Conseil d’Etat, 26 janvier 2007, n° 276928, Syndicat professionnel de la géomatique / IGN - Publié au recueil Lebon
Lorsqu’un droit exclusif est accordé par l’Etat à un organisme, et que ce droit n’est pas contraire au traité, les conventions conclues entre l’Etat ou un de ses établissements publics et cet organisme échappent à l’application des règles de mise en concurrence prévues par les directives communautaires et les dispositions de droit interne. Le droit exclusif se définit comme la situation dans laquelle le cocontractant d'un pouvoir adjudicateur se voit confier, par un acte législatif ou réglementaire, l'exercice d'une mission d'intérêt général. Ce droit a pour effet de réserver à cette personne l'exercice de l'activité en cause, à l'exclusion de toute autre entité
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000018259390
Résumé
L'autonomie de gestion qu'implique l'attribution de la personnalité morale à un établissement public ne fait pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire impose à l'ensemble des établissements publics de l'Etat d'avoir recours à des prestataires déterminés. De même, le pouvoir réglementaire peut fixer le régime juridique des contrats administratifs passés par les établissements publics de l'Etat, entre eux ou avec des services de l'Etat, pour les besoins de leurs missions d'intérêt général. Il en résulte qu'en leur imposant le choix d'un cocontractant pour se procurer des données géographiques présentant les caractéristiques de celles contenues dans le référentiel à grande échelle, le décret du 22 novembre 2004 n'est pas intervenu dans le domaine législatif.
Le décret du 22 novembre 2004 relatif à l'Institut géographique national, loin d'interdire à des entreprises concurrentes du secteur de constituer et de commercialiser des bases de données géographiques, organise au contraire à cet effet leur accès aux données du référentiel à grande échelle. L'octroi à l'Institut géographique national d'un droit exclusif limité, consistant à imposer aux services et établissements publics de l'Etat, d'une part, de lui communiquer les données dont ils disposent, et d'autre part, d'avoir recours aux données du référentiel, lorsqu'elles leur conviennent, n'est pas sans rapport avec l'objet même du système d'information géographique en cause, qu'il a reçu la mission d'intérêt général de constituer, de mettre à jour et de diffuser, et qui vise à être un référentiel. Il résulte de ce qui précède que le décret attaqué n'a porté d'atteinte illégale ni à la liberté d'entreprendre ni, en tout état de cause, à la liberté d'accès à la commande publique.
Le référentiel à grande échelle est une base de données qui rassemble un ensemble d'informations géographiques numérisées de précision métrique, couvrant l'ensemble du territoire national et comprenant quatre composantes compatibles entre elles, superposables et interopérables, contenant des données topographiques, orthophotographiques et parcellaires ainsi que des adresses. Ce référentiel répond à des besoins propres de l'Etat, notamment en matière de défense nationale et de prévention des risques, en sorte que sa réalisation est nécessaire à la conduite des missions d'intérêt général assurée pour l'Etat et ses établissements publics. La cohérence d'ensemble du dispositif, l'ampleur et l'urgence du projet ainsi que l'investissement qu'il représente et la rentabilité économique incertaine de certains de ses constituants justifient la concentration des moyens financiers et humains nécessaires à cette réalisation sur un seul opérateur. Enfin, les services de l'Etat et ceux de ses établissements publics ne sont tenus d'y recourir que lorsque les données qu'il contient correspondent à leurs besoins. Par suite, le droit exclusif ainsi conféré à l'Institut géographique national n'excède pas les nécessités des services d'intérêt général auxquels l'outil est destiné. Enfin, si les droits exclusifs accordés à l'Institut géographique national par le décret attaqué lui confèrent une position dominante sur les marchés concernés, cette circonstance ne le place pas pour autant en situation d'en abuser automatiquement.... ...Il s'en déduit que le décret du 22 novembre 2004 conférant à l'Institut géographique national la réalisation du « référentiel à grande échelle » et les droits exclusifs qui s'y attachent n'est pas contraire aux stipulations de l'article 86 du Traité instituant la Communauté européenne, dont il résulte que s'il est loisible aux Etats membres d'accorder à des entreprises gérant des services d'intérêt économique général des droits exclusifs pouvant faire obstacle à l'application des règles du traité relatives à la concurrence, ces restrictions à la concurrence ne doivent pas excéder les limites de ce qui est nécessaire à l'accomplissement de leur mission particulière et doivent rester proportionnées à ces nécessités.
L'obligation faite à l'Etat et à ses établissements publics de fournir à l'Institut géographique national les données en leur possession, et de recourir au référentiel à grande échelle constitue un droit exclusif établi en faveur de l'Institut géographique national, qui n'est pas contraire au traité. Par voie de conséquence, les conventions conclues entre l'Etat ou un de ses établissements publics et l'Institut géographique national échappent à l'application des règles de mise en concurrence prévues par les directives communautaires n° 93/36/CEE et 93/38/CEE et par les lois des 3 janvier 1991 et 11 décembre 1992.
L'obligation faite à l'Etat et à ses établissements publics de fournir à l'Institut géographique national les données en leur possession, et de recourir au référentiel à grande échelle constitue un droit exclusif établi en faveur de l'Institut géographique national, qui n'est pas contraire au traité. Par voie de conséquence, les conventions conclues entre l'Etat ou un de ses établissements publics et l'Institut géographique national échappent à l'application des règles de mise en concurrence prévues par les directives communautaires n° 93/36/CEE et 93/38/CEE et par les lois des 3 janvier 1991 et 11 décembre 1992.
Texte