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https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007948761/
Texte
Conseil d’Etat statuant au contentieux
N° 151578
Publié au recueil Lebon
7 /10 SSR
M. Labetoulle, président
Mme de Guillenchmidt, rapporteur
Mme Bergeal, commissaire du gouvernement
Me Ricard, Avocat, avocat(s)
lecture du mercredi 1 octobre 1997
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 3 septembre 1993, l’ordonnance par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Paris transmet, en application de l’article R81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le dossier de la requête dont cette cour a été saisie par M. Moïse X... ;
Vu la requête présentée le 12 juillet 1993 à la cour administrative d’appel de Paris par M. X... et tendant :
1°) à l’annulation du jugement du 11 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre six délibérations du 19 mai 1992 par lesquelles la commission permanente du conseil régional d’Ile de France a retenu diverses entreprises et autorisé le président du conseil régional à signer les marchés concernant la rénovation et le gros entretien de six lycées ; 2°) à l’annulation de ces délibérations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Guillenchmidt, Conseiller d’Etat,
- les observations de Me Ricard, avocat du conseil régional d’Ile de France,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X... a donné mandat à Maître Y..., signataire de la requête, pour présenter celle-ci en son nom ; que, par suite, la région Ile de France n’est pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen de la requête :
Considérant qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 308 du code des marchés publics, dans sa rédaction en vigueur à la date des délibérations attaquées : “Les marchés sont dits “négociés” lorsque l’autorité compétente ... engage, sans formalité, les discussions qui lui paraissent utiles et attribue ensuite librement le marché au candidat qu’elle a retenu. L’autorité compétente est tenue de mettre en compétition, par une consultation écrite au moins sommaire, les candidats susceptibles d’exécuter un tel marché” ; qu’aux termes du deuxième alinéa du même article 308 : “la personne habilitée à passer le marché est également tenue de faire connaître son intention de passer un marché négocié par la publication, dans les conditions prévues par l’article 38, d’un avis d’information, dont le modèle est fixé par un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et des finances et des ministres intéressés. La date d’envoi de l’avis d’information doit être antérieure de quinze jours au moins à l’engagement de la consultation écrite. Toutefois ces dispositions ne s’appliquent ni aux marchés négociés passés en application des 3°, 4° et 5° de l’article 312, de l’article 312 bis ou de l’article 314 bis ni aux marchés négociés d’un montant inférieur au seuil prévu au 1° de l’article 321” ; que le 4° de l’article 312 auquel renvoient ainsi les dispositions de l’article 308 qui permettent de déroger, dans les cas qu’elles prévoient limitativement, à l’obligation d’une consultation écrite au moins sommaire vise le cas de : “ ... 4° ... l’exécution des travaux, fournitures ou services, dans les cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ne permettant pas de respecter les délais prévus aux sections I et III du présent chapitre” ;
Considérant qu’après que la commission des marchés du conseil régional d’Ile de France a, par décision du 19 mars 1992, déclaré infructueux les appels d’offres lancé en vue de la passation de marchés relatifs à la rénovation et au gros entretien de six lycées de la région, la commission permanente du conseil régional d’Ile de France a, par les six délibérations attaquées du 19 mai 1992, autorisé le président à signer six marchés négociés ; que M. X... soutient que ces délibérations sont intervenues sans que l’autorité compétente ait mis en compétition par la procédure prévue par les dispositions précitées de l’article 308 du code des marchés publics, les candidats susceptibles d’exécuter de tels marchés ; que le conseil régional soutient que les impératifs de continuité du service public de l’enseignement ont rendu nécessaire la réalisation des travaux envisagés dans les meilleurs délais et en tout cas avant la rentrée scolaire et qu’était ainsi applicable la possibilité de dérogation correspondant à l’hypothèse de l’article 312-4° du code des marchés publics ;
Considérant, toutefois, qu’il ressort des pièces du dossier que près de deux années s’étaient écoulées entre la délibération du conseil régional adoptant le programme de rénovation des lycées et la date de signature des marchés négociés litigieux ; que ceux-ci ont été conclus pour une durée de 10 ans ; que la rentrée scolaire annuelle ne saurait être regardée comme un évènement imprévisible ; qu’ainsi, l’exécution des travaux prévus ne correspondait pas au sens des dispositions précitées du 4° de l’article 312 à un “cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles” ; qu’il n’est pas allégué que ces travaux aient correspondu à un autre cas de dérogation à la procédure de mise en concurrence normalement prévue pour les marchés négociés ; qu’il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation des délibérations du 19 mai 1992 de la commission permanente du conseil régional d’Ile de France autorisant le président dudit conseil à signer six marchés négociés pour la rénovation et le gros entretien des six lycées de la région parisienne ;
Sur les conclusions de la région Ile de France tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X..., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser à la région Ile de France la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 11 décembre 1992 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les délibérations de la commission permanente du conseil régional du 19 mai 1992 sont annulées.
Article 3 : Les conclusions de la région Ile de France tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Moïse X..., à la région d’Ile de France, au ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie et au ministre de l’intérieur.
Résumé : 39-02-02-05 Il résulte des dispositions combinées de l’article 308 et du 4° de l’article 312 du code des marchés publics qu’en cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles l’autorité compétente n’est pas tenue de faire précéder la conclusion d’un marché négocié de la consultation écrite au moins sommaire exigée par le premier alinéa de l’article 308. La rentrée scolaire ne pouvant être regardée comme une circonstance imprévisible, les marchés négociés conclus par la région Ile-de-France pour la rénovation des lycées n’étaient pas dispensés de la procédure de consultation organisée par l’article 308.
Textes
Circulaire relative aux tempêtes du 26 au 29 décembre 1999 et aux marchés publics sur la notion d'urgence impérieuse - NOR : INTB0000003C
Fiches de la DAJ de Bercy
Fiche technique de la DAJ relative à la situation de catastrophe due à Xynthia
L'urgence dans les marchés publics
Actualités
Xynthia et l’urgence impérieuse dans les marchés publics : avant le 21 mars 2010 (Dans une lettre d'information du 10 mars 2010, la Direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie indique que les dégâts causés par la tempête Xynthia entrent dans le champ d’application de l'urgence impérieuse qui permet aux pouvoirs adjudicateurs de passer leurs marchés publics selon la procédure négociée sans publicité et sans mise en concurrence prévue par l’article 35-II 1° du code des marchés publics)