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https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000018002976
Résumé
Délégation de service public et concession de travaux publics. Avenants et concessions de travaux. Contrat ayant été passé sans publicité préalable. Indemnisation du délégataire pour faute.
Texte
Cour Administrative d'Appel de Marseille
N° 05MA02555
Inédit au recueil Lebon
lecture du lundi 30 juillet 2007
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu I°), sous le n° 05MA02555, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre 2005 et 23 février 2006, présentés pour la COMMUNE DE MENTON, représentée par son maire, par Me Richer ;
La COMMUNE DE MENTON demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9901044 du 8 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à la société en commandite par action COMPAGNIE GENERALE DES EAUX la somme de 5.300.208, 60 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité des avenants n° 23 et n° 24 à la convention modifiée en vue de l'exploitation du service d'eau potable et du service d'assainissement et relatifs à la réalisation et l'exploitation d'une station d'épuration, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 25 mai 1998, les intérêts étant eux mêmes capitalisés au 6 novembre 2004 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX devant le Tribunal administratif de Nice ;
3°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une expertise avant dire droit sur les demandes de cette société ;
4°) de mettre à la charge de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2007, présenté pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, dont le siège est 52, rue d'Anjou à Paris (75008), par la SCP Vier-Barthélémy-Matuchansky ; elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE MENTON la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative ;
Vu II°), sous le n° 05MA02585, la requête, enregistrée le 26 septembre 2005, présentée pour l'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR, dont le siège est 76, avenue des Acacias à Menton (06500), par Me Crehange ;
L'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9901044 du 8 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté son intervention et condamné la COMMUNE DE MENTON à payer à la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX la somme de 5.300.208, 60 euros avec intérêts à compter du 25 mai 1998 et capitalisation des intérêts à compter du 6 novembre 2004 ;
2°) d'admettre son intervention ;
3°) de rejeter la demande de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX;
4°) de mettre à la charge de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX le versement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative et les dépens ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2007, présenté pour la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX par la SCP Vier-Barthélémy-Matuchansky ; elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR, la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR, ne démontre pas qu'elle aurait un droit auquel la décision à rendre serait susceptible de préjudicier ; que son intervention était dès lors irrecevable ; que la circonstance qu'elle soit à l'origine des annulations contentieuses des délibérations ayant autorisé le maire à signer les avenants n° 23 et 24, qu'elle défende les intérêts de la COMMUNE DE MENTON ou que la Ville et les usagers de l'eau seraient privés des garanties prévues par le code des marchés publics est inopérante ;
Vu III°), sous le n° 05MA02586, la requête, enregistrée le 27 septembre 2005, présentée pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, dont le siège est 52, rue d'Anjou à Paris (75008), par la SCP Vier-Barthélémy-Matuchansky ;
La COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9901044 du 8 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a condamné la COMMUNE DE MENTON à lui verser la somme de 5.300.208, 60 euros en réparation des préjudices subis, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 25 mai 1998, les intérêts étant eux mêmes capitalisés au 6 novembre 2004 ;
2°) de condamner la COMMUNE DE MENTON à lui verser la somme de 13.557.086 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 25 mai 1998, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la COMMUNE DE MENTON la somme de 4.500 euros en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2006, présenté pour la COMMUNE DE MENTON par Me Richer ; elle conclut au rejet de la requête et au versement par la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 juin 2007, présenté pour la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX par la SCP Vier-Barthélémy-Matuchansky ; elle conclut aux mêmes fins que la requête ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2007, présenté pour la COMMUNE DE MENTON par Me Richer ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 ;
Vu, enregistrée le 13 juillet 2007, la note en délibéré présentée pour la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX ;
Vu le décret n° 92-311 du 31 mars 1992 ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juillet 2007 :
- le rapport de Mme E. Felmy,
- les observations de Me Richer pour la COMMUNE DE MENTON et Me Singer pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX,
- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par délibérations du 23 décembre 1992 et du 28 juin 1993, le Conseil municipal de Menton a approuvé un avenant n° 23 à la concession en cours pour la gestion de l'eau et l'assainissement portant sur la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle station d'épuration par la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX jusqu'en 2022 puis un avenant n° 24 qui en a précisé les conditions financières, que ces délibérations ayant été annulées par jugement du Tribunal administratif de Nice, les avenants conclus par la COMMUNE DE MENTON avec la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX ont été résiliés ; que la société Vivendi aux droits de laquelle est venue la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a par suite recherché la responsabilité de la COMMUNE DE MENTON devant le Tribunal administratif de Nice en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
Considérant que les trois requêtes n° 05MA02555 présentée pour la COMMUNE DE MENTON, n° 05MA02585 présentée pour l'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR, et n° 05MA02586 présentée pour la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX sont dirigées contre le même jugement du 8 avril 2005 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, rejeté l'intervention de l'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR, et, d'autre part, condamné la COMMUNE DE MENTON à verser une somme de 5.300.208,60 euros majorée des intérêts et de leur capitalisation à la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
Sur la recevabilité de la requête de l'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR :
Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que l'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR, qui a pour objet la défense des administrés et contribuables, ne se prévaut d'aucun droit auquel la demande de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX tendant à la condamnation de la COMMUNE DE MENTON en raison des fautes commises par elle dans la procédure de passation d'un contrat auquel elle était tiers, serait susceptible de préjudicier ; que dès lors, l'association appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur décision, n'ont pas admis son intervention ; que, par suite, sa requête doit être rejetée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R611-7 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article précité : «Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'État, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué» ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par mémoire enregistré le 6 novembre 2004 au Tribunal administratif de Nice la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX a expressément demandé à ce que soit engagée, à titre subsidiaire, la responsabilité quasi-contractuelle de la COMMUNE DE MENTON issue de la résiliation du contrat, en précisant qu'elle était fondée à invoquer des moyens tirés de l'enrichissement sans cause qui serait résulté pour cette collectivité des prestations qu'elle a exécutées ; que les premiers juges n'ont donc pas soulevé d'office le moyen tiré de l'enrichissement sans cause de la COMMUNE DE MENTON ; que cette dernière n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier faute de notification préalable du moyen aux parties ;
En ce qui concerne les omissions à statuer :
Considérant, en premier lieu, que la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX fait grief au jugement attaqué d'avoir omis de statuer sur les conclusions et chefs de préjudice qu'elle a soulevés au titre de la responsabilité quasi-délictuelle de la COMMUNE DE MENTON ;
Considérant toutefois que la demande d'indemnisation de son manque à gagner présentée par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX était fondée sur la résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général ; que si elle a, en outre, invoqué à titre subsidiaire l'enrichissement sans cause de la collectivité publique, elle n'a pas fondé sa demande sur la faute commise par la COMMUNE DE MENTON à avoir passé un contrat entaché de nullité ; qu'ainsi le jugement critiqué n'est entaché d'aucune omission à statuer relative au fondement quasi-délictuel de la responsabilité de la commune ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des énonciations du jugement que les premiers juges ont expressément statué sur la fin de non-recevoir présentée par la COMMUNE DE MENTON et tirée de l'absence d'intérêt pour agir de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX ; que la COMMUNE DE MENTON n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier faute d'avoir répondu au moyen tiré de l'absence d'accord donné par elle au transfert du contrat entre les sociétés Vivendi et COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, et qui aurait privé la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de toute qualité pour agir ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Vivendi a cédé en 1999 sa branche eau et assainissement à la Société en commandite par actions COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, au moyen d'un transfert partiel de ses actifs ; qu'elle a fait apport, aux termes des actes ayant organisé ce transfert, «d'un ensemble de contrats de délégation de service public (…) composant une partie de son activité de distribution d'eau et d'assainissement, pour lesquels l'accord des collectivités a été obtenu ainsi que (…) d'un droit sur les créances à naître dans le cadre de l'exécution des contrats non transférés» ; que le litige né de la nullité des avenants passés pour la construction et l'exploitation des ouvrages d'épuration de la COMMUNE DE MENTON porte sur une créance relative à un contrat non transféré ; que les droits s'y rapportant sont donc détenus par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX qui était, dès lors, recevable à demander la condamnation de la COMMUNE DE MENTON du fait de cette nullité ; qu'ainsi, la COMMUNE DE MENTON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir soulevée par cette dernière et tirée de l'absence de qualité pour agir de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX venue aux droits de la société Vivendi, faute pour elle d'avoir obtenu son accord sur la cession du contrat ;
En ce qui concerne la responsabilité de la COMMUNE DE MENTON :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX demandait initialement la condamnation de la COMMUNE DE MENTON à l'indemniser du préjudice que lui avait causé la résiliation des avenants n° 23 et n° 24 au contrat de gestion des services de distribution d'eau potable et d'assainissement qui les liaient, décidée par délibération du conseil municipal du 31 mai 1998 ; que la COMMUNE DE MENTON a fait valoir en cours d'instance que ces avenants étaient entachés de nullité du fait des erreurs commises dans la procédure ayant présidé à leur passation et que leur résiliation ne pouvait donc faire naître un droit à indemnité ; que la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX demande en appel, outre le remboursement de ses dépenses utiles, l'indemnisation du préjudice subi, notamment la perte des bénéfices escomptés du fait de la faute commise par la COMMUNE DE MENTON lors de la passation du contrat ;
Considérant que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ; que par suite la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, dont le contrat est entaché de nullité, est recevable à réclamer le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle elle s'était engagée ainsi que le paiement du bénéfice dont elle a été privée par la nullité du contrat, sous réserve que le remboursement de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
Considérant toutefois que la COMMUNE DE MENTON fait valoir que les fautes commises par son cocontractant l'exonèrent de la responsabilité qu'elle encourt ; qu'elle lui fait notamment grief de lui avoir proposé, en connaissance de cause, la conclusion du contrat de concession portant sur la station d'épuration par voie négociée, alors que la mise en concurrence était obligatoire et de l'avoir ainsi incitée à choisir une procédure de passation illégale ;
Considérant que par un jugement n° 9302700 et 9303767 en date du 6 mars 1998 devenu définitif, le Tribunal administratif de Nice a annulé les délibérations du conseil municipal de Menton du 23 décembre 1992 et du 28 juin 1993 décidant de la conclusion des avenants n° 23 et n° 24 au contrat d'exploitation des services de l'eau de l'assainissement en raison de la l'absence d'envoi à l'Office de publications officielles des communautés européennes de l'avis pour publication de passation de la concession d'ouvrage ; que si la COMMUNE DE MENTON avait, en principe, l'initiative de cet envoi, il résulte de l'instruction que la procédure de passation incriminée a été largement prise en charge par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX ; que cette dernière, en sa qualité de professionnel de l'eau et de l'assainissement disposant nécessairement de moyens d'information importants, ne pouvait ignorer la législation, aussi récente fût-elle, concernant les mesures de publicité à respecter ; qu'en acceptant, à tout le moins, de conclure un avenant à la concession en méconnaissance des procédures prévues et dont elle ne pouvait ignorer l'illégalité au regard des textes en vigueur, la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX a elle-même commis une faute qui a contribué à son propre appauvrissement ; que cette faute est de nature à atténuer d'un tiers la responsabilité encourue par la COMMUNE DE MENTON à l'égard de la société requérante ; que la COMMUNE DE MENTON est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu son entière responsabilité ; que cette responsabilité doit être réduite en conséquence de la faute de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX et ramenée aux deux-tiers du préjudice indemnisable ;
En ce qui concerne le préjudice indemnisable :
Considérant que pour demander la réévaluation de l'indemnité que lui a accordé le Tribunal administratif de Nice, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX fait valoir, d'une part, que c'est à tort que n'ont pas été prises en compte au titre de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité les sommes de 279.510,39 euros qu'elle a été condamnée à verser à la société Solétanche et de 2.168.386,70 euros représentant ses frais financiers, et, d'autre part, qu'elle doit être indemnisée du manque à gagner qu'elle a subi ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Vivendi a été condamnée par un jugement du tribunal de commerce de Menton en date du 20 juin 2002 confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel d'Aix en Provence du 29 mars 2007 à verser à la société Solétanche une indemnité de 279.510,39 euros majorée des intérêts en raison de sujétions imprévues dans l'exécution du marché de réalisation de la station d'épuration ; que cette somme, à l'exclusion des intérêts qui sont imputables au seul retard mis par la société Vivendi à régler cette dépense, constitue un élément du coût de la station d'épuration réalisée au bénéfice de la COMMUNE DE MENTON, et représente en conséquence une dépense utile à la collectivité ; que par suite, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'elle ne pouvait en demander le remboursement ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également de l'instruction que la société Vivendi s'était engagée à avancer à la COMMUNE DE MENTON le montant des subventions qu'elle devait percevoir, en contrepartie d'intérêts qu'elle devait lui imputer ; que toutefois la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX, venant aux droits de la société Vivendi, n'établit pas que ces intérêts, qui figuraient sur un compte spécial de trésorerie tenu en application des stipulations de l'avenant n° 23 entaché de nullité pour un montant non contesté de 14.223.684,36 francs (2.168.386,70 euros) pour lesquels elle produit les relevés de situation, auraient constitué des dépenses qu'elle aurait elle-même réellement engagées ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à ce que ladite somme soit prise en compte au titre des dépenses utiles ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aucune autre des dépenses, notamment relatives aux frais de structure, invoquées par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX ne peut être regardée comme constituant des dépenses utilement exposées dans l'intérêt de la commune ou comme une perte de bénéfice justifiée ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a ultérieurement retrouvé la gestion du service au titre d'un contrat d'affermage du service d'assainissement de la COMMUNE DE MENTON de sorte que l'exploitation de la station d'épuration à son bénéfice n'a jamais été interrompue ; que, dans ces conditions, la perte des bénéfices escomptés dont la société en commandite par actions COMPAGNIE GENERALE DES EAUX aurait été privée par la nullité du contrat litigieux et dont elle demande réparation pour la période postérieure à la cessation des relations avec la COMMUNE DE MENTON n'est pas établie et ne saurait donner lieu à indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX est seulement fondée à demander que son préjudice soit majoré de la somme de 279.510,39 euros correspondant à l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à la société Solétanche ; que ce préjudice, compte tenu du coût des travaux déjà admis par le Tribunal pour un montant de 5.300.208,60 euros, doit donc être évalué à 5.579.718, 99 euros ; qu'en application du partage de responsabilité mentionné ci-dessus, l'indemnité mise à la charge de la COMMUNE DE MENTON doit être ramenée aux deux-tiers de cette somme, soit 3.719.812, 66 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que la société en commandite par actions COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a droit aux intérêts calculés au taux légal sur la somme de 3.440.302,27 euros, correspondant à l'indemnité mise à la charge de la COMMUNE DE MENTON, à l'exclusion de la somme de 279.510,39 euros dont il n'est pas établi qu'elle ait été réglée ; que ces intérêts doivent être appliqués à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable le 25 mai 1998 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 6 novembre 2004 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la COMMUNE DE MENTON ou de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX les sommes que chacune d'entre elles demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR est rejetée.
Article 2 : L'indemnité que la COMMUNE DE MENTON a été condamnée à verser à la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX par le jugement du Tribunal administratif de Nice du 8 avril 2005 est ramenée à 3.719.812, 66 euros, dont 3.440.302, 27 euros porteront intérêts à compter du 25 mai 1998. Les intérêts échus le 6 novembre 2004 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 8 avril 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 05MA02555 et 05MA02586 est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à LA COMMUNE DE MENTON, A LA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX et à L'ASSOCIATION MENTON HERITAGE PRESENT ET FUTUR et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Textes
Ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics