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Plan d'action Simplification et modifications de la commande publique

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Plan d'action Simplification : Le gouvernement passe à l'offensive pour dépoussiérer la commande publique

Au menu : La création d'une plateforme unique regroupant tous les marchés publics, la mise en place d'un dossier simplifié de candidature, l'unification du contentieux sous la tutelle du juge administratif, l'harmonisation des conditions d'avance et de délais de paiement Une transparence accrue pour lutter contre les retards de règlement. Qualifiée d'"archaïque" par le ministre de l'Économie, la commande publique fait l'objet d'un vaste plan de modernisation. Avec près de 160 milliards d'euros par an, ce secteur incontournable pour les entreprises va être entièrement repensé pour simplifier les procédures et favoriser l'accès des PME. Tour d'horizon des principales mesures annoncées.

24 avril 2024

Plan d'action Simplification et modifications relatives à la commande publique

"La commande publique obéit à des règles dignes de Balzac et du XIXe siècle".

Lâchée par Bruno Le Maire, cette formule résume à elle seule la volonté du gouvernement de bousculer un système jugé trop complexe et inadapté.

Bien que représentant un enjeu économique majeur, avec 160 milliards d'euros de transactions annuelles, la commande publique pâtit encore de procédures complexes et chronophages qui désavantagent les entreprises, notamment les plus petites.

Une refonte d'ampleur substantielle

Pour y remédier, le plan d'action pour la simplification présenté par les ministres Bruno Le Maire, Olivia Grégoire et Stanislas Guerini prévoit une refonte en profondeur, sans précédent. Objectif affiché : repenser entièrement ce système pour le moderniser et l'adapter aux réalités du monde économique actuel. Au total, ce sont 52 mesures qui ont été annoncées, articulées autour de 5 grands axes :

  • La création d'une plateforme unique regroupant tous les marchés publics
  • La mise en place d'un dossier simplifié de candidature
  • L'unification du contentieux sous la tutelle du juge administratif
  • L'harmonisation des conditions d'avance et de délais de paiement
  • Une transparence accrue pour lutter contre les retards de règlement

Le projet de loi de simplification de la vie économique (PJLSVE), délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté au Sénat par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Aux fins d’alléger les contraintes pesant sur les entreprises et les professionnels, il est envisagé que le Gouvernement soit autorisé à prendre par ordonnance, toute mesure relevant du domaine de la loi pour : 1° Transformer certains régimes d’autorisation administrative en régimes de déclaration préalable obligatoire, le cas échéant avec opposition possible de l’administration dans un délai déterminé ; 2° Supprimer certains régimes de déclaration préalable obligatoire pour lesquels le respect des règles de droit concernées peut être assuré par d’autres moyens ; 3° Alléger ou supprimer certaines procédures ou formalités déclaratives des entreprises.

1 - Faciliter l'accès à la commande publique en ligne

La situation actuelle, un écueil pour les entreprises

  • Éparpillement sur 4 300 services acheteurs différents (État, hôpitaux, autres). Il existe actuellement 4 300 services d'achat différents pour l'État, les hôpitaux et d'autres entités publiques, chacun avec sa propre plateforme numérique. Cela rend difficile pour les entreprises de trouver et de postuler aux marchés publics qui les intéressent.
  • Plusieurs milliers de plateformes numériques correspondantes
  • Une plateforme unique "Place" existe mais seulement pour l'État

Pour les entreprises, la recherche de marchés publics pertinents relève, pour certaines, de la galère.

Dispersées sur des milliers de sites et plateformes, les offres se perdent dans un maquis administratif inextricable. Une situation d'autant plus préjudiciable pour les TPE et PME, qui ne disposent pas des mêmes moyens que les grands groupes.

Le remède du gouvernement : la plateforme unique

Dématérialisation et centralisation d'ici 2028 de tous les marchés (État, opérateurs, hôpitaux, Sécu) sur "Place".

  • D'ici à 2028, utilisation d'une plateforme unique appelée "Place" pour regrouper tous les marchés publics de l'État, des opérateurs publics, des hôpitaux et de la sécurité sociale.
  • Cette plateforme est déjà existante pour les marchés publics de l'État, mais elle sera désormais ouverte à tous les autres donneurs d'ordre. Les entreprises pourront ainsi trouver et postuler à tous les marchés publics en un seul endroit.

Il est envisagé que l’article L2132-2 soit complété par des dispositions imposant l'utilisation de la plateforme de dématérialisation mise gratuitement à leur disposition par l’État pour réaliser les communications et les échanges par voie électronique. Ceci concerne les personnes morales de droit public, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale.

Possibilité pour les collectivités locales de rejoindre cette plateforme

L’État pourrait autoriser tout acheteur qui en fait la demande à utiliser gratuitement sa plateforme de dématérialisation y compris les autorités concédantes.

  • La participation à la plateforme "Place" est volontaire pour les collectivités. Cela signifie que certains marchés publics pourraient ne pas être disponibles sur la plateforme.

  • La création d'une plateforme unique pour les marchés publics est une avancée intéressante pour simplifier l'accès à la commande publique en ligne. Cependant, il est important de noter que la participation à cette plateforme n'est pas obligatoire pour toutes les entités publiques.

Les sites des collectivités seront en outre rendus « interopérables », c’est-à-dire qu’il sera possible de naviguer facilement entre eux.

2 - Simplifier le processus de candidature aux marchés publics

Réduction des démarches administratives en permettant aux entreprises de remplir une candidature en utilisant uniquement leur SIRET, avec l'administration qui recherche les informations déjà transmises

Le casse-tête des dossiers à répétition :

Aujourd'hui, les entreprises doivent reconstituer chaque fois un dossier complet, en retransmettant les mêmes pièces justificatives (Références, effectifs, qualifications, ... et par l'attributaire : attestations, etc.). Un calvaire chronophage et coûteux.

En effet, pour chaque consultation, une entreprise doit remplir son dossier en fournissant souvent les mêmes informations. Cette transmission d’informations pour chaque marché représente un coût pour les entreprises, qui doivent remplir à chaque fois un dossier de candidature.

La solution: le "dites-le nous une fois" grâce au numéro SIRET

Pour alléger ces démarches récurrentes, la réforme prévoit de n'exiger des candidats que leur numéro SIRET à partir de 2026.

  • Les entreprises pourront soumettre leur candidature en utilisant uniquement leur numéro SIRET.
  • Une fois ce sésame unique fourni, les administrations se chargeront elles-mêmes de récupérer les données déjà disponibles, selon le principe du "Dites-le-nous une fois".

3 - Améliorer les délais de paiement des acheteurs publics

Objectifs

  • Forcer la transparence sur les délais de paiement chroniquement respectés
  • Mieux sensibiliser les acheteurs à l'impératif de paiement dans les temps
  • Fiabiliser le décompte des délais pour lutter contre les dérives 

Mesures

  • Publication en open data des délais moyens dans toutes les collectivités 
  • Élargissement aux opérateurs de l'État dans un second temps
  • Affichage du retard éventuel et des pénalités encourues

4 - Améliorer les conditions d'exécution des marchés

Avance de trésorerie uniformisée à 30% quelque soit le donneur d'ordre. Un coup de pouce essentiel pour la trésorerie des TPE/PME.  Renforcement des obligations de transparence sur les délais de paiement effectifs 

  • Désormais, l'avance pour l'ensemble des marchés publics sera fixée à 30% du montant de la commande, tant pour l'État que pour les collectivités locales, ce qui bénéficiera notamment aux très petites entreprises qui rencontrent souvent des difficultés de trésorerie.
  • Cette mesure s'appliquera à tous les appels d'offres. De plus, la transparence sera assurée concernant les délais de paiement des opérateurs publics, une préoccupation majeure pour les très petites entreprises.
  • Les délais de paiement moyens des collectivités locales de plus de 3500 habitants seront publiés en open data sur le site du ministère, et à terme, toutes les collectivités locales ainsi que tous les opérateurs de l'État seront concernés par cette publication des délais de paiement.

5 - Unifier et accélérer le contentieux lié à la commande publique

Un écueil contreproductif

Actuellement, le traitement des litiges relatifs aux marchés publics est partagé entre deux juridictions (administrative et judiciaire), au grand dam des entreprises. Résultat : des procédures rallongées et des jurisprudences potentiellement contradictoires.

La solution envisagée : Instauration d'un guichet unique auprès du juge administratif 

Pour simplifier et sécuriser cet environnement juridique, un bloc de compétence unique sera attribué au juge administratif pour tous les contrats relevant du code de la commande publique. Cela réduira les incertitudes pour les entreprises et le système juridique, ainsi que les divergences entre les jurisprudences.

  •    Objectif : accélérer et uniformiser le traitement des contentieux
  •    Réduire les zones d'insécurité juridique pour les entreprises

En ouvrant un vaste chantier de modernisation, le gouvernement espère enfin déverrouiller le potentiel de la commande publique, longtemps entravé par l'empilement de normes.

Si elle est menée à son terme, cette réforme pourrait faciliter la vie des entreprises, avec à la clé des économies substantielles et une réelle dynamisation de ce secteur stratégique.

 

Synthèse du plan de simplification pour les entreprises

Le gouvernement a présenté un ambitieux plan d'action en 52 mesures visant à simplifier la vie des entreprises, dévoilé lors du Conseil des ministres du 24 avril 2024. Ce plan, intitulé "Plan d’action : simplification !", vise trois objectifs principaux :

  • Mettre l’administration au service des entreprises : Ce volet implique une réorganisation des services de l’État et une révision de leurs pratiques pour répondre efficacement aux besoins des entreprises.
  • Soulager les petits acteurs économiques : Les TPE-PME, indépendants, artisans et commerçants bénéficieront de mesures spécifiques pour alléger leur charge administrative.
  • Faciliter les transitions écologiques, énergétiques et numériques : Ces transitions sont cruciales pour la réindustrialisation du pays, et des mesures seront prises pour soutenir et accélérer ces changements.

Mesures phares

  • Faciliter l’accès à la commande publique en ligne en simplifier le processus de candidature aux marchés publics, améliorant les délais de paiement des acheteurs publics, améliorer les conditions d’exécution des marchés publics, unifier et accélérer le contentieux lié à la commande publique

  • Simplification du bulletin de salaire : Actuellement complexe, le bulletin de salaire sera simplifié avec un nombre cible de quinze lignes, contre jusqu’à 55 lignes actuellement.
  • Suppression des formulaires administratifs Cerfa : Prévue pour s’étaler jusqu’en 2030, cette mesure vise à éliminer 80 % des formulaires d’ici 2026.
  • Instauration de tests PME : Ces tests évalueront l’impact des nouvelles normes sur les entreprises pour mieux les intégrer.
  • Loi annuelle de simplification du droit en vigueur : Chaque année, une loi sera préparée pour simplifier le droit applicable aux entreprises, avec des revues de normes dès 2025.
  • Fin des formalités en doublon : Des démarches telles que la remise de l'attestation de fin de contrat ou l'envoi de la déclaration d'arrêt maladie seront supprimées pour éviter les redondances.

Sommaire du « Plan d’action : simplification ! »

Simplification : un effort engagé dès 2017 pour favoriser la compétitivité de notre économie

Le poids de la norme

Un plan d’action co-construit avec les entreprises et les citoyens

Simplifier pour toutes les entreprises

MOINS DE DEMARCHES

Chantier n°1 : Simplifier radicalement les démarches administratives des entreprises

- Supprimer tous les formulaires Cerfa

- Alléger la démarche à la source : moins de demandes d’autorisations obligatoires, moins de déclarations

- Permettre un accès unique aux démarches des entreprises dans un « espace entreprise »

- Rationaliser les organismes de versement des aides publiques

- Faciliter certains moments-clés de la vie de l’entreprise

Chantier n°2 : Simplifier l’accès à la commande publique

- Faciliter l’accès à la commande publique en ligne

- Simplifier le processus de candidature aux marchés publics

- Améliorer les délais de paiement des acheteurs publics

- Améliorer les conditions d’exécution des marchés publics

- Unifier et accélérer le contentieux lié à la commande publique

PLUS DE CONFIANCE

Chantier n°3 : Accompagner pour moins sanctionner

- Développer les rescrits et les mettre à disposition du public

- Développer les visites de conformité et l’offre de conseil

- Simplifier et clarifier le traitement fiscal et social des avantages en nature et frais professionnels

- DGFiP/URSSAF : rapprocher les règles, les processus et la culture de la relation usager en prenant le meilleur de chaque organisme

- Rendre obligatoire un stage en entreprise pour les agents en charge du contrôle

Chantier n°4 : Limiter le risque contentieux et les différends

- Revoir certaines sanctions applicables aux chefs d’entreprises

- Généraliser la médiation

- Accélérer le traitement des recours contentieux devant la juridiction administrative

- Réformer le droit des contrats spéciaux

MOINS DE NORMES

Chantier n°5 : Alléger les contraintes qui pèsent sur l’organisation des entreprises

- Un bulletin de paie simplifié

- Simplifier et dématérialiser la gouvernance des entreprises

- Moins de démarches lors d’une fusion ou d’un rachat

Chantier n°6 : Réduire et rationaliser le stock de normes

- Mener une évaluation régulière des normes adoptées

- Rationaliser le droit en vigueur

Chantier n°7 : Assurer une simplification durable

- Instaurer des lois annuelles de simplification des normes applicables aux entreprises

- Instaurer un test PME

- Limiter la « comitologie »

Simplifier (encore plus) pour les petites entreprises

TPE, PME, INDÉPENDANTS ET ARTISANS

Chantier n°8 : Simplifier la vie des très petites et petites entreprises, indépendants, artisans

- Aligner les droits des professionnels et des particuliers en matière de clôture de compte bancaire

- Encadrer à six mois les délais d’indemnisation en matière d’assurance dommages

- Ouvrir la résiliation à tout moment des assurances dommages aux professionnels

- Aligner les droits des professionnels et des particuliers en matière d’énergie

- Alléger les obligations déclaratives liées à la « DAS 2 » et aux frais généraux

- Donner une fois pour toutes mandat à l’expert-comptable

- Simplifier les démarches sociales des indépendants

- Fournir aux TPE des outils pour faciliter l’embauche et la contractualisation

- Faciliter la création de groupements momentanés d’entreprises dans le secteur du bâtiment et des travaux publics

- Simplifier les démarches des entreprises du bâtiment et des travaux publics pour favoriser la rénovation énergétique du bâtiment

COMMERÇANTS

Chantier n°9 : Simplifier la vie des commerçants

- Alléger la charge du bail commercial

- Faciliter les travaux dans les commerces

- Simplifier les autorisations d’exploitation commerciale

- Dématérialiser la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

Simplifier pour préparer l’économie de demain

INDUSTRIE ET INFRASTRUCTURES

Chantier n°10 : Faciliter la réindustrialisation et les projets d’infrastructures

- Accélérer encore l’implantation de projets industriels

- Sécuriser le déploiement d’antennes mobiles

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET ÉCOLOGIQUE

Chantier n°11 : Simplifier pour accélérer la transition énergétique et écologique de notre économie

- Simplifier l’installation de dispositifs d’énergie renouvelable

- Moderniser le droit minier pour une mobilisation responsable de notre sous-sol, au service de la transition écologique

- Faciliter la conversion de puits d’hydrocarbures en puits de stockage du carbone

- Faciliter le déploiement d’infrastructures énergétiques stratégiques

- Simplifier les obligations redondantes pesant sur les biogaz

INNOVATION

Chantier n°12 : Simplifier pour innover

- Faciliter l’innovation issue de la recherche, notamment en santé

- Accélérer le versement du Crédit impôt recherche

- Mieux prendre en compte l’enjeu d’innovation dans la régulation de la donnée

- Faciliter l’implantation de centres de données

Annexe

 

Télécharger le Plan d'action Simplification - Avril 2024.

Actualités

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Textes

CE, 22 avril 2024, avis n° 408246 - Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi de simplification.

[…]

Faciliter l’accès de toutes les entreprises à la commande publique

Faciliter l’accès à la commande publique en ligne

10. Le projet de loi impose aux personnes morales de droit public, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, ainsi qu’aux organismes de sécurité sociale d'utiliser, lorsqu’ils passent des marchés publics ou des concessions, la plateforme de dématérialisation, que le droit de l’Union ainsi que des dispositions réglementaires existantes dénomment « profil d’acheteur », mise gratuitement à leur disposition par l’Etat. Cette obligation sera progressivement appliquée, jusqu’à la fin de l’année 2028, aux différentes catégories d’acheteurs et de concessionnaires.

11. Le Conseil d'Etat estime que cette règle nouvelle relève de la loi en tant qu'elle apporte une limitation à la liberté contractuelle de personnes autres que l'Etat et ses établissements publics, en les privant de la possibilité de recourir au prestataire de leur choix. Il considère que cette limitation n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, qui est de faciliter l'accès des candidats et soumissionnaires aux documents des consultations ainsi que l'envoi en retour de leurs propres documents et d’assurer ainsi plus efficacement la mise en œuvre des principes fondamentaux de la commande publique que sont la liberté d'accès, l'égalité de traitement et la transparence.

12. Si aucune disposition conventionnelle ne fait obstacle à la mesure, le Conseil d'Etat relève qu'elle constitue, au sens de la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, une « règle technique » en tant qu'elle interdit, de facto, aux prestataires proposant actuellement des profils d'acheteur à titre onéreux de fournir leurs services aux personnes soumises à l'obligation. Il prend acte de ce que le Gouvernement notifiera à ce titre la mesure à la Commission européenne avant son adoption.

Unifier le contentieux de la commande publique devant le juge administratif

13. Le projet de loi élargit le champ de la disposition figurant à l’article L. 6 du code de la commande publique qui qualifie de contrats administratifs les contrats relevant de ce code passés par des personnes morales de droit public autres que ceux mentionnés au livre V de sa deuxième partie et au livre II de sa troisième partie (contrats dit « exclus ») : cette qualification, qui entraîne la compétence de la juridiction administrative, est étendue aux contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices de droit privé, c’est-à-dire notamment par les « personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial », au sens du 2° de l'article. L. 1211-1 de ce code.

14. Il s’agit ainsi de généraliser la solution qui a été retenue en 2019 pour la société SNCF Réseau, en vertu de l'article L. 2111-9-4 du code des transports, aux autres entreprises publiques, mais aussi aux organismes de sécurité sociale, aux sociétés d'habitation à loyer modéré, aux sociétés d'économie mixte locales, aux sociétés publiques locales et à divers autres organismes, dont les associations principalement financées sur ressources publiques. Actuellement, les contrats que ces personnes de droit privé passent avec d'autres personnes privées et qui relèvent du droit de la commande publique sont, en vertu de la jurisprudence et sauf cas prévus par la loi, des contrats de droit privé ressortissant de la compétence du juge judiciaire, en dehors de l'hypothèse très restreinte où ces personnes agissent en tant que mandataire d'une personne publique.

15. Le Gouvernement fait valoir dans l’étude d’impact que les règles en matière de passation des marchés et concessions relevant du droit de la commande publique sont, quelles que soient les personnes concernées, issues des mêmes directives européennes du 26 février 2014 et fixées par les mêmes dispositions nationales et que ces règles constituent un régime juridique marqué par le droit public. Il estime qu’il est en conséquence d’intérêt général, en termes de sécurité juridique pour les entreprises et de bonne administration de la justice, que leur respect soit en totalité assuré par la juridiction administrative, dont relève déjà la très grande majorité des contentieux en cause, notamment en ce qui concerne les référés précontractuels.

16. Il souligne que les personnes de droit privé concernées appartiennent à la sphère publique au sens large, raison même pour laquelle elles sont soumises au droit de la commande publique en vertu du droit européen, et que certains de leurs contrats ont un objet plus « administratif », car en lien avec la satisfaction de leurs besoins d’intérêt général, que ceux, pourtant passés par une personne publique, qui portent, par exemple, sur l’acquisition de simples fournitures. Cette mesure permet également, selon le Gouvernement, de mettre fin à des incertitudes sur l’ordre de juridiction compétent. Enfin, le transfert proposé a pour effet de généraliser, pour les candidats évincés, le recours en contestation de la validité du contrat qui existe devant la juridiction administrative (CE, Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994), mais pas devant le juge judiciaire, ce qui a d’ailleurs été constaté par certains candidats évincés (cf. Conseil constitutionnel, décision n° 2020-857 QPC du 2 octobre 2020 - Société Bâtiment mayennais).

17. Le Conseil d’Etat rappelle que le Conseil constitutionnel juge que le législateur peut, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l’ordre juridictionnel principalement intéressé, et ainsi déroger aux « règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire » (Conseil constitutionnel, n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, cons. 15 et 16 ; n° 2019 807 QPC du 4 octobre 2019, paragr. 6), « lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire » (Conseil constitutionnel, n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, cons. 19 et 20 ; n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, cons. 36).

18. En élargissant la compétence du juge administratif, pour les motifs mentionnés aux points 15 et 16 ci-dessus, le projet de loi prolonge une démarche engagée par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite « loi Murcef », qu’exprime aujourd’hui l’article L. 6 du code de la commande publique, et crée un « bloc de compétences » conforme à la jurisprudence précitée. Dès lors, et la mesure ne soulevant par ailleurs pas de difficulté d’ordre conventionnel, le Conseil d’Etat estime qu’elle ne se heurte à aucun obstacle juridique.

19. Le Conseil d’Etat observe qu’il convient toutefois de ne pas surestimer les avantages de la mesure en termes de simplification pour les entreprises. Le partage actuel du contentieux ne conduit que très rarement à des difficultés quant à la désignation du juge compétent ou à des divergences d’interprétation entre les deux ordres de juridiction. Par ailleurs, la mesure peut à son tour soulever des interrogations ou complications, pour les acheteurs et leur co-contractants, car une partie de l’activité des organismes privés concernés sera désormais de la compétence du juge administratif tandis qu’ils continueront de relever, pour le reste, du juge judiciaire. Enfin, le juge administratif pourra être saisi, au titre de l'exécution des contrats relevant actuellement du juge judiciaire, de questions nouvelles pour lui.

20. Le Conseil d’Etat souligne que l'étude d'impact, si elle affirme que « la volumétrie du contentieux concerné est faible », ne comporte, en l'état, aucun élément chiffré sur le nombre des personnes, des contrats et des affaires concernés. Le Conseil d'Etat invite donc le Gouvernement à compléter cette étude avant le dépôt du projet de loi au Parlement, en vue notamment d’apprécier la charge de travail supplémentaire qui incombera à la juridiction administrative au titre de la passation et, surtout, de l'exécution des contrats en cause ainsi que les moyens dont elle aura en conséquence besoin. Il conviendra, en particulier, d'intégrer les éléments relatifs au traitement de référés précontractuels par le juge judiciaire ainsi que les données issues du recensement des contrats soumis au code de la commande publique d'un montant supérieur à 90 000 euros qui ont été transmises au Conseil d’Etat lors de l'examen du texte. Selon celles-ci, si les acheteurs privés représentent environ 5 % des acheteurs publics, leurs contrats représentent une part non négligeable, évaluée entre 10 et 15 %, de ceux qui relèvent déjà de la juridiction administrative, ce qui pourrait représenter jusqu’à 600 affaires supplémentaires.

21. Le Conseil d'Etat note qu'il reviendra à la jurisprudence de préciser, pour les contrats nouvellement qualifiés d'administratifs, les modalités de mise en œuvre des règles générales de la commande publique qui sont énoncées à l'article L. 6 du code de la commande publique, s'agissant en particulier des pouvoirs de modification et de résiliation unilatérales ou de la théorie de l'imprévision. Il observe que si les modifications du code civil issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, ont atténué les différences avec ces règles générales, celles qui subsistent expliquent que certains organismes de droit privé, comme les SA d'HLM, aient sollicité la présente mesure, afin de pouvoir se référer aux cahiers des clauses administratives générales.

22. Compte tenu des conséquences que la mesure comporte pour la rédaction des contrats à venir, le Conseil d'Etat propose de différer la date d'entrée en vigueur de l’article au premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, avec application aux contrats pour lesquels la consultation a été engagée ou un avis d'appel à la concurrence a été envoyé à la publication à compter de cette date. Par ailleurs, il suggère d’abroger totalement les dispositions mentionnées plus haut de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 dite « Murcef », qui n’ont plus de portée propre.

[…]