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CAA Marseille, 10 décembre 2012, n° 10MA02567 - CQP capacités techniques des candidats

CAA Marseille, 10 décembre 2012, n° 10MA02567 - Contrôle du juge sur les capacités techniques des candidats aux marchés publics

Le juge administratif exerce un contrôle strict sur le respect par les pouvoirs adjudicateurs des critères de sélection des candidatures qu'ils ont eux-mêmes fixés dans les documents de la consultation. L'absence de justification des qualifications techniques requises, même pour une part minoritaire des prestations, rend la candidature irrecevable et peut entraîner l'annulation du contrat conclu avec le candidat irrégulièrement retenu.

En l'espèce, la société Alpha services n'ayant pas justifié de la "technicité confirmée" exigée pour certains travaux d'étanchéité, sa candidature était irrecevable. La CASA a donc irrégulièrement retenu cette société comme attributaire du marché, ce qui justifie l'annulation du contrat.

Contexte et procédure

La communauté d'agglomération de Sophia-Antipolis (CASA) a lancé en 2008 un appel d'offres pour la construction d'une salle de spectacles communautaire, divisé en 19 lots. Le lot n°3 portant sur l'étanchéité a été déclaré infructueux, conduisant la CASA à recourir à une procédure négociée. La commission d'appel d'offres a retenu l'offre de la société Alpha services le 6 avril 2009 et le contrat a été signé le 26 octobre 2009.

Le groupement formé par les sociétés Girard SNAF et Nouvelle d'asphaltes (SNA), concurrent évincé, a contesté la validité de ce contrat devant le tribunal administratif de Nice. Par jugement du 23 avril 2010, le tribunal a annulé le contrat. La CASA a fait appel de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de Marseille.

Analyse des moyens

Sur la recevabilité de la demande en première instance

La Cour rappelle le principe posé par la jurisprudence "Tropic Travaux Signalisation" (CE, 16 juillet 2007, n°291545) selon lequel "tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires" (considérant 2).

Elle précise que ce recours doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées.

En l'espèce, la Cour juge que la demande du groupement Girard SNAF/SNA était recevable car :

- Bien qu'introduite avant la signature du contrat, elle a été régularisée en cours d'instance après la publication de l'avis d'attribution (considérant 3).

- Le contrat litigieux a été produit par la CASA elle-même, rendant sans objet le moyen tiré de l'absence de production de la décision attaquée (considérant 4).

- La demande a été présentée par les deux entreprises membres du groupement, représentées chacune par leur représentant légal ayant capacité pour agir (considérant 5).

Sur la validité du marché

La Cour examine ensuite le moyen tiré de l'irrégularité de la candidature de la société Alpha services.

Elle rappelle les dispositions des articles 52 et 45 du code des marchés publics alors en vigueur, qui prévoient que les candidats doivent produire des documents permettant d'évaluer leurs capacités professionnelles, techniques et financières (considérant 7).

Elle relève que l'article 5-1-1 du règlement de consultation exigeait, pour le lot n°3, des qualifications 3232 (étanchéité en asphalte coulé, technicité confirmée) et 3222 (étanchéité en matériaux de synthèse en feuilles, technicité confirmée), ou des justificatifs équivalents (considérant 8).

Or, la Cour constate que si la société Alpha services a démontré une "compétence certaine" dans la réalisation de travaux d'étanchéité, elle n'a pas justifié de la "technicité confirmée" exigée pour les travaux spécifiques prévus au marché (considérant 9).

La Cour écarte l'argumentation de la CASA sur le caractère normal des prestations et la faible part des travaux spécifiques, jugeant ces éléments "sans incidence sur l'absence de justification de la spécialité requise" (considérant 9).

Elle en conclut que la candidature de la société Alpha services était irrecevable et que celle-ci a donc été irrégulièrement retenue comme attributaire du marché (considérant 10).

Décision

La Cour rejette la requête de la CASA et confirme l'annulation du contrat prononcée en première instance.

Elle condamne la CASA à verser 2000 euros au groupement Girard SNAF/SNA au titre des frais de justice.

Portée de la décision

Cette décision illustre l'application stricte par le juge des exigences fixées dans les documents de la consultation en matière de capacités techniques des candidats.

Elle rappelle que les pouvoirs adjudicateurs doivent vérifier rigoureusement que les candidats retenus justifient des compétences et qualifications requises, même si celles-ci ne concernent qu'une partie minoritaire des prestations.

La solution retenue s'inscrit dans la jurisprudence constante du Conseil d'État qui juge que l'absence de production des certificats de qualification professionnelle exigés par le règlement de la consultation, ou de références équivalentes, rend la candidature irrecevable (CE, 10 mai 2006, n°281976).

{...]

7. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 52 du code des marchés publics : « (…) Les candidats qui ne peuvent soumissionner à un marché (…) ou qui (…) produisent des dossiers de candidature ne comportant pas les pièces mentionnées aux articles 44 et 45 ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du marché » ; qu’aux termes de l’article 45 du même code, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : « I.‐Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. (…) II. ‐ Le pouvoir adjudicateur peut demander aux opérateurs économiques qu'ils produisent des certificats de qualité. Ces certificats, délivrés par des organismes indépendants, sont fondés sur les normes européennes. Pour les marchés qui le justifient, le pouvoir adjudicateur peut exiger la production de certificats, établis par des organismes indépendants, et attestant leur capacité à exécuter le marché. (…) le pouvoir adjudicateur accepte tout moyen de preuve équivalent ainsi que les certificats équivalents d'organismes établis dans d'autres Etats membres. III.‐ (…) Si le candidat est objectivement dans l'impossibilité de produire, pour justifier de sa capacité financière, l'un des renseignements ou documents prévus par l'arrêté mentionné au I et demandés par le pouvoir adjudicateur, il peut prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur. (…) » ;

8. Considérant, d’autre part, que l’article 5‐1‐1 du règlement de la consultation commun aux 19 lots de l’opération de travaux a prévu que la capacité technique du candidat s’apprécierait par rapport aux certificats de qualifications professionnelles, la preuve de la capacité du candidat pouvant être apportée « par tout moyen, notamment par des certificats d’identité professionnelle ou des références de travaux attestant de la compétence de l’opérateur économique à réaliser la prestation pour laquelle il se porte candidat » ; que cet article intègre un tableau détaillant les qualifications demandées par lot, soit, pour le lot n° 3, les qualifications 3232 (étanchéité en asphalte coulé, technicité confirmée) et 3222 (étanchéité en matériaux de synthèse en feuilles, technicité confirmée), et précise que « le candidat qui ne présentera pas ces qualifications (ou équivalent) verra sa candidature déclarée irrégulière » ; qu’il en résulte que les candidats n’étaient pas contraints de détenir une qualification mais devaient démontrer leur aptitude à réaliser la prestation pour laquelle ils se portaient candidats ;

9. Considérant qu’il résulte des diverses attestations de capacité rédigées par d’anciens clients ou par un fournisseur ainsi que du tableau récapitulatif des marchés exécutés dans la région Provence‐Alpes‐Côte d’Azur entre 2003 et 2009 que la société Alpha services, qui ne détient pas les certificats de qualification 3232 et 3222, possède néanmoins une compétence certaine dans la réalisation de travaux d’étanchéité ; que, cependant, aucun document ne permet de vérifier sa technicité confirmée pour des travaux d’étanchéité en asphalte coulé et en matériaux de synthèse en feuille exigée par le marché ; que, si la CASA soutient que, conformément aux articles 1.4.2 et 3 du CCTP, les travaux prévus au marché portaient sur des prestations de technicité normale sur des parties courantes, avec des procédés traditionnels, que la technicité des prestations du marché liée à la réalisation de l’étanchéité en asphalte coulé ne représenterait que 15 % de l’estimation générale du lot n° 3 et que les moyens humains et matériels de la société Alpha services prouvent la capacité de l’attributaire du marché à réaliser les prestations demandées, ces circonstances sont sans incidence sur l’absence de justification de la spécialité requise pour l’exécution du marché exigée par le règlement de consultation ; que, par suite, la candidature de la société Alpha Services était irrecevable ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Alpha services a été irrégulièrement retenue comme attributaire du marché par la communauté d’agglomération de Sophia‐Antipolis ; qu’ainsi cette dernière n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, compte tenu de l’illégalité affectant le contrat en litige, le tribunal administratif de Nice l’a annulé ;

{...]

MAJ 30/12/12 - Source Legifrance

Jurisprudence

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