TA Dijon, 28 décembre 2018, n° 1803328, Sté Numéricarchive - Retard de 25 secondes
Réponse dématérialisée aux marchés publics : même les secondes comptent ! Réponse dématérialisée aux marchés publics parvenue hors délai. Un pouvoir adjudicateur peut-il accepter une offre transmise par voie électronique et déposée avec 25 secondes de retard comme en atteste l'accusé de réception émis par la plateforme de dématérialisation utilisée par le pouvoir adjudicateur ? Sachant que certaines plateformes utilisées par d'autres pouvoirs adjudicateurs ne décomptent pas les secondes. Ce sont les questions qui se sont posées au tribunal administratif de Dijon dans une affaire opposant une société informatique au conseil départemental de la côte d'Or. Le juge écarte l’argument selon lequel « certaines plateformes utilisées par d'autres pouvoirs adjudicateurs ne décomptent pas les secondes » ; ceci étant sans incidence sur le caractère tardif de la remise de l’offre. L'entreprise n'avait pas transmis de copie de sauvegarde.
Résumé
En matière de marchés publics, le respect des délais de remise des offres est une obligation absolue qui s'impose tant aux candidats qu'aux acheteurs publics. Cette règle participe du principe d'égalité de traitement des candidats et ne souffre d'aucune exception, même pour un retard infime. En l’espèce, le juge applique strictement cette règle en validant le rejet d'une offre déposée 25 secondes après l'heure limite.
Le département de la Côte-d'Or a lancé une consultation pour un marché public de fournitures ayant pour objet l'acquisition de postes de travail pour ses services et collèges. La date et l'heure limites de réception des offres étaient fixées au 15 novembre 2018 à 17h00, comme précisé dans le règlement de la consultation et l'avis de marché publié au JOUE le 16 octobre 2018.
La société Numericarchive a déposé une offre le 15 novembre 2018 à 17:00:25. Par courrier du 4 décembre 2018, elle a été informée du rejet de son offre. Elle saisit alors le juge des référés sur le fondement de l'article L551-1 du code de justice administrative.
La société requérante conteste le rejet de son offre pour un retard de 25 secondes et souligne que d'autres plateformes ne tiennent pas compte des secondes.
L’acheteur rappelle que l'heure limite était fixée à 17h00 précises et se fonde sur l'article 43-IV du décret du 25 mars 2016 pour justifier l'élimination de l'offre tardive.
Le juge des référés constate que l'heure limite était fixée à 17h00 dans les documents de la consultation, relève que l'offre a été déposée à 17:00:25 puis applique directement l'article 43-IV du décret du 25 mars 2016 qui dispose que "les candidatures et les offres reçues hors délai sont éliminées".
Le juge rejette les conclusions à fin de suspension et écarte l'argument tiré des pratiques d'autres plateformes.
Texte
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE DIJON
N° 1803328
SOCIETE NUMERICARCHIVE
Mme ........
Juge des référés
Ordonnance du 28 décembre 2018
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la procédure suivante:
Le juge des référés,
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2018, la société Numericarchive demande au juge des référés :
1 °) avant dire droit, d'enjoindre de différer la signature ou l'exécution du contrat jusqu'au terme de la procédure ;
2°) d'ordonner la suspension de la passation du contrat et de toutes décisions y afférant;
3°) d'ordonner au département de la Côte-d'Or de se conformer à ses obligations de publicité et mise en concurrence;
4°) d'enjoindre de reprendre la procédure au stade de la publicité préalable;
5°) d'annuler toutes décisions consécutives aux irrégularités qui entachent la procédure et notamment les décisions d'attribution du contrat et de rejet des offres;
6°) de mettre la somme de 45 000 euros à la charge du département au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que:
- le département n'a pas respecté les règles de publicité et de mise en concurrence dès lors que son offre a été rejetée pour une raison de centième de seconde qui n'est pas spécifiée dans le marché; d'autres plateformes ne tiennent pas compte des centièmes de seconde;
- le non-respect des règles lui cause un préjudice moral.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 20 18, le département de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que:
- la requête est irrecevable dès lors que l'identité du requérant et sa qualité ne sont pas précisées;
- le référé contractuel n'est pas recevable dès lors qu'aucun contrat n'a été conclu;
- à supposer que le recours puisse être qualifié de référé précontractuel, le recours est irrecevable dès lors que la société ne saurait être regardée comme une candidate à l'attribution du marché en cause;
- la date et l'heure limites de réception des offres mentionnées tant dans le règlement de la consultation que dans l'avis de marché publié au JOUE et sur le profil acheteur étaient fixées au 15 novembre 2018 à 17h00; l'offre de la société qui a été reçue à 17:00:25 est tardive et a été éliminée sur le fondement de l'article 43-IV du décret du 25 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier; Vu:
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics;
- le code de justice administrative;
Les présidents et les magistrats du tribunal plus anciens dans 1'ordre du tableau étant empêchés;
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 27 décembre à 15 heures, au cours de laquelle ont été entendus:
- le rapport de Mme ...., juge des référés;
- les observations de Mme .... et de M. .... représentant le département de la Côte-d'Or qui s'en rapportent pour l'essentiel à leurs écritures ; M. .... souligne que l'heure limite doit être comprise comme étant fixée à 17h pile, que la validation de l'offre est intervenue hors délai comme l'a indiqué la plateforme utilisée et que la société requérante ne conteste pas l'heure de réception de son offre constatée par la plateforme.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 15h05 minutes.
Considérant ce qui suit :
1. Le département de la Côte-d'Or a lancé une consultation en vue de la passation d'un marché public de fournitures ayant pour objet l'acquisition de postes de travail pour les services du département et les collèges du département. Par un courrier du 4 décembre 2018, la société Numericarchive a été informée du rejet de son offre. Par sa requête, la société Numericarchive doit être regardée comme contestant devant le juge des référés statuant en application de l'article L551-1 du code de justice administrative la régularité de la procédure dont elle demande l'annulation.
2. Aux termes de l'article L551-1 du code de justice administrative: « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / (…) ».
Sur les conclusions à fin de suspension de la signature du marché:
3. Aux termes de l'article L551-4 du code de justice administrative :« Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ».
4. Il en résulte que les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au département de la Côte d'Or de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure sont dépourvues d'objet.
Sur les conclusions de la société requérante à fin d'annulation :
5. Aux termes du IV de l'article 43 du décret du 25 mars 2016 susvisé :« IV - Les candidatures et les offres reçues hors délai sont éliminées ».
6. La société Numericarchive soutient que le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors que son offre a été rejetée à tort comme parvenue hors délai. Toutefois le règlement de la consultation et l'avis de marché publié au JOUE le 16 octobre 2018 prévoyaient que les date et heure limites de remise des offres étaient fixées au 15 novembre 2018 à 17h00. Il est constant que l'offre de la société requérante a été déposée le 15 novembre 2018 à 17:00:25 comme en atteste l'accusé de réception émis par la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur. Ainsi cette offre parvenue postérieurement à l'heure limite fixée par les documents de la consultation devait être éliminée. La société requérante ne peut utilement faire valoir à cet égard que certaines plateformes utilisées par d'autres pouvoirs adjudicateurs ne décomptent pas les secondes, cette circonstance étant sans incidence sur le caractère tardif de la remise de son offre. Par suite, la société Numericarchive n'est pas fondée à soutenir que le département de la Côte d'Or a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en rejetant son offre.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions présentées sur le fondement de 1 'article L551-1 du code de justice administrative et sur les fins de non-recevoir opposées en défense, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L76 1-1 du code de justice administrative.
ORDONNE
Article !er : La requête présentée par la société Numericarchive est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Numericarchive, au département de la Côte-d'Or et à la société Dell.
MAJ 15/01/19
Actualités
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Offre dématérialisée parvenue hors délai : élimination pour 29 secondes de retard (Encore une réponse dématérialisée aux marchés publics parvenue hors délai sur la plateforme de dématérialisation (TA Versailles, 8 février 2023, n° 2300644, Société Seamed France). En matière de délai de remise des plis, même les secondes comptent et le délai s’applique de manière stricte. A l'instar d'une affaire précédente (TA Dijon, 28 décembre 2018, n° 1803328, Sté Numéricarchive) une société considérait aussi que les secondes ne doivent pas être considérées comme éliminatoires. Or, si une offre arrive hors délai, donc après la date et l’heure limite fixées dans les documents de la consultation, même s’il est accessible dans le profil acheteur, le pli est considéré comme hors délai et il doit être rejeté). - 11 février 2023.