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CE, 16 février 2024, n° 488524, Société Rénovation peinture

Conseil d’Etat, 16 février 2024, n° 488524, Société Rénovation peinture - Mentionné dans les tables du recueil Lebon.

Le Conseil d'État a précisé les conditions dans lesquelles un acheteur public peut exclure un candidat d'une procédure de passation de marché, en application des dispositions du code de la commande publique. Il a notamment clarifié que lorsqu'une condamnation pénale non définitive a été prononcée à l'encontre du candidat, le délai de 3 ans prévu par le droit européen court à compter de cette condamnation, et non de la date des faits. Cette solution vise à protéger l'intégrité des procédures de passation.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049156234

Dans une décision rendue le 16 février 2024, le Conseil d'État est venu préciser les conditions dans lesquelles un acheteur public peut exclure un candidat d'une procédure de passation de marché public, ainsi que le délai applicable pour prendre en compte les faits justifiant cette exclusion.

Les faits du litige

La société Rénovation peinture avait déposé une offre dans le cadre d'un marché public lancé par le département des Bouches-du-Rhône pour la construction d'un collège. Cependant, par une décision du 2 août 2023, la présidente du conseil départemental a exclu cette société de la procédure, au motif qu'elle avait "entrepris d'influer indûment sur le processus décisionnel de l'acheteur" en application des dispositions de l'article L. 2141-8 du code de la commande publique.

Cette exclusion était fondée sur la condamnation de l'associé majoritaire de la société Rénovation peinture par le tribunal correctionnel de Marseille, le 2 décembre 2022, pour des faits de corruption active commis dans le cadre de marchés publics entre 2012 et 2016.

Saisie par la société Rénovation peinture, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille avait annulé cette décision d'exclusion, considérant que le département ne pouvait pas se fonder sur des faits datant de plus de 3 ans. Le département s'est alors pourvu en cassation devant le Conseil d'État.

La décision du Conseil d'État

Dans son arrêt, le Conseil d'État a tout d'abord rappelé le cadre juridique applicable, en se référant à l'article 57 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, ainsi qu'aux dispositions pertinentes du code de la commande publique.

Ainsi, les articles L2141-8 et L2141-11 du code de la commande publique "permettent aux acheteurs d'exclure de la procédure de passation d'un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d'éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d'autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d'influencer la prise de décision de l'acheteur et qui n'a pas établi, en réponse à la demande que l'acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause".

Interprétant ces dispositions à la lumière de la directive européenne, le Conseil d'État a ensuite précisé que "l'acheteur ne peut pas prendre en compte, pour prononcer une telle exclusion, des faits commis depuis plus de trois ans". Toutefois, lorsqu'une "condamnation non définitive a été prononcée à raison de ceux-ci, cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation".

En l'espèce, le Conseil d'État a estimé que le département des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de droit en se fondant sur la date des faits de corruption de l'associé majoritaire, et non sur la date de sa condamnation par le tribunal correctionnel, intervenue moins d'un an auparavant.

Le Conseil d'État a donc annulé l'ordonnance du juge des référés, et a rejeté la demande de la société Rénovation peinture. Il a également mis à la charge de cette société une somme de 3 500 euros au titre des frais de justice.

Analyse et enseignements de la décision

Cette décision du Conseil d'État apporte des précisions importantes sur les conditions et le délai applicables en matière d'exclusion d'un candidat d'une procédure de passation de marché public.

Tout d'abord, elle confirme que les acheteurs publics disposent d'une faculté d'exclure les candidats qui ont "entrepris d'influer indûment sur le processus décisionnel de l'acheteur", à condition que ces faits soient récents et que le candidat n'ait pas apporté la preuve de sa fiabilité.

Surtout, le Conseil d'État clarifie le point de départ du délai de 3 ans prévu par la directive européenne pour apprécier le caractère récent des faits. Ainsi, lorsqu'une condamnation pénale non définitive a été prononcée, c'est à compter de cette condamnation, et non de la date des faits, que court le délai de 3 ans.

Cette solution permet d'éviter que des faits anciens, mais ayant donné lieu à une condamnation récente, ne puissent plus être pris en compte par l'acheteur public pour exclure un candidat. Elle s'inscrit dans une logique de protection de l'intégrité des procédures de passation des marchés publics.

Enfin, le Conseil d'État souligne que l'acheteur public dispose d'un pouvoir d'appréciation pour décider ou non d'exclure un candidat, même lorsque les conditions légales sont réunies. Ainsi, le fait que le département n'ait pas exclu la société Rénovation peinture d'autres marchés ne remet pas en cause la légalité de la décision d'exclusion en cause.

En résumé, cette décision du Conseil d'État vient utilement compléter la jurisprudence sur les conditions d'exclusion des candidats dans les marchés publics, en insistant sur le respect du délai de 3 ans prévu par le droit européen et en confirmant la marge d'appréciation dont disposent les acheteurs publics.

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MAJ 28/02/24 - Source legifrance

Jurisprudence