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jurisprudence

CAA Marseille, 16 juillet 2018, n° 18MA02245, Préfet du Var c/ office public de l'habitat Terres du Sud Habitat - Illégalité de la décision de non-allotissement d'un marché public décomposé en lots techniques

Accord-cadre à bons de commande ayant pour objet des travaux de remise en état de logements sociaux. « l'article 1er du règlement de la consultation prévoyait diverses prestations concernant plusieurs corps d'état : maçonnerie, carrelage-faïence, plomberie-sanitaire, menuiserie, revêtement sols souples, serrurerie-métallerie, électricité-courant faible, peinture et nettoyage-décapage-débarrassage. Ainsi, contrairement à ce que prétend l'office public, l'objet du marché litigieux permettait bien l'identification de prestations distinctes au sens de l'article 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 [désormais codifié à l’ article L2113-10 du Code de la commande publique]. Si ce marché aurait pu, en conséquence, être passé en lots séparés, l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat a toutefois décidé de ne pas l'allotir ».

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000037274657

L'arrêt rendu le 16 juillet 2018 par la Cour administrative d'appel de Marseille dans l'affaire n° 18MA02245 offre une illustration intéressante des enjeux liés à l'allotissement des marchés publics et des critères juridiques encadrant cette pratique. Dans cette affaire, l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat avait opté pour un marché global concernant la remise en état des logements de son parc immobilier, une décision qui a été contestée par le préfet du Var sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

Le litige concerne un accord-cadre à bons de commande attribué par l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat pour des travaux de remise en état de logements après état des lieux ou sinistres. Ce marché, d'une durée d'un an, reconductible trois fois, et dont le montant maximum annuel est de 2 000 000 euros HT, n'a pas été alloti, c’est-à-dire qu'il n’a pas été divisé en lots distincts pour permettre une attribution séparée des différentes prestations.

Le préfet du Var a déféré ce marché au tribunal administratif, en assortissant son recours d’une demande de suspension d’exécution. Par une ordonnance du 4 mai 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a suspendu l'exécution du marché. L’office public de l’habitat a contesté cette décision devant la Cour administrative d'appel de Marseille, invoquant divers moyens pour justifier le non-allotissement.

La question principale de cette affaire est celle de la légalité de la décision de non-allotissement d'un marché public. En effet, l'article 32 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics impose le principe de l'allotissement, sauf si celui-ci est impossible ou présente des inconvénients majeurs pour l'acheteur public.

Les enjeux juridiques spécifiques

L’identification des prestations distinctes. Le marché aurait-il dû être alloti en fonction des différents corps de métiers impliqués ?

La justification de la décision de non-allotissement. L’office public a-t-il apporté des justifications suffisantes pour déroger au principe de l'allotissement ?

Les conséquences financières et techniques du non-allotissement. La décision de ne pas allotir a-t-elle permis des économies budgétaires substantielles et a-t-elle facilité l'exécution technique du marché ?

Analyse de la décision de la Cour

Identification des prestations distinctes

La Cour, reprenant les termes de l'article 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, rappelle que les marchés publics doivent en principe être alloti, à moins que l'objet ne permette pas l'identification de prestations distinctes. Le marché en question comportait diverses prestations spécifiques : maçonnerie, carrelage, plomberie, électricité, etc. La Cour conclut que « l'objet du marché litigieux permettait bien l'identification de prestations distinctes au sens de l'article 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ». Ce constat impose donc l’allotissement sauf justifications contraires.

Justification du non-allotissement

L’office public a tenté de justifier sa décision de ne pas allotir en invoquant une situation financière fragile, l'insuffisance de ses effectifs, et la nécessité de réaliser des économies budgétaires. Toutefois, la Cour estime que ces justifications ne sont pas suffisantes ni suffisamment démontrées. Elle souligne que l’office public « ne saurait être regardé, en l'état de l'instruction, comme justifiant de son incapacité alléguée à assurer, par lui-même, de telles missions ».

La Cour rappelle également que toute dérogation au principe de l’allotissement doit être expressément motivée. En l’espèce, il apparaît que « contrairement à ce que prévoient pourtant les dispositions des articles 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 et 12 du décret du 25 mars 2016 (...) il ne résulte pas de l'instruction que l'office ait motivé cette décision ».

Conséquences financières et techniques

L’office public soutenait que le non-allotissement avait permis des économies budgétaires et que l’allotissement aurait compliqué l'exécution des prestations. Cependant, la Cour constate que ces économies, à supposer qu'elles soient établies, sont marginales et ne suffisent pas à justifier la dérogation au principe de l’allotissement : « la réduction alléguée du coût des prestations (...) ne saurait être regardée, en l'état de l'instruction, comme étant de nature à justifier une dévolution en marché global ».

De plus, la Cour met en doute l'argument selon lequel l’allotissement aurait rendu l’exécution techniquement difficile, indiquant qu’il n’était pas démontré que la coordination nécessaire à l'exécution en lots séparés aurait été problématique.

Conclusion de la Cour

La Cour conclut que « le moyen tiré de ce que la décision de l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat de ne pas allotir le marché serait entachée d'une appréciation erronée des inconvénients d'une dévolution en lots séparés paraît (...) propre à créer un doute sérieux quant à la validité du marché ».

Par conséquent, la décision de suspension du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est confirmée.

[…]

1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 28 juillet 2017, l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un accord-cadre à bons de commande portant sur des travaux de remise en état de logements et locaux après état des lieux/sinistres de son parc immobilier. Ce marché public, que l'office a décidé de ne pas allotir, a été attribué, le 3 novembre 2017, à un groupement d'entreprises constitué de la société Azur Bat, de la société Comptoir du chauffe-eau, ainsi que de la société Bramelec. Le 13 avril 2018, le préfet du Var a déféré ce contrat au tribunal administratif de Toulon. Le même jour, il a assorti son recours d'une demande de suspension sur le fondement des dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales. L'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat relève appel de l'ordonnance du 4 mai 2018 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a suspendu l'exécution de ce marché.

[…]

5. Aux termes de l'article 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : " I. - Sous réserve des marchés publics globaux mentionnés à la section 4, les marchés publics autres que les marchés publics de défense ou de sécurité sont passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas l'identification de prestations distinctes. A cette fin, les acheteurs déterminent le nombre, la taille et l'objet des lots. / Les acheteurs peuvent toutefois décider de ne pas allotir un marché public s'ils ne sont pas en mesure d'assurer par eux-mêmes les missions d'organisation, de pilotage et de coordination ou si la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations. / (...) II. - Lorsqu'un acheteur décide de ne pas allotir un marché public, il motive son choix en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. ".

[…]

7. Le marché litigieux est un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet des travaux de remise en état des logements et locaux après état des lieux ou sinistres du parc immobilier de l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat. Ce marché a pris effet le 1er janvier 2018 pour une durée d'un an. Il est reconductible trois fois. Son montant minimum annuel a été fixé à la somme de 210 000 euros hors taxes. Son montant maximum annuel a, quant à lui, été arrêté à la somme de 2 000 000 euros hors taxes. L'article 1er du règlement de la consultation prévoyait diverses prestations concernant plusieurs corps d'état : maçonnerie, carrelage-faïence, plomberie-sanitaire, menuiserie, revêtement sols souples, serrurerie-métallerie, électricité-courant faible, peinture et nettoyage-décapage-débarrassage. Ainsi, contrairement à ce que prétend l'office public, l'objet du marché litigieux permettait bien l'identification de prestations distinctes au sens de l'article 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015. Si ce marché aurait pu, en conséquence, être passé en lots séparés, l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat a toutefois décidé de ne pas l'allotir. A cet égard, et contrairement à ce que prévoient pourtant les dispositions des articles 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 et 12 du décret du 25 mars 2016 susvisé, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des documents de la consultation ou du rapport de présentation, que l'office ait motivé cette décision en justifiant de sa décision de recours à un marché non alloti.

8. Pour soutenir que sa décision de ne pas allotir le marché est régulière, l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat fait valoir qu'il n'était pas en mesure d'assurer lui-même l'organisation, le pilotage et la coordination des travaux. Toutefois, en se bornant à se prévaloir de sa situation financière fragile, ainsi que de l'insuffisance de ses effectifs, il ne saurait être regardé, en l'état de l'instruction, comme justifiant de son incapacité alléguée à assurer, par lui-même, de telles missions. L'office public fait également valoir qu'en cas d'allotissement, la diversité des prestataires génère une augmentation du coût du marché, et que le recours au marché global lui a permis de réaliser des économies budgétaires substantielles. A supposer même que la dévolution du marché en lots séparés risquait de rendre l'exécution des prestations financièrement plus coûteuse, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les économies alléguées, à les supposer établies, qui ne représentent que 2,4 % du montant maximum annuel du marché, aient été démontrées au moment du choix entre des lots séparés ou un marché global. Par suite, la réduction alléguée du coût des prestations, qui n'est en tout état de cause pas significative, ne saurait être regardée, en l'état de l'instruction, comme étant de nature à justifier une dévolution en marché global. Eu égard à l'analyse à laquelle l'office public a procédé et les justifications qu'il fournit à cet égard, il n'apparaît pas non plus, en l'état de l'instruction, que l'allotissement du marché aurait nécessité une coordination entre prestataires telle qu'elle aurait rendu techniquement difficile l'exécution des prestations objets du marché, ni qu'une telle dévolution était de nature à faire obstacle, par elle-même, à ce que les travaux fussent exécutés dans le délai contractuel de quinze jours. Enfin, la circonstance que le marché ait été décomposé en lots techniques est, en tout état de cause, indifférente, dès lors que cette décomposition est une opération différente de celle de l'allotissement, lequel consiste à conclure plusieurs marchés séparés. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat de ne pas allotir le marché serait entachée d'une appréciation erronée des inconvénients d'une dévolution en lots séparés paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la validité du marché dont s'agit.

9. L'illégalité mentionnée au point précédent de la présente ordonnance est d'une particulière gravité. Cette illégalité, qui n'est pas susceptible d'être couverte par une mesure de régularisation et qui ne permet pas la poursuite de l'exécution du contrat, est au nombre de celles qui sont de nature à entraîner l'annulation du contrat litigieux, sans qu'une telle mesure puisse être regardée, le cas échéant, comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions à fins d'annulation présentées par la société Azur Bat, que l'office public de l'habitat Terres du Sud Habitat n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, qui était régulière, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a suspendu, sans effet différé, l'exécution du marché dont s'agit.

[…]

Jurisprudence

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Questions écrites au sénat ou à l'assemblée nationale - Réponses ministérielles

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