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TPICE, 20 octobre 2011, affaire T­57/09, Alfastar Benelux

TPICE, 20 octobre 2011, affaire T­57/09, Alfastar Benelux/Conseil (Absence de motivation suffisante de rejet d'une offre et d’informations relatives à l’évaluation elle-même)

Les seules notes attribuées ne constituent une motivation suffisante pour justifier que l’offre retenue est meilleure. Sans commentaires explicatifs sur les offres, les notes ne représentent que le résultat de l’évaluation des offres et non l’évaluation elle-même. En l’absence d’informations relatives à l’évaluation elle-même, la requérante ne peut pas comprendre les notes attribuées à l’offre pour les différents critères techniques d’attribution.

 

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre) - 20 octobre 2011

Dans l’affaire T­57/09,

Alfastar Benelux, établie à Ixelles (Belgique), représentée par Me N. Keramidas, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Balta, MM. M. Vitsentzatos et M. Robert, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision du Conseil du 1er décembre 2008 rejetant l’offre soumise par le groupement d’entreprises Alfastar-Siemens, composé de Alfastar Benelux et de Siemens IT Solutions and Services SA, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres UCA/218/07 pour la maintenance technique et les services d’assistance et d’intervention sur site pour les ordinateurs personnels, les imprimantes et les périphériques du secrétariat général du Conseil (JO 2008/S 91­122796), et attribuant le marché à un autre soumissionnaire et, d’autre part, une demande en indemnité,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 avril 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1 - Par un avis de marché du 10 mai 2008, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 91) sous la référence 2008/S 91-1227961, le Conseil de l’Union européenne a lancé l’appel d’offre UCA-218-07 (« maintenance technique - services d’assistance et d’intervention sur site pour les ordinateurs personnels, les imprimantes et les périphériques du secrétariat général du Conseil »).

2 - La procédure de passation de marché a pris la forme d’une procédure restreinte. Dans le cadre de ladite procédure, tous les opérateurs économiques pouvaient demander à participer, mais seuls les candidats satisfaisant aux critères de sélection et qui y étaient invités par écrit par le pouvoir adjudicateur pouvaient présenter une offre.

3 - Le 12 juin 2008, la requérante, Alfastar Benelux, et Siemens IT Solutions and Services SA (ci-après le « groupement d’entreprises Alfastar-Siemens ») ont demandé à participer conjointement à la procédure de passation de marché.

4 - Par lettre datée du 8 août 2008, le pouvoir adjudicateur a invité le groupement d’entreprises Alfastar-Siemens à présenter une offre.

5 - Le 3 octobre 2008, le groupement d’entreprises Alfastar-Siemens a présenté une offre.

6 - Le 1er décembre 2008, le Conseil a notifié au groupement d’entreprises Alfastar-Siemens une décision l’informant qu’un autre soumissionnaire avait remporté le marché et que le marché ne lui avait donc pas été attribué (ci-après la « décision attaquée »).

7 - Le 3 décembre 2008, le groupement d’entreprises Alfastar-Siemens a notamment demandé des informations complémentaires au Conseil, qui lui a transmis, par lettre du 10 décembre 2008, des informations sur les notes qu’il avait obtenues et celles obtenues par le soumissionnaire retenu.

8 - Par courrier daté du 12 décembre 2008 et par télécopie du 15 décembre 2008, le groupement d’entreprises Alfastar-Siemens a demandé au Conseil de réexaminer son offre et celle présentée par le soumissionnaire retenu en faisant valoir que le résultat de l’évaluation était erroné.

9 - Le 18 décembre 2008, le Conseil a répondu au groupement d’entreprises Alfastar-Siemens que les offres ne seraient pas réexaminées.

 Procédure et conclusions des parties

10 - Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 février 2009, la requérante a introduit le présent recours.

11 - Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2009, le Conseil a soulevé, conformément à l’article 114, paragraphe 1er, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité.

12 - Le 21 août 2009, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

13 - Par ordonnance du 22 octobre 2009, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond et de réserver les dépens y afférents.

14 - La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

15 - Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

16 - Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 13 avril 2011.

17 - La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

 - rejeter intégralement l’exception d’irrecevabilité et procéder à l’examen de l’affaire au fond ;

 - annuler la décision attaquée ;

 - condamner le Conseil à lui payer des dommages et intérêts d’un montant de 2 937 902 euros ou une partie de ce montant en fonction de la « date d’annulation » de la décision attaquée ;

 - condamner le Conseil aux dépens même en cas de rejet du recours.

18 - Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

 - déclarer la demande en annulation de la décision attaquée et la demande en indemnité irrecevables ;

 - à titre subsidiaire, rejeter la demande en annulation comme non fondée ;

 - également à titre subsidiaire, rejeter la demande en indemnité comme non fondée ou, à défaut, la limiter à un montant résultant de l’application de la jurisprudence constante ;

 - condamner la requérante aux dépens.

19 - Dans le cadre de la duplique, le Conseil a indiqué que, au vu de l’arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission (T­50/05, non encore publié au Recueil, points 38 à 41), par lequel le Tribunal avait reconnu au membre d’un consortium la qualité pour agir à l’encontre de la décision du pouvoir adjudicateur de ne pas retenir l’offre du consortium et d’attribuer le marché en cause à un autre soumissionnaire, il renonçait à l’exception d’irrecevabilité. Lors de l’audience, le Conseil a confirmé qu’il retirait son exception d’irrecevabilité en ce qu’elle visait tant la demande en annulation que la demande en indemnité.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

20 - La requérante invoque quatre moyens à l’appui de sa demande en annulation. Le premier se fonde sur des erreurs manifestes d’appréciation. Le deuxième est tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence. Le troisième est fondé sur l’existence d’incohérences et d’informations erronées dans l’appel d’offre. Le quatrième est tiré de la violation de l’obligation de motivation.

21 - Il convient de traiter avant tout le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation.

22 - La requérante soutient que le Conseil a violé l’article 100 du règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), l’article 149 du règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), ainsi que l’article 41 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114). À cet égard, elle fait observer que, en réponse à sa demande du 3 décembre 2008 visant à obtenir des informations complémentaires, le Conseil lui a communiqué, par lettre du 10 décembre 2008, un tableau incluant les notes obtenues par le groupement d’entreprises Alfastar-Siemens et celles obtenues par le soumissionnaire retenu. Elle fait également valoir que ladite lettre ne comporte pas d’autres extraits du rapport d’évaluation, qu’il n’y figure aucun commentaire sur les offres de ces deux soumissionnaires et que cette lettre ne contient donc pas d’informations suffisantes sur les avantages de l’offre du soumissionnaire retenu.

23 - Le Conseil estime avoir suffisamment motivé la décision attaquée en invoquant, à cet égard, la jurisprudence. Il rappelle que la requérante s’est vu communiquer le nom du soumissionnaire retenu et, sous la forme d’un tableau, les résultats obtenus par ce dernier et ceux obtenus par le groupement d’entreprises Alfastar-Siemens pour chaque critère technique d’attribution, ainsi qu’une comparaison de leurs offres sur le plan financier, et s’est vu rappeler que, selon le point 14 du cahier des charges, il avait été prévu d'attribuer le marché au soumissionnaire ayant présenté l'offre la plus avantageuse économiquement. Il estime que ses réponses, associées au texte très précis et détaillé du cahier des charges et des spécifications techniques, ont également permis à la requérante de repérer immédiatement les prétendues faiblesses de la procédure d'évaluation, d’en débattre avec les services du Conseil et de les attaquer devant le Tribunal.

24 - À titre liminaire, il convient de relever que, lorsque, comme en l’espèce, les institutions de l’Union européenne disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C­269/90, Rec. p. I­5469, point 14 ; arrêts du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T­465/04, non publié au Recueil, point 54, et du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T­89/07, Rec. p. II­1403, point 61).

25 - Il importe également de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C­367/95 P, Rec. p. I­1719, point 63, et la jurisprudence citée).

26 - En outre, il y a lieu d’observer que les règles spécifiques concernant la motivation des décisions rejetant les offres présentées par des soumissionnaires dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres et attribuant le marché à un autre soumissionnaire, applicables en l’espèce, sont inscrites à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et à l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution.

27 - Il résulte de ces dispositions, ainsi que de la jurisprudence du Tribunal, que les institutions de l’Union satisfont à leur obligation de motivation si elles se contentent, tout d’abord, de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et fournissent, ensuite, aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 24 supra, point 47).

28 - Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation consacrée à l’article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle (arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 24 supra, point 48).

29 - Il convient en outre de préciser que, lorsque l’institution concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires de la part d’un requérant au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, mais après la date fixée par l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation du cas d’espèce était suffisante. En effet, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours (arrêt VIP Car Solutions/Parlement, point 24 supra, point 73).

30 - C’est à la lumière de ces considérations que doivent être examinés les arguments de la requérante.

31 - Pour déterminer si, en l’espèce, il est satisfait à l’exigence de motivation prévue par le règlement financier et les modalités d’exécution, il convient d’examiner le contenu de la décision attaquée ainsi que celui de la lettre du 10 décembre 2008 envoyée par le Conseil à la requérante en réponse à la lettre de celle-ci du 3 décembre 2008, qui visait à obtenir une copie du rapport d’évaluation et la tenue d’une réunion afin d’obtenir une évaluation appropriée de l’offre du groupement d’entreprises Alfastar-Siemens. Il y a lieu de relever que cette dernière lettre constitue incontestablement une demande écrite au sens de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, visant à obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet de l’offre dudit groupement d’entreprises et sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre du soumissionnaire retenu.

32 - En ce qui concerne le rapport élaboré par le comité d’évaluation des offres qui a été annexé au mémoire en défense et, partant, transmis après le dépôt de la requête, il ne saurait être pris en considération dans le cadre de l’examen de la motivation de la décision attaquée. En effet, au regard de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, ledit rapport ne peut aucunement être assimilé à des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours.

33 - Dans la décision attaquée, le Conseil a indiqué au groupement d’entreprises Alfastar-Siemens que l’offre soumise par celui-ci n’avait pas été retenue, au motif qu’elle ne présentait pas le meilleur rapport qualité-prix.

34 - À la suite de la demande écrite de la requérante du 3 décembre 2008, le Conseil lui a répondu par lettre du 10 décembre 2008 en rappelant que le cahier des charges prévoyait, en son point 14, que le marché serait attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, en indiquant le nom du soumissionnaire retenu et en insérant le tableau suivant :

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35 - Il y a donc lieu de considérer que la motivation relative à l’évaluation de l’offre du groupement d’entreprises Alfastar-Siemens et à celle de l’offre du soumissionnaire retenu se présente sous la seule forme d’un tableau indiquant les notes obtenues par ces deux soumissionnaires pour chaque critère d’attribution, le résultat de l’évaluation des offres de chacun d’eux ainsi que le résultat final qui leur a été attribué en appliquant la formule figurant au point 14 du cahier des charges afin de déterminer le meilleur rapport qualité-prix.

36 - Force est donc de constater que, en procédant de la sorte, le Conseil ne s’est pas correctement acquitté de son obligation de motivation, dans la mesure où sa lettre du 10 décembre 2008 ne satisfait pas aux exigences prescrites par l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution.

37 - En effet, il convient de constater que ni la décision attaquée ni la lettre du 10 décembre 2008 ne comportent de commentaire même succinct sur les offres du groupement d’entreprises Alfastar-Siemens et du soumissionnaire retenu, accompagnant le tableau qui contient les points attribués pour chaque critère d’attribution, de nature à permettre à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’offre dudit groupement d’entreprises n’a pas été choisie.

38 - Certes, le tableau annexé à la lettre du 10 décembre 2008 a permis à la requérante de comparer directement, pour chaque critère technique d’attribution, les points qui avaient été attribués au groupement d’entreprises Alfastar-Siemens avec ceux obtenus par le soumissionnaire retenu, ce qui constitue un élément d’information. Toutefois, en l’absence de tout commentaire visant à expliciter les raisons pour lesquelles le Conseil a considéré que l’offre du groupement d’entreprises Alfastar-Siemens était moins satisfaisante que celle du soumissionnaire retenu, la requérante n’est pas en mesure de connaître les justifications de la décision attaquée. En effet, de telles précisions apparaissent en l’espèce indispensables pour que la requérante soit en mesure, au-delà des données chiffrées avancées par le Conseil, de comprendre les raisons pour lesquelles l’offre du groupement d’entreprises Alfastar-Siemens a été considérée comme disposant d’un moins bon rapport qualité-prix que celle du soumissionnaire retenu. À cet égard, il y a lieu de souligner que, dans une autre affaire, la présence de tels commentaires a constitué l’un des éléments retenus par la Cour et le Tribunal pour considérer que le pouvoir adjudicateur avait satisfait à ses obligations au titre de la motivation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 décembre 2009, Evropaïki Dynamiki/Commission, C­476/08 P, non encore publié au Recueil, points 26 à 29, confirmant l’arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T­59/05, non publié au Recueil, points 126 à 129).

39 - Ainsi, les seules notes attribuées pour les différents critères d’attribution ont constitué, en l’espèce, une motivation trop abstraite pour permettre à la requérante de déterminer les raisons concrètes qui ont conduit le pouvoir adjudicateur à estimer, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, que l’offre du soumissionnaire retenu était meilleure d’un point de vue qualitatif que celle présentée par le groupement d’entreprises Alfastar-Siemens.

40 - De surcroît, en l’absence de commentaires explicatifs sur les offres précitées, les notes attribuées par le pouvoir adjudicateur, contenues dans le tableau, n’ont représenté que le résultat de l’évaluation effectuée par le comité d’évaluation des offres et non l’évaluation elle-même ou un résumé succinct de celle-ci. En l’absence d’informations relatives à l’évaluation elle-même, force est de relever que, en l’espèce, la requérante n’a pas été en mesure de comprendre les différentes notes que le pouvoir adjudicateur a attribuées à l’offre du groupement d’entreprises Alfastar-Siemens pour les différents critères techniques d’attribution.

41 - Pour l’ensemble de ces raisons, le Tribunal n’est pas non plus en mesure d’exercer valablement son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de déterminer notamment si ladite décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

42 - Dans ces circonstances, force est de constater que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation. À cet égard, le Conseil n’invoque pas ni, a fortiori, ne démontre qu’il existerait des circonstances exceptionnelles permettant de justifier les explicitations de la motivation de la décision attaquée après l’introduction du présent recours.

43 - Il y a donc lieu d’annuler la décision du 1er décembre 2008, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par la requérante.

 Sur les conclusions en indemnité

44 - À titre liminaire, il importe de préciser que le seul chef de préjudice invoqué par la requérante et pour lequel elle demande réparation est la perte du marché public et non des dommages et intérêts au titre de ses frais de participation à la procédure d’appel d’offres.

45 - Selon une jurisprudence bien établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T­175/94, Rec. p. II­729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T­336/94, Rec. p. II­1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T­267/94, Rec. p. II­1239, point 20). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C­146/91, Rec. p. I­4199, point 81).

46 - C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté sont remplies.

47 - Il convient de souligner que la demande en indemnité est fondée sur les mêmes illégalités que celles invoquées à l’appui de la demande en annulation de la décision attaquée.

48 - Ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’examen de la demande en annulation de la décision attaquée, ladite décision est entachée d’une insuffisance de motivation et doit être annulée pour ce motif.

49 - Force est toutefois de constater que, même si le Conseil n’a pas suffisamment motivé la décision attaquée, cela n’établit pas pour autant que l’attribution du marché au soumissionnaire retenu constitue une faute ni qu’il existe un lien de causalité entre ce fait et la perte invoquée par la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 février 2003, Renco/Conseil, T­4/01, Rec. p. II­171, point 89). En effet, rien ne permet de considérer que le Conseil aurait attribué le marché en cause à la requérante si ladite décision avait été suffisamment motivée.

50 - Il s’ensuit que la demande en indemnité pour le prétendu dommage subi du fait de la décision attaquée doit, dans la mesure où elle est fondée sur l’insuffisance de motivation de cette même décision, être rejetée comme non fondée.

51 - Dans la mesure où cette même demande est fondée sur les illégalités alléguées par la requérante dans le cadre des autres moyens invoqués dans le cadre de la demande en annulation de la décision attaquée, il convient de constater que le Tribunal n’est pas en position d’examiner si les conditions d’engagement de la responsabilité du Conseil sont remplies en l’espèce. D’une part, il résulte nécessairement des considérations développées ci-dessus relative à l’insuffisance de motivation de la décision attaquée que le Tribunal n’est pas en position d’examiner le bien-fondé des autres illégalités alléguées par la requérante, susceptibles d’engager la responsabilité du Conseil. D’autre part, la circonstance que figure en annexe aux écritures du Conseil le rapport du comité d’évaluation ne permet pas de vérifier l’existence d’un comportement illégal de la pour du Conseil, dès lors qu’il ne ressort pas des écritures des parties que le pouvoir adjudicateur a fait sien l’intégralité des éléments y figurant. Ainsi, une demande d’annulation fondée sur les illégalités alléguées dans le cadre des moyens tirés d’erreurs manifestes d’appréciation ainsi que d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’obligation de transparence ne saurait, le cas échéant, être examinée qu’à la lumière des motifs de la décision qui se substituera à la décision attaquée, après l’annulation de cette dernière par le Tribunal.

52 - Il résulte de ce qui précède que la demande en indemnité apparaît prématurée et doit être rejetée pour ce motif (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 18 mai 1995, Wafer Zoo/Commission, T­478/93, Rec. p. II­1479, points 49 et 50, et du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T­300/97, RecFP p. I­A­259 et II­1263, points 95 et 101).

53 - Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée dans son intégralité.

 Sur les dépens

54 - Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

55 - Le Conseil ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions et la requérante ayant conclu en ce sens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1) - La décision du Conseil du 1er décembre 2008 rejetant l’offre soumise par le groupement d’entreprises composé d’Alfastar Benelux et de Siemens IT Solutions and Services SA, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres UCA/218/07 pour la maintenance technique et les services d’assistance et d’intervention sur site pour les ordinateurs personnels, les imprimantes et les périphériques du secrétariat général du Conseil, et attribuant le marché à un autre soumissionnaire est annulée.

2) - La demande en indemnité est rejetée.

3) - Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2011.

Signatures


Source : http://curia.europa.eu/

Jurisprudence