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CE, 25 mai 2018, n°417580, Nantes Métropole

Conseil d’Etat, 25 mai 2018, n°417580, Nantes Métropole - Publié au recueil Lebon

Il résulte des dispositions des articles 52 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 que si l’acheteur peut, pour sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en oeuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c’est à la condition, notamment, qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. A cet égard, des critères à caractère social, relatifs notamment à l’emploi, aux conditions de travail ou à l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, peuvent concerner toutes les activités des entreprises soumissionnaires, pour autant qu’elles concourent à la réalisation des prestations prévues par le marché. Ces dispositions n’ont, en revanche, ni pour objet ni pour effet de permettre l’utilisation d’un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l’ensemble de son activité et indistinctement applicable à l’ensemble des marchés de l’acheteur, indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000036945776/ 

Conseil d'État

N° 417580

ECLI:FR:CECHR:2018:417580.20180525

Publié au recueil Lebon

7ème - 2ème chambres réunies

M. Jean Sirinelli, rapporteur

M. Gilles Pellissier, rapporteur public

SCP DIDIER, PINET ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocat(s)

lecture du vendredi 25 mai 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Imprimerie Chiffoleau a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d’annuler, sur le fondement de l’article L551-1 du code de justice administrative, l’appel d’offres engagé par Nantes Métropole en vue de la passation d’un accord-cadre multi-attributaire pour la réalisation de travaux d’impression. Par une ordonnance n° 171125 du 9 janvier 2018, le juge des référés a annulé cet appel d’offres.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 janvier, 7 février et 13 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Nantes Métropole demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Imprimerie Chiffoleau ;

3°) de mettre à la charge de la société Imprimerie Chiffoleau la somme de 4 500 euros au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 ;

- l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de Nantes Métropole et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Imprimerie chiffoleau ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nantes que, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 2 octobre 2017, Nantes Métropole, agissant au nom et pour le compte d’un groupement de commandes constitué avec la commune de Nantes, son centre communal d’action sociale et l’école supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole, a engagé la procédure de passation d’un accord-cadre multi-attributaires portant sur la réalisation de travaux d’impression ; que, par un courrier du 7 décembre 2017, la société Imprimerie Chiffoleau s’est vu notifier le rejet de son offre ; que, par l’ordonnance attaquée du 9 janvier 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi par la société Imprimerie Chiffoleau sur le fondement de l’article L551-1 du code de justice administrative, a annulé l’appel d’offres engagé par Nantes Métropole ;

Sur la régularité de l’ordonnance :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L551-1 du code de justice administrative : “ Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix (...) “ ; qu’aux termes de l’article 5 du même code : “ L’instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence “ ;

3. Considérant, d’une part, que les décisions prises par le juge des référés sur le fondement des dispositions précitées de l’article L551-1 du code de justice administrative sont rendues à la suite d’une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d’assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l’instruction ; que, si les parties peuvent présenter en cours d’audience des observations orales à l’appui de leurs écrits, elles doivent, si elles entendent soulever des moyens nouveaux, les consigner dans un mémoire écrit ; que le juge ne saurait accueillir de tels moyens sans avoir mis le défendeur à même de prendre connaissance du mémoire qui les soulève ;

4. Considérant qu’il ressort du deuxième mémoire en réplique produit par la société Imprimerie Chiffoleau devant le juge des référés et communiqué à Nantes Métropole que la société soutenait que des critères relatifs à la politique générale de l’entreprise ne pouvaient pas être mis en oeuvre pour le choix de l’attributaire du marché, faute de lien avec l’objet du marché ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le juge des référés aurait retenu sur ce point un moyen soulevé oralement lors de l’audience et non repris dans les écritures de la société pour annuler la procédure d’appel d’offres manque en fait ;

5. Considérant, d’autre part, que la circonstance que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes n’ait pas communiqué à Nantes Métropole un troisième mémoire en réplique présenté par la société Imprimerie Chiffoleau, postérieurement à la tenue de l’audience, mais avant la clôture de l’instruction, n’entache pas d’irrégularité l’ordonnance attaquée dès lors que ce mémoire ne comportait aucun élément de droit ou de fait lié au motif sur lequel ce juge s’est fondé pour annuler la procédure de passation du marché ;

Sur le bien-fondé de l’ordonnance :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 52 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : “ Le marché public est attribué (...) sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché public ou à ses conditions d’exécution. / Le lien avec l’objet du marché public ou ses conditions d’exécution s’apprécie conformément à l’article 38 “ ; qu’aux termes de l’article 38 de cette ordonnance : “ Sont réputées liées à l’objet du marché les conditions d’exécution qui se rapportent aux travaux, fournitures ou services à fournir en application du marché public, à quelque égard que ce soit et à n’importe quel stade de leur cycle de vie, y compris les facteurs intervenant dans le processus spécifique de production, de fourniture ou de commercialisation de ces travaux, fournitures ou services ou un processus spécifique lié à un autre stade de leur cycle de vie, même lorsque ces facteurs ne ressortent pas des qualités intrinsèques de ces travaux fournitures ou services “ ; qu’aux termes de l’article 62 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : “ II. - Pour attribuer le marché public au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, l’acheteur se fonde : / 1° Soit sur un critère unique qui peut être : a) Le prix (...) ; b) Le coût (...) / 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché public ou à ses conditions d’exécution au sens de l’article 38 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s’agir, par exemple, des critères suivants : / a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l’accessibilité, l’apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l’environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, d’insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; / (...) / D’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché public ou ses conditions d’exécution “ ;

7. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que si l’acheteur peut, pour sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en oeuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c’est à la condition, notamment, qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ; qu’à cet égard, des critères à caractère social, relatifs notamment à l’emploi, aux conditions de travail ou à l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, peuvent concerner toutes les activités des entreprises soumissionnaires, pour autant qu’elles concourent à la réalisation des prestations prévues par le marché ; que ces dispositions n’ont, en revanche, ni pour objet ni pour effet de permettre l’utilisation d’un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l’ensemble de son activité et indistinctement applicable à l’ensemble des marchés de l’acheteur, indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause ;

8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nantes que Nantes Métropole a prévu un critère de sélection relatif à la “ performance en matière de responsabilité sociale “, pondéré à hauteur de 15 % de la note totale, décomposé en cinq sous-critères relatifs à la “ protection de l’environnement “, aux “ aspects sociaux “, aux “ aspects sociétaux “, à la “ performance économique durable “ ainsi qu’aux “ aspects gouvernance “ des entreprises candidates ; que l’article 2.5 du règlement de la consultation précise que l’utilisation de ce critère s’inscrit dans le cadre d’une politique dite “ Achats Durables “ de l’acheteur qui “ implique que l’entreprise doive, tout en assurant sa performance économique, assumer ses responsabilités au regard des objectifs du développement durable c’est-à-dire dans les domaines environnementaux, sociaux et sociétaux “ ; qu’il ressort du “ cadre de réponse diagnostique RSE “ prévu par le dossier de consultation, que ce critère est évalué sur la base d’une appréciation d’éléments généraux, tels que la “ lutte contre les discriminations “ et le “ respect de l’égalité hommes / femmes “, appréciés au regard du taux d’emploi et de la rémunération des travailleurs handicapés et féminins, la “ sécurité et la santé du personnel “, évaluées sur la base du nombre d’accidents du travail pendant les trois dernières années et de la durée totale des arrêts de travail sur le dernier exercice, les dépenses de formation du personnel engagées par l’entreprise, la “ stabilité des effectifs “ et la limitation du recours aux contrats d’intérim, ou encore la formation active des stagiaires et apprentis par des tuteurs certifiés ; que, contrairement à ce que soutient Nantes Métropole, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes n’a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que le critère de “ performance en matière de responsabilité sociale “ ne concerne pas seulement les conditions dans lesquelles les entreprises candidates exécuteraient l’accord-cadre en litige mais porte sur l’ensemble de leur activité et a pour objectif d’évaluer leur politique générale en matière sociale, sans s’attacher aux éléments caractérisant le processus spécifique de réalisation des travaux d’impression prévus par le contrat ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en en déduisant que ce critère n’a pas un lien suffisant avec l’objet du marché ou ses conditions d’exécution ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Nantes Métropole n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Imprimerie Chiffoleau qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu de mettre à la charge de Nantes Métropole la somme de 4 000 euros, à verser à la société Imprimerie Chiffoleau au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le pourvoi de Nantes Métropole est rejeté.

Article 2 : Nantes Métropole versera à la société Imprimerie Chiffoleau une somme de 4 000 euros au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Nantes Métropole et à la société Imprimerie Chiffoleau.

Copie en sera adressée à la société Edicolor Print, à la société Imprimerie des Hauts de Vilaine, à la société Goubault Imprimerie et à la société Imprimerie Parenthèses.

MAJ 05/06/18 - Source legifrance

Jurisprudence

CE, 20 décembre 2019, n° 428290, société Lavalin (L’utilisation d’un critère d’attribution intégrant des aspects sociaux liés au nombre d'emplois locaux créés est possible dès lors qu’il est en lien direct avec les conditions d'exécution du contrat de délégation de service public).

CE, 16 novembre 2016, n° 401660, Sté SNEF et Ville de Marseille (Méthode de notation des offres et utilisation par le pouvoir adjudicateur d’une simulation par un détail quantitatif estimatif (DQE) relatif à des chantiers fictifs).

CE, 3 novembre 2014, n° 373362, Commune de Belleville-sur-Loire (Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres. Par contre ces méthodes de notation ne doivent pas être de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération).

CE, 19 avril 2013, n° 365340, Ville de Marseille (L'incertitude résultant de la méthode de notation des offres, et son adaptation lors de l'analyse des offres par le pouvoir adjudicateur porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats)

CE, 2 août 2011, n° 348711, SIVOA (L'acheteur peut recourir à une simulation financière pour évaluer les offres. Pour l'appréciation des critères de sélection des offres il faut bien distinguer critère et simple méthode de notation des offres. En procédant à une simulation nécessaire à l’appréciation du critère du prix eu égard à la coexistence de prix forfaitaires et de prix unitaires, le pouvoir adjudicateur met en oeuvre une simple méthode de notation destinée à évaluer ce critère, sans modifier ses attentes définies dans le règlement de la consultation par les critères de sélection et donc sans poser un sous-critère assimilable à un critère distinct. En effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, une simulation consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d'interventions envisagées, un pouvoir adjudicateur n'a pas recours à un sous-critère, mais à une simple méthode de notation des offres destinée à les évaluer au regard du critère du prix. Il n'est donc pas tenu d'informer les candidats, dans les documents de la consultation, qu'il aura recours à une telle méthode).

CE, 21 mai 2010, n° 333737, Commune d'Ajaccio (En matière d'allotissement, le juge du référé précontractuel ne peut sanctionner qu'une erreur manifeste d'appréciation du pouvoir adjudicateur dans la détermination du nombre et de la consistance des lots eu égard à la nature des prestations et à l’objet du marché).

CE, 31 mars 2010, n° 334279, Collectivité Territoriale de Corse (Si le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’indiquer dans les documents de consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre, il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres)

Actualités

Guide sur les aspects sociaux de la commande publique. Publication de la Version 3 - Juillet 2018 : 13 août 2018.