titre de la procédure de référé précontractuel engagée, de rejeter la demande présentée par la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise devant le tribunal administratif d’Amiens ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L7611 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Boucher, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la COMMUNE D’ANDEVILLE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics ( ) et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l’Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local./ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. ;

Considérant que la COMMUNE D’ANDEVILLE se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 2 janvier 2006 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Amiens, saisi par la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise, a, par application des dispositions précitées, annulé la procédure de passation de la convention ayant pour objet la gestion de la restauration scolaire, du centre de loisir et du pôle jeunes de la commune et enjoint à celle-ci de reprendre intégralement la procédure d’attribution de la convention ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L1411-1 du code général des collectivités territoriales : Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. ; qu’il résulte de ces dispositions que pour qualifier un contrat de délégation de service public et en déduire les règles qui s’appliquent à sa passation, il appartient au juge, non seulement de déterminer l’objet du contrat envisagé, mais aussi d’apprécier si les modalités de rémunération du cocontractant sont substantiellement liées aux résultats de l’exploitation de l’activité ; qu’ainsi, en se bornant, pour analyser la convention passée par la COMMUNE D’ANDEVILLE comme une délégation de service public, à relever que celle-ci avait pour objet l’organisation et la gestion, d’une part, de la restauration scolaire destinée aux enfants de l’école primaire et, d’autre part, d’un centre de loisirs et d’un pôle jeunes pour les enfants et les jeunes de 3 à 17 ans, sans se prononcer sur le point, qui était débattu devant lui, de savoir si la rémunération du cocontractant était substantiellement liée aux résultats de l’exploitation de ces services ou assurée au moyen d’un prix payé par la commune, le juge des référés précontractuels n’a pas suffisamment motivé sa décision et n’a pas mis le juge de cassation à même d’exercer son contrôle ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, la COMMUNE D’ANDEVILLE est fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise devant le tribunal administratif d’Amiens ;

Sur la recevabilité de la demande de la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise devant le tribunal administratif d’Amiens :

Considérant que la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise, candidate à l’attribution de la délégation de service public litigieuse, est susceptible d’être lésée par tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation de cette délégation ; que, par suite, elle est au nombre des personnes habilitées à agir devant le juge des référés précontractuels en vertu des dispositions précitées de l’article L551-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, doit être écartée la fin de non-recevoir tirée par la COMMUNE D’ANDEVILLE du défaut d’intérêt donnant qualité pour agir à la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise ;

Sur la qualification du contrat :

Considérant qu’il résulte de l’instruction d’une part, que le contrat envisagé a pour objet de confier au cocontractant la gestion du service public de la restauration scolaire destinée à l’école primaire, du centre de loisir et du pôle jeunes de la COMMUNE D’ANDEVILLE et, d’autre part, que si le cocontractant de la COMMUNE D’ANDEVILLE perçoit une rémunération fixe versée par la commune, les trois-quarts de ses recettes, environ, sont constituées d’une redevance versée par les familles et d’une participation du département et de la caisse d’allocations familiales variant selon le nombre d’usagers ; que la rémunération calculée selon ces modalités est, dans ces conditions, substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, eu égard à son objet et aux modalités de rémunération du cocontractant, le contrat envisagé doit être analysé comme une délégation de service public et non, comme le soutient la COMMUNE D’ANDEVILLE, comme un marché public ;

Sur la régularité de la procédure de passation du contrat :

Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L1411-1 du code général des collectivités territoriales : Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat. ; qu’aux termes de l’article L1411-12 du même code : Les dispositions des articles L1411-1 à L1411-11 ne s’appliquent pas aux délégations de service public : ( ) c) Lorsque le montant des sommes dues au délégataire pour toute la durée de la convention n’excède pas 106 000 euros ou que la convention couvre une durée non supérieure à trois ans et porte sur un montant n’excédant pas 68 000 euros par an. Toutefois, dans ce cas, le projet de délégation est soumis à une publicité préalable ainsi qu’aux dispositions de l’article L1411-2. Les modalités de cette publicité sont fixées par décret en Conseil d’Etat. ;

Considérant qu’une délégation de service public entre dans le champ des dispositions précitées du c) de l’article L1411-12 du code général des collectivités territoriales lorsque, soit le montant prévisionnel de l’ensemble des sommes à percevoir par le délégataire, qu’elles soient liées ou non au résultat de l’exploitation du service, et quelle que soit leur origine, n’excède pas 106 000 euros pour toute la durée de la convention, soit ce montant n’excède pas 68 000 euros par an et la durée de la convention ne dépasse pas trois ans ; qu’il résulte de l’instruction que le montant prévisionnel des sommes à percevoir par l’attributaire de la délégation de service public envisagée par la COMMUNE D’ANDEVILLE - constituées, ainsi qu’il a été dit plus haut, d’une redevance versée par les familles ainsi que de participations de la commune, du département et de la caisse d’allocations familiales - est, quelles que soient les hypothèses retenues quant à la fréquentation attendue, supérieur à 106 000 euros ; que, dès lors, la COMMUNE D’ANDEVILLE n’est pas fondée à soutenir que la passation de la délégation litigieuse n’était pas soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence prévues par l’article L1411-1 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant qu’aux termes de l’article R1411-1 du code général des collectivités territoriales : L’autorité responsable de la personne publique délégante doit satisfaire à l’exigence de publicité prévue à l’article L1411-1 par une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné./ Cette insertion précise la date limite de présentation des offres de candidature, qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication./ Elle précise également les modalités de présentation de ces offres et mentionne les caractéristiques essentielles de la convention envisagée, notamment son objet et sa nature ; qu’il n’est pas contesté que la délégation de service public envisagée n’a pas été soumise par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans les conditions prévues par ces dispositions ; que la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise, laquelle, habilitée à agir devant le juge des référés précontractuels, peut invoquer devant ce juge tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation de cette délégation de service public, même si un tel manquement n’a pas été commis à son détriment, est, par suite, fondée à soutenir que la COMMUNE D’ANDEVILLE a méconnu les obligations de publicité qui lui incombaient ;

Sur la mise en oeuvre des pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l’article L551-1 du code de justice administrative :

Considérant que le juge des référés précontractuels s’est vu conférer par les dispositions précitées de l’article L551-1 du code de justice administrative le pouvoir d’adresser des injonctions à l’administration, de suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte, d’annuler ces décisions et de supprimer des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat ; que, dès lors qu’il est régulièrement saisi, il dispose - sans toutefois pouvoir faire obstacle à la faculté, pour l’auteur du manquement, de renoncer à passer le contrat - de l’intégralité des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés pour mettre fin, s’il en constate l’existence, aux manquements de l’administration à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu’ainsi, eu égard à la nature du vice entachant la procédure de passation du contrat litigieux, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sans qu’y fasse obstacle la circonstance que la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise se borne à demander la suspension de la procédure, de prononcer l’annulation de cette dernière ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE D’ANDEVILLE une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Fédération des oeuvres laïques de l’Oise, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la COMMUNE D’ANDEVILLE demande au titre des frais de même nature exposés par elle.

 

Plein contentieux

Voir également

La mise en concurrence - Un principe fondamental (Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d’application du code des marchés publics  NOR: ECOM0620004C [Abrogée par la circulaire du 29 décembre 2009 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics - NOR: ECEM0928770C])

Textes

article L551-1 du code de justice administrative