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signature électronique, CE, 7 novembre 2014, n° 383587, Société BearingPoint France

Conseil d’Etat, 7 novembre 2014, n° 383587, ministre des finances et des comptes publics c/ Société BearingPoint France - Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Ayant reçu le 17 mars à 14h19 un message électronique, adressé par la plate-forme électronique de dépôt des offres, qui attestait du dépôt de son offre, précisait la nature des fichiers enregistrés et ne comportait aucune mention du nom et du poids du jeton de signature associé dans la liste des documents dont il était accusé réception, le candidat, qui a donc eu connaissance, après le dépôt de son offre, de ce que l'engagement juridique enregistré sur la plate-forme n'était pas accompagné de sa signature électronique et pouvait ainsi, le cas échéant, décider de compléter son offre avant la date limite de remise des offres, soit le 17 mars 2014 à 17h00, ne peut, dès lors, utilement soutenir que cette absence résulterait d'un dysfonctionnement de la plate-forme. Le candidat ne peut pas non plus utilement soutenir qu'il n'aurait pas été informé de l'absence de signature électronique de l'acte d'engagement par un dispositif d'alerte spécifique, dès lors qu'en tout état de cause, ni les dispositions de l'article 56 du code des marchés publics ni les documents de la consultation ne prévoyaient la mise en place d'une tel dispositif.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000029724761/

Dans le cadre des procédures de passation de marchés publics dématérialisées, la signature électronique de l'acte d'engagement est une formalité substantielle dont l'absence entraîne l'irrégularité de l'offre. Il incombe au candidat de s'assurer que son offre est complète et correctement signée avant la date limite de remise, l'accusé de réception généré par la plateforme faisant foi du contenu de l'offre déposée. 

En l'espèce, l'accusé de réception transmis à la société candidate ne mentionnait aucun "jeton" de signature électronique pour l'acte d'engagement. La société, ayant eu connaissance de cette absence avant la date limite de remise des offres, aurait dû compléter son offre. Son offre a donc été légalement rejetée comme irrégulière par le pouvoir adjudicateur.

Cette décision apporte plusieurs précisions importantes sur le régime des offres dématérialisées :

  • Elle confirme le caractère substantiel de la signature électronique de l'acte d'engagement, dont l'absence entraîne l'irrégularité de l'offre.
  • Elle précise que l'accusé de réception généré par la plateforme fait foi pour établir le contenu de l'offre déposée, notamment concernant la présence ou non d'une signature électronique.
  • Elle rappelle la responsabilité du candidat de vérifier le contenu de son offre et de la compléter si nécessaire avant la date limite de remise.
  • Elle écarte l'obligation pour le pouvoir adjudicateur de mettre en place un dispositif d'alerte spécifique sur l'absence de signature, en l'absence de texte le prévoyant expressément.

Contexte et faits

Le Service des achats de l'État (SAE) a lancé le 5 octobre 2013 une procédure d'appel d'offres restreint pour la conclusion d'un accord-cadre portant sur des prestations informatiques, divisé en 4 lots. La procédure se déroulait de manière entièrement dématérialisée via la plateforme PLACE (Plateforme des Achats de l'État).

La société BearingPoint France a candidaté pour le lot n°2. Cependant, son offre a été rejetée comme irrégulière le 24 juin 2014 au motif que l'acte d'engagement dématérialisé déposé sur PLACE n'était pas assorti d'une signature électronique.

La société a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative (référé précontractuel). Par ordonnance du 24 juillet 2014, le juge des référés a enjoint au SAE de reprendre la procédure en incluant l'offre de BearingPoint, estimant que l'absence de signature électronique ne pouvait à elle seule justifier l'irrecevabilité de l'offre.

Le ministre des finances et des comptes publics s'est pourvu en cassation contre cette ordonnance devant le Conseil d'État.

Problème juridique

La question principale qui se pose est de savoir si l'absence de signature électronique de l'acte d'engagement dans une procédure dématérialisée justifie à elle seule le rejet de l'offre comme irrégulière.

Raisonnement du Conseil d'État

Le Conseil d'État fonde son raisonnement sur plusieurs dispositions du code des marchés publics alors en vigueur :

1) L'article 53 III qui prévoit l'élimination des offres irrégulières (considérant 3).

2) L'article 11 qui définit l'acte d'engagement comme "la pièce signée par un candidat (...) dans laquelle le candidat présente son offre ou sa proposition" (considérant 3).

3) L'article 48 I qui dispose que pour les procédures formalisées, lorsque l'offre est transmise par voie électronique, l'acte d'engagement "est signé électroniquement dans des conditions fixées par arrêté" (considérant 3).

4) L'article 56 IV sur la confidentialité et la sécurité des transmissions électroniques (considérant 3).

Le Conseil d'État s'appuie également sur l'arrêté du 14 décembre 2009 relatif à la dématérialisation qui prévoit la délivrance d'un accusé de réception indiquant date et heure de réception des offres (considérant 3).

Enfin, il cite le guide utilisateur de PLACE précisant que l'accusé de réception mentionne pour chaque fichier transmis "le nom du jeton de signature associé le cas échéant et son poids" (considérant 3).

Sur cette base, le Conseil d'État développe deux arguments principaux :

1) Il juge qu'une offre dont l'acte d'engagement n'est pas signé avant la date limite par une personne habilitée est irrégulière et doit être éliminée. Le juge des référés a donc commis une erreur de droit en estimant que la signature des autres documents de l'offre suffisait à établir l'engagement juridique de la société (considérant 4).

2) Il relève que l'accusé de réception transmis à BearingPoint ne mentionnait aucun "jeton" de signature pour l'acte d'engagement. Le juge des référés a donc également commis une erreur de droit en jugeant que cette absence ne suffisait pas à établir le défaut de signature électronique (considérant 5).

Le Conseil d'État annule donc l'ordonnance attaquée (considérant 6) et décide de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative (considérant 7).

Examinant les faits, il constate que :

- La société a reçu un accusé de réception le 17 mars à 14h19 attestant du dépôt de son offre (considérant 8).

- Cet accusé ne mentionnait aucun "jeton" de signature pour l'acte d'engagement (considérant 8).

- La société avait donc connaissance de l'absence de signature électronique et pouvait compléter son offre avant la date limite fixée à 17h00 le même jour (considérant 8).

Le Conseil d'État en conclut que la société ne peut utilement invoquer ni un dysfonctionnement de la plateforme, ni l'absence d'un dispositif d'alerte spécifique non prévu par les textes (considérant 8).

 Solution

Le Conseil d'État rejette la demande d'annulation de la procédure présentée par BearingPoint (considérant 9).

[…]

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 5 octobre 2013, le service des achats de l'Etat, service à compétence nationale rattaché au ministre en charge du budget, a lancé une procédure d'appel d'offres restreint en vue de la conclusion d'un accord-cadre portant sur la " réalisation de prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage de projets informatiques, tierce recette applicative et assistance sur les logiciels " constitué de quatre lots ; que le dépôt des candidatures et des offres s'effectuait exclusivement sur la plateforme interministérielle de dématérialisation des achats de l'Etat dite " PLACE " ; que, par une décision du 24 juin 2014, l'offre de la société BearingPoint France, candidate au titre du lot n° 2, a été rejetée comme irrégulière au motif que l'acte d'engagement dématérialisé qu'elle avait déposé sur la plateforme PLACE n'était pas assorti d'une signature électronique ; que le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 24 juillet 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi par la société BearingPoint France sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a enjoint au service des achats de l'Etat de reprendre la procédure d'attribution du lot n° 2 en y incluant l'offre de la société BearingPoint France, au motif que le pouvoir adjudicateur ne pouvait, pour le seul motif tiré de l'absence de signature électronique de l'acte d'engagement de la société BearingPoint France, estimer son offre irrecevable ;

3. Considérant qu'aux termes du III de l'article 53 du code des marchés publics : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 de ce code : " (...) Pour les marchés passés selon les procédures formalisées, l'acte d'engagement et, le cas échéant, les cahiers des charges en sont les pièces constitutives. / L'acte d'engagement est la pièce signée par un candidat à un accord-cadre ou à un marché public dans laquelle le candidat présente son offre ou sa proposition (...) " ; qu'aux termes de l'article 48 du même code : " I - Les offres sont présentées sous la forme de l'acte d'engagement défini à l'article 11. / L'acte d'engagement pour un marché ou un accord-cadre passé selon une procédure formalisée, lorsque l'offre est transmise par voie électronique, est signé électroniquement dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie. / (...) " ; qu'aux termes du IV de l'article 56 du même code : " Dans les cas où la transmission électronique est obligatoire et dans ceux où elle est une faculté donnée aux candidats, le pouvoir adjudicateur assure la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon non discriminatoire, selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie " ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 14 décembre 2009 relatif à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics : " Le dépôt des candidatures et des offres transmises par voie électronique ou sur support physique électronique donne lieu à un accusé de réception indiquant la date et l'heure de réception " ; qu'enfin, l'article 3.7.7. du guide utilisateur de la plate-forme PLACE, auquel renvoyait le règlement de la consultation, précise que l'accusé de réception électronique, qui constitue la preuve de dépôt du dossier opposable par le soumissionnaire, indique " chaque fichier transmis, son poids, ainsi que le nom du jeton de signature associé le cas échéant et son poids " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions qu'une offre dont l'acte d'engagement n'est pas, avant la date limite de remise des offres, signé par une personne dûment mandatée ou habilitée à engager l'entreprise candidate est irrégulière et doit être éliminée comme telle avant même d'être examinée ; que le juge des référés du tribunal administratif de Paris ne pouvait ainsi, sans commettre d'erreur de droit, juger qu'à défaut de signature électronique de l'acte de d'engagement, la signature électronique des autres documents composant l'offre de la société BearingPoint France suffisait à établir l'engagement juridique de cette société ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il est constant que l'accusé de réception transmis à la société BearingPoint France ne mentionnait aucun " jeton " de signature associé à l'acte d'engagement ; qu'en jugeant, dans ces conditions, que cette absence de mention ne suffisait pas à établir que l'acte d'engagement de la société requérante n'était pas accompagné de sa signature électronique, au motif que n'étaient démontrés, ni l'absence de dysfonctionnement de la plateforme PLACE ni l'existence d'un dispositif signalant aux candidats le défaut de signature électronique de leurs documents, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a également commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société BearingPoint France ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que la société BearingPoint France a reçu le 17 mars à 14 h 19 un message électronique, adressé par la plate-forme PLACE, attestant du dépôt de son offre sur cette plateforme aux mêmes date et heure ; qu'il ressort de ce document qui, conformément aux dispositions citées au point 3, précise la nature des fichiers enregistrés et constitue la preuve de leur dépôt par les candidats, que si l'acte d'engagement a bien été enregistré sur la plate-forme, aucune mention du nom et du poids du " jeton " de signature associé ne figurait dans la liste des documents dont il était accusé réception ; que la société BearingPoint France qui a donc eu connaissance, après le dépôt de son offre, de ce que l'engagement juridique enregistré sur la plate-forme n'était pas accompagné de sa signature électronique et pouvait ainsi, le cas échéant, décider de compléter son offre avant la date limite de remise des offres, soit le 17 mars 2014 à 17 h 00, ne peut, dès lors, utilement soutenir que cette absence résulterait d'un dysfonctionnement de la plate-forme ; qu'elle ne peut pas non plus utilement soutenir qu'elle n'aurait pas été informée de l'absence de signature électronique de l'acte d'engagement par un dispositif d'alerte spécifique, dès lors qu'en tout état de cause, ni les dispositions de l'article 56 du code des marchés publics ni les documents de la consultation ne prévoyaient la mise en place d'un tel dispositif ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BearingPoint France n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché litigieux ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de la procédure conduite devant le Conseil d'Etat ;

[…]

.

MAJ 15/11/14 - Source legifrance

Jurisprudence

Réponse électronique dans les marchés publics – La signature électronique d’un fichier zip ne suffit pas ( Une ordonnance du TA Toulouse, 9 mars 2011, n° 1100792, Société MC2I / CNRS confirme la position de la DAJ dans la réponse électronique aux marchés publics : la signature du fichier zip ne suffit pas, il faut signer les pièces individuellement) - 5 avril 2011.