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Compte prorata dans les marchés publics de travaux

Compte prorata dans les marchés publics de travaux

Le compte prorata est un mécanisme permettant de répartir certaines dépenses communes entre les différentes entreprises intervenant sur un même chantier dans le cadre d'un marchés publics de travaux.

Il vise à mutualiser les coûts de fonctionnement du chantier qui ne peuvent être affectés à une entreprise en particulier.

Pourtant, en dépit de cette fonction essentielle, le compte prorata souffre d'un manque de formalisation juridique dans les marchés publics, à la différence du secteur privé régi par la norme NF P03-001.

Cet article propose un éclairage complet sur le compte prorata dans les marchés publics de travaux : définition, enjeux, fonctionnement pratique, aspects juridiques, jurisprudence, et recommandations concrètes à destination des maîtres d'ouvrage.

I. Définition et fonctionnement du compte prorata

1. Le principe et l'objet du compte prorata

Le compte prorata est un compte spécifique ouvert entre les entreprises intervenant sur un chantier afin de répartir certaines dépenses communes nécessaires à la bonne exécution des travaux.

Il permet de mutualiser les coûts de fonctionnement du chantier qui ne peuvent être directement imputés à un lot ou à une entreprise en particulier.

Concrètement, sont généralement mises sur le compte prorata les dépenses suivantes :

  • Consommations d'eau, d'électricité, de téléphone
  • Installations sanitaires communes
  • Voies d'accès au chantier
  • Installation et entretien de la base vie
  • Gardiennage du chantier
  • Location de matériel commun
  • Etc.

2. Les enjeux et objectifs du compte prorata

La mise en place d'un compte prorata sur un chantier poursuit plusieurs objectifs importants :

  • Responsabiliser l'ensemble des acteurs du chantier sur les charges communes et la bonne tenue des installations
  • Éviter de faire peser ces charges sur le titulaire du lot principal uniquement
  • Permettre des économies d'échelle en mutualisant les coûts
  • Fluidifier les relations entre les nombreuses entreprises présentes sur des chantiers complexes

3. Le fonctionnement pratique du compte prorata

Concrètement, le fonctionnement du compte prorata suit les étapes suivantes :

  • Evaluation prévisionnelle des dépenses d'intérêt commun lors de la préparation du chantier
  • Définition d'un pourcentage unique de participation, appliqué au montant du marché de chaque entreprise
  • Appels de fonds périodiques auprès des entreprises, sur la base de ce pourcentage
  • Suivi des dépenses réelles effectivement engagées
  • Réajustements en fin de chantier et versement d'un solde pour coller aux dépenses réelles

La gestion du compte prorata est généralement assurée par le titulaire du lot principal ou le mandataire d'un groupement d'entreprises, rémunéré à cet effet sur la base d'un pourcentage des dépenses gérées (souvent 8%).

Mais elle peut aussi être externalisée et confiée contractuellement à un tiers (maître d’œuvre, assistant à maîtrise d'ouvrage, ...).

II. Le vide juridique du compte prorata dans les marchés publics

Alors qu'il constitue un instrument de gestion incontournable des chantiers complexes, le compte prorata souffre d'un manque de formalisation juridique dans le cadre des marchés publics de travaux.

1. L'absence de dispositions légales

Aucun texte législatif ou réglementaire n'encadre spécifiquement le compte prorata dans la commande publique.

Les articles du Code de la commande publique relatifs aux marchés publics de travaux ne comportent aucune disposition particulière sur ce mécanisme.

"Cette absence de dispositions pose la question de la légalité même du recours au compte prorata dans les marchés publics." (Source : Bercy, Note technique 2011)

2. Le silence des CCAG Travaux dans les marchés publics

Les CCAG Travaux, qui définissent les règles générales applicables à ces marchés publics, ne comblent pas ce vide juridique.

Aucune disposition du CCAG Travaux 2009 ni du CCAG Travaux 2021 n'encadre le fonctionnement du compte prorata. Seule la prise en charge des frais d'installations par le mandataire d'un groupement y est mentionnée (article 9.1.2 du CCAG Travaux 2021).

3. Les limites du cadre jurisprudentiel

Face à ce silence des textes, la jurisprudence administrative fournit des éclairages ponctuels sur certains aspects du compte prorata :

  • Inclusion des primes d'assurance chantier dans le compte prorata (CE, 23 juin 1986, n° 57841, Société Campenon-Bernard)
  • Imputation au sous-traitant des dépenses du compte prorata (Des dépenses au titre du compte prorata peuvent être imputées à un sous-traitant. En effet, si celui-ci a signé les conditions générales d’exécution des travaux, elles valent document contractuel (Cass. 3e civ. 3 octobre 2001, n° 99-20.612, Sté Isocler Janna c/ Sté Aldoriv Contructions).
  • Modalités de remboursement pour une entreprise en redressement judiciaire (CE, 18 novembre 1988, n°80640, Sté Rey).
  • etc.

Toutefois, ces décisions éparses ne permettent pas de disposer d'un cadre juridique global et sécurisé pour la mise en œuvre du compte prorata dans les marchés publics.

III. Les risques du flou juridique pour les parties prenantes

Cette incertitude réglementaire pose des problèmes pratiques dans l'utilisation du compte prorata au sein des marchés publics de travaux.

1. Le risque d'irrégularité juridique

L'absence de base légale explicite rend fragile la mise en place d'un compte prorata dans le cadre d'un marché public.

Un concurrent évincé pourrait ainsi contester ce mécanisme par un recours, en arguant de l'absence de fondement juridique.

Ce risque d'irrégularité pèse avant tout sur le pouvoir adjudicateur à l'initiative du marché public.

2. Les risques de litiges entre les entreprises

Le flou des règles applicables au compte prorata favorise également les contentieux entre les entreprises participant au chantier.

En l'absence de cadre prédéfini, des motifs de désaccord peuvent apparaître :

  • Contestation du périmètre des dépenses communes
  • Contestation de la clé de répartition des coûts
  • Modalités de gestion du compte
  • Impayés de certaines entreprises
  • etc.

Ces litiges peuvent déboucher sur des procédures contentieuses devant le juge administratif.

3. Les risques pour la bonne exécution du marché

Ces conflits entre les titulaires de lots sont également préjudiciables à la bonne exécution du marché public et au bon déroulement du chantier.

Ils peuvent provoquer des blocages dans l'avancement des travaux et entraîner des retards et surcoûts.

IV. Les bonnes pratiques pour sécuriser le compte prorata

Comment limiter ces risques et sécuriser l'utilisation du compte prorata au sein des marchés publics de travaux ? Quelques pratiques essentielles.

1. L'encadrement du compte prorata dès les documents contractuels

Il est impératif d'encadrer précisément les règles du compte prorata dès le stade de l'élaboration des documents particuliers du marché (CCAP, CCTP).

Le CCAP devrait définir a minima :

  • Le périmètre des dépenses entrant dans le compte prorata
  • Les modalités de gestion du compte
  • La clé de répartition entre les entreprises
  • Les responsabilités de chaque acteur

Cette anticipation dans les documents contractuels limite les motifs de désaccord pendant l'exécution du marché.

2. La formalisation d'une convention de compte prorata

La rédaction d'une convention de compte prorata, annexée aux pièces des marchés, est recommandée.

Contresignée par toutes les entreprises, cette convention fixe des règles du jeu claires entre les différents intervenants.

Elle permet de préciser :

  • La liste détaillée des dépenses concernées
  • Les modalités concrètes de gestion
  • Les responsabilités de chaque partie
  • Les procédures de règlement des litiges
  • etc.

3. S'inspirer des dispositions de la norme NF P03-001

Bien qu'elle ne soit pas juridiquement applicable, la norme NF P03-001 du secteur privé fournit des principes et méthodes pertinents en matière de compte prorata.

L’article 14 et les annexes de cette norme peuvent servir de base pour établir le cadre du compte prorata au sein d'un marché public. Cet article détaille les modalités de gestion du compte prorata (rôle du gestionnaire, comité de contrôle, appels de fonds, imputation des dépenses, solde, traitement des litiges, etc.)

Les CCAP et conventions afférentes peuvent s'en inspirer librement pour définir :

  • L'objet et le champ d'application
  • La désignation du gestionnaire
  • Le périmètre des dépenses
  • Les modalités d'appels de fonds
  • Les modalités de gestion et les missions du gestionnaire
  • La clé de répartition
  • Le mode de règlement des litiges
  • etc.

Tout en adaptant ces dispositions aux spécificités de la commande publique.

4. Confier la gestion à un tiers neutre

L'externalisation de la gestion du compte prorata à un tiers neutre (assistant à maîtrise d'ouvrage, maître d'œuvre...) peut aider à désamorcer les tensions.

Son rôle d'arbitre limite les risques de conflit d'intérêt avec les titulaires de lots, contrairement à une gestion par l'entreprise principale.

5. Intégrer les sous-traitants au compte prorata

Les sous-traitants autorisés doivent être intégrés au mécanisme du compte prorata, au même titre que les titulaires de lots.

Une acceptation des conditions du compte prorata doit être prévue dans les contrats de sous-traitance.

V. Cadre jurisprudentiel du compte prorata dans les marchés publics

La jurisprudence administrative fournit certains éclairages utiles sur l'application du compte prorata au sein des marchés publics.

1. L'arrêt Sté Rey du 18 novembre 1988

Dans cette décision du CE, il s'agissait d'une entreprise placée en règlement judiciaire et encore redevable de sommes au titre du compte prorata.

Le Conseil d'Etat précise ici les modalités de remboursement des sommes dues par cette entreprise défaillante, en fonction du concordat prononcé par le Tribunal de commerce dans le cadre de la procédure collective (CE, 18 novembre 1988, n°80640, Sté Rey).

Cet arrêt montre l'applicabilité des procédures collectives aux dettes liées au compte prorata dans les marchés publics.

2. L'arrêt Société Campenon-Bernard du 23 juin 1986

Cette décision intègre au compte prorata les primes d'assurance responsabilité civile chantier, souscrites dans l'intérêt collectif des entreprises. Elle reconnaît que les primes d'assurance chantier constituent des dettes communes à imputer sur le compte prorata. Paiement des primes de la police complémentaire d'assurance prévue par l'article 6-65 du cahier des prescriptions spéciales applicable aux marchés des travaux publics. Dette commune des entreprises soumise au même régime juridique que les dépenses d'intérêt commun (CE, 23 juin 1986, n° 57841, Société Campenon-Bernard).

Ce principe est applicable pour toute police d'assurance ou garantie souscrite dans l'intérêt de l'ensemble des intervenants sur le chantier.

3. L'arrêt Syndicat intercommunal de Pointe-à-Pitre du 17 mars 1999

Le Conseil d'Etat valide ici l'imputation au compte prorata de dépenses supplémentaires non prévues initialement, décidée par le mandataire d'un groupement d'entreprises. Il rappelle que cette décision du mandataire engage l'ensemble des membres du groupement au titre du compte prorata. Cet arrêt souligne le rôle déterminant du mandataire dans la gestion du compte prorata vis-à-vis des autres membres du groupement (CE, 17 mars 1999, n° 165595, Syndicat intercommunal de Pointe-à-Pitre)

VI. Dispositions des CCAG Travaux 2021 et 2009

CCAG Travaux 2021

9. Contenu et caractère des prix

9.1. Contenu des prix :

9.1.1. Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux et prestations, y compris les frais généraux, impôts et taxes, et assurer au titulaire une marge pour risques et bénéfice. Toutefois, les prix sont indiqués dans le marché hors taxe sur la valeur ajoutée.

A l'exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n'étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux et prestations qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux et prestations, que ces sujétions résultent notamment :

- de l'utilisation du domaine public et du fonctionnement des services publics ;

- de phénomènes naturels ;

- de la présence de canalisations, conduites et câbles de toute nature, ainsi que des chantiers nécessaires au déplacement ou à la transformation de ces installations ;

- des coûts résultant de l'élimination des déchets de chantier ;

- de la réalisation simultanée d'autres ouvrages.

Les prix sont réputés avoir été établis en considérant qu'aucune prestation n'est à fournir par le maître d'ouvrage.

En cas de modification imprévisible de la législation ou réglementation applicables en cours d'exécution du marché ayant un impact sur les coûts, les parties conviennent de se rencontrer pour évaluer l'impact financier de cette modification et le cas échéant formaliser par voie d'avenant la modification rendue nécessaire.

9.1.2. Dans le cas d'un marché passé avec les membres d'un groupement conjoint d'opérateurs économiques, les prix des prestations attribuées à chaque membre du groupement dans l'acte d'engagement sont réputés comprendre les dépenses et marge correspondantes, y compris les charges que chaque membre du groupement peut être appelé à rembourser au mandataire.

Dans ce cas, les prix des travaux attribués au mandataire sont réputés comprendre, en sus, les dépenses et marge touchant les prestations complémentaires suivantes :

- la construction et l'entretien des moyens d'accès et des chemins de service nécessaires pour les parties communes du chantier ;

- l'établissement, le fonctionnement et l'entretien des clôtures, les dispositifs de sécurité et installation d'hygiène intéressant les parties communes du chantier ;

- le gardiennage, l'éclairage et le nettoyage des parties communes du chantier, ainsi que leur signalisation extérieure ;

- l'installation et l'entretien du bureau mis à la disposition du maître d'œuvre, si les documents particuliers du marché le prévoient ;

- les mesures propres à pallier d'éventuelles défaillances des autres membres du groupement et les conséquences de ces défaillances.

Si le marché ne prévoit pas de disposition particulière pour rémunérer le mandataire des dépenses résultant de son action de coordination des membres du groupement conjoint, ces dépenses sont réputées couvertes par les prix des travaux qui lui sont attribués. Si le marché prévoit une telle disposition particulière et si celle-ci consiste dans le paiement au mandataire d'un pourcentage déterminé du montant des travaux attribués aux autres membres du groupement, ce montant s'entend des sommes effectivement réglées auxdits membres.

9.1.3. En cas de sous-traitance, les prix du marché sont réputés couvrir les frais de coordination et de contrôle, par le titulaire, de ses sous-traitants ainsi que les conséquences de leurs défaillances éventuelles.

CCAG Travaux 2009 [Abrogé]

Article 10 - Contenu et caractère des prix

10.1. Contenu des prix :

10.1.1. Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l’exécution des travaux, y compris les frais généraux, impôts et taxes, et assurer au titulaire une marge pour risques et bénéfice. Toutefois, les prix sont indiqués dans le marché hors taxe à la valeur ajoutée (TVA).

A l’exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n’étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d’exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s’exécutent ces travaux, que ces sujétions résultent notamment :

- de l’utilisation du domaine public et du fonctionnement des services publics ;

- de phénomènes naturels ;

- de la présence de canalisations, conduites et câbles de toute nature, ainsi que des chantiers nécessaires au déplacement ou à la transformation de ces installations ;

- des coûts résultant de l’élimination des déchets de chantier ;

- de la réalisation simultanée d’autres ouvrages.

Les prix sont réputés avoir été établis en considérant qu’aucune prestation n’est à fournir par le maître de l’ouvrage.

10.1.2. Dans le cas d’un marché passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, les prix des prestations attribuées à chaque entrepreneur dans l’acte d’engagement sont réputés comprendre les dépenses et marge correspondantes, y compris les charges que chaque entrepreneur peut être appelé à rembourser au mandataire.

Dans ce cas, les prix des travaux attribués au mandataire sont réputés comprendre, en sus, les dépenses et marge touchant les prestations complémentaires suivantes :

- la construction et l’entretien des moyens d’accès et des chemins de service nécessaires pour les parties communes du chantier ;

- l’établissement, le fonctionnement et l’entretien des clôtures, les dispositifs de sécurité et installation d’hygiène intéressant les parties communes du chantier ;

- le gardiennage, l’éclairage et le nettoyage des parties communes du chantier, ainsi que leur signalisation extérieure ;

- l’installation et l’entretien du bureau mis à la disposition du maître d’œuvre, si les documents particuliers du marché le prévoient ;

- les mesures propres à pallier d’éventuelles défaillances des autres membres du groupement et les conséquences de ces défaillances.

Si le marché ne prévoit pas de disposition particulière pour rémunérer le mandataire des dépenses résultant de son action de coordination des entrepreneurs conjoints, ces dépenses sont réputées couvertes par les prix des travaux qui lui sont attribués. Si le marché prévoit une telle disposition particulière et si celle-ci consiste dans le paiement au mandataire d’un pourcentage déterminé du montant des travaux attribués aux autres membres du groupement, ce montant s’entend des sommes effectivement réglées auxdits membres.

10.1.3. En cas de sous-traitance, les prix du marché sont réputés couvrir les frais de coordination et de contrôle, par le titulaire, de ses sous-traitants ainsi que les conséquences de leurs défaillances éventuelles.

(c) F. Makowski 2001/2023