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CAA de LYON, 23 Mai 2024, n° 22LY01704 Utilisation de sous-critères

CAA de LYON, 23 Mai 2024, n° 22LY01704 Utilisation de sous-critères non communiqués aux candidats

Dans les marchés publics, le mémoire technique est souvent décisif pour l'évaluation des offres. Les pouvoirs adjudicateurs doivent définir clairement leurs attentes dans les documents de consultation. Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur l'appréciation des offres, mais veille à ce que les principes de transparence et d'égalité soient respectés. Une approche pragmatique peut être adoptée pour les irrégularités, en examinant si elles ont effectivement lésé le candidat évincé. Quant aux soumissionnaires, ils doivent être vigilants sur le contenu de leur mémoire technique et ne peuvent contester l'attribution du marché que sur des moyens en rapport direct avec leur éviction. En l'espèce, le pouvoir adjudicateur a utilisé des sous-critères non explicitement annoncés pour évaluer la valeur technique des offres, dont le mémoire technique. La Cour a jugé que cette pratique n'avait pas vicié la procédure, car les attentes concernant le mémoire technique étaient suffisamment précises et le candidat évincé n'avait pas été lésé par cette méthode d'évaluation. La Cour valide, en l'espèce, que le pouvoir adjudicateur n'a pas vicié la procédure en prenant en compte des capacités techniques déterminées par des recrutements conditionnés à l'obtention du marché pour l'appréciation des capacités techniques de ce candidat.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049591951

La Cour administrative d'appel examine plusieurs moyens soulevés par la société CETI, candidate évincée, contre l'attribution d'un accord-cadre de maîtrise d'œuvre par le Syndicat départemental d'énergie de la Haute-Loire (SDE 43). L'analyse se concentre particulièrement sur les critères d'évaluation des offres et la place du mémoire technique dans cette évaluation.

Sur la définition des critères d'attribution

La Cour rappelle le principe selon lequel "l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché" (considérant 14). Ce principe découle des articles L2152-7 et R2152-7 du Code de la commande publique, qui imposent que les critères d'attribution soient définis et pondérés dans les documents de la consultation.

En l'espèce, le règlement de consultation prévoyait trois critères d'évaluation :

- Le prix (50%)

- Les moyens pour assurer une disponibilité immédiate (15%)

- La valeur technique (35%)

Le critère de la valeur technique devait être apprécié notamment sur la base du "mémoire technique" fourni par les candidats.

Sur la mise en œuvre des critères et l'appréciation du mémoire technique

La Cour relève que le pouvoir adjudicateur a institué deux sous-critères pour noter la valeur technique, qui n'étaient pas annoncés comme tels dans les documents de consultation :

- Le mémoire technique (noté sur 25)

- Les compétences techniques et professionnelles des personnels (notées sur 10)

Cette pratique pourrait être considérée comme irrégulière au regard de la jurisprudence du Conseil d'État (CE, 18 juin 2010, Commune de Saint-Pal-de-Mons, n°337377), qui exige que les sous-critères soient portés à la connaissance des candidats dès lors qu'ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres.

Cependant, la Cour estime que cette irrégularité n'a pas vicié la procédure pour deux raisons :

a) Les attentes du maître d'ouvrage sur le contenu du mémoire technique étaient "suffisamment précises pour ne pas induire en erreur les candidats sur le soin qu'ils devaient apporter à la rédaction de ce document qui constitue habituellement l'élément principal d'appréciation d'une offre" (considérant 17).

b) La société CETI n'a pas été lésée par la mise en œuvre du sous-critère relatif aux compétences du personnel, ayant obtenu la note la plus élevée sur ce point. Elle n'est donc pas recevable à invoquer ce moyen ;

Sur l'appréciation du mémoire technique

La Cour examine ensuite l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur le mémoire technique des candidats :

a) Concernant l'offre de la société CETI, la Cour estime que la mention selon laquelle elle "ne définit pas la mission qu'il devra remplir" ne suffit pas à caractériser une appréciation erronée de l'offre, dès lors que les autres composantes de l'offre ont été "exhaustivement analysées" (considérant 18).

b) S'agissant de la comparaison des offres, la Cour relève que le rapport d'analyse a identifié "trois avantages qualitatifs de l'offre de la société attributaire, tenant à la simplicité de son organisation, au rythme hebdomadaire des réunions de suivi de chantiers et à la mise en œuvre de moyens de planification informatisées bien adaptés" (considérant 20). Elle en déduit que le SDE 43 a pu, "sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, attribuer une note supérieure au mémoire technique présenté par la société AB2R".

Finalement, la Cour rejette les moyens soulevés par la société CETI relatifs à l'appréciation du mémoire technique et à la mise en œuvre des critères d'attribution. Elle confirme ainsi l'importance du mémoire technique dans l'évaluation des offres, tout en adoptant une approche pragmatique quant aux conséquences des irrégularités dans la définition des critères d'évaluation.

[…]

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète (...) ".

12. Contrairement à ce que soutient la société CETI, il résulte du tableau de vérification du contenu des offres, daté du 9 mars 2020, que le mémoire technique ainsi que l'attestation de disponibilité immédiate ont été joints à l'offre de la société attributaire qui n'était, ainsi, pas irrégulière.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 2157-2 du code de la commande publique : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : (...) 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs (...) Il peut s'agir des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique (...) b) (...) l'assistance technique (...) et les caractéristiques opérationnelles ; c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché (...) ".

14. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères.

15. Il résulte de l'article 5.2 du règlement de consultation que le pouvoir adjudicateur a prévu pour le marché en cause trois critères d'évaluation de l'offre, un critère relatif au prix pondéré pour 50 % de la note finale et deux critères relatifs à la qualité technique de l'offre dont l'un pondéré pour 15 % concernant les moyens utilisés afin d'assurer une disponibilité immédiate et présence terrain et l'autre pondéré pour 35 % concernant la valeur technique, ce critère étant lui-même apprécié au stade de la présentation des candidatures sur la base de la liste du personnel dédié à la réalisation du marché, la fourniture des curriculum vitae et de compétences professionnelles de chaque personne affectée au marché et le mémoire technique.

16. D'une part, la circonstance que le règlement de consultation précise que le critère du prix devait être exprimé en pourcentage de rémunération du montant HT des travaux n'est pas susceptible d'avoir vicié la procédure de mise en concurrence, dès lors que l'ensemble des candidats ont été avertis dans les documents de consultation, des conditions, claires et sans équivoque, de mise en œuvre de ce critère.

17. D'autre part, il résulte du rapport d'analyse des offres que, pour déterminer la note globale du critère de la valeur technique, le SDE 43 a noté sur 25 le mémoire technique et sur 10 les compétences techniques et professionnelles des personnels. Ce faisant, le syndicat départemental d'énergie de la Haute-Loire ne s'est pas borné à décrire sa méthode de notation mais a institué deux sous-critères qui n'étaient pas annoncés comme tels dans les documents de consultation. Toutefois il ressort des mentions des documents de consultation que les attentes du maître d'ouvrage sur le contenu du mémoire technique étaient suffisamment précises pour ne pas induire en erreur les candidats sur le soin qu'ils devaient apporter à la rédaction de ce document qui constitue habituellement l'élément principal d'appréciation d'une offre. En outre, il résulte de l'instruction que la société CETI a obtenu la notation la plus élevée sur la compétence du personnel. N'ayant pas été lésée par la mise en œuvre de ce sous-critère, elle n'est pas recevable, en application des principes rappelés au point 4, à se prévaloir de manquements quant à sa mise en œuvre, qui sont sans rapport direct avec son éviction. Il en résulte qu'en l'espèce, la mise en œuvre des deux sous-critères précités, non initialement présentés comme tels dans les documents de consultation par le pouvoir adjudicateur, n'a pas entaché d'irrégularité l'attribution du marché.

18. En sixième lieu, si le rapport d'analyse des offres mentionne que, dans son mémoire technique, la société CETI " ne définit pas la mission qu'il devra remplir ", cette mention ne suffit pas à caractériser une appréciation erronée de l'offre de ce candidat, dès lors qu'il résulte des autres mentions de ce rapport, notamment des critiques afférentes aux modalités de mise en œuvre des prestations, que l'intégralité des composantes de l'offre de la société CETI a été exhaustivement analysée.

19. En septième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que la société CETI a obtenu, sur le critère du prix la note maximale de 50/50 et la société AB2R la note de 47/50 et que les sociétés AB2R et CETI ont obtenu chacune 15 points sur le critère " moyens pour une disponibilité immédiate ". Enfin, sur le critère " valeur technique ", la société CETI a obtenu la note de 16/35 alors que la société AB2R a obtenu la note de 24,5/35.

20. D'une part, s'agissant du critère de la valeur technique, le rapport d'analyse des offres a relevé trois avantages qualitatifs de l'offre de la société attributaire, tenant à la simplicité de son organisation, au rythme hebdomadaire des réunions de suivi de chantiers et à la mise en œuvre de moyens de planification informatisées bien adaptés. En se bornant à soutenir qu'elle aurait pu elle aussi produire un mémoire technique de niveau comparable, la société CETI ne critique pas utilement l'appréciation du mérite comparé des offres. Ainsi, le SDE 43 a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, attribuer une note supérieure au mémoire technique présenté par la société AB2R.

21. D'autre part, en se bornant à soutenir que la société AB2R ne disposerait de personnels suffisamment qualifiés en électricité qu'après recrutement supplémentaire, lui-même conditionné à l'attribution du marché, la société CETI ne démontre pas l'erreur manifeste entachant l'attribution à ce candidat de la note maximale au critère des moyens pour une disponibilité immédiate.

22. Il résulte de ce qui précède que la société CETI n'est pas fondée à soutenir que le marché attribué à la société AB2R serait entaché de vices ou d'irrégularités et que ses conclusions à fin d'annulation ou de résiliation doivent être rejetées.

[…]

MAJ 10/06/24 - Source legifrance

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