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Résumé
Dans une requête (1) déposée devant le Conseil d’Etat, l'association pour la promotion et la recherche en informatique libre (APRIL) demandait à la haute juridiction d'annuler le décret n° 2006-1763 du 23 décembre 2006 relatif à la répression pénale de certaines atteintes portées au droit d'auteur et aux droits voisins.
La loi DADVSI représentait une menace (2) pour les logiciels libres et notamment ceux qui permettent de lire des contenus intégrant des mesures techniques de protection (MTP) ou DRM (3) et donc de contourner ces mesures pour, par exemple, lire des vidéos intégrant ces protections.
(2) La loi DADVSI (loi
n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux
droits voisins dans la société de l'information NOR: MCCX0300082L)
instaure un régime de sanctions à l'encontre des comportements
portant atteinte aux mesures techniques de protection des œuvres.
(3) Selon la
définition retenue par le législateur à l'Art. L 331-5 du Code
de la Propriété Intellectuelle (MTP, DRM)
Un éditeur ayant la possibilité d'intégrer un programme de protection
peut ainsi empêcher la lecture de l’oeuvre sur certains matériels de
lecture tels que des lecteurs de
cédérom. Afin
d'éviter cet inconvénient certains matériels informatiques sont équipés
de
logiciels qui permettent la lecture de cédéroms ou DVD à l'aide de
moyens techniques de contournement.
Un des logiciels de contournement est largement utilisé dans les
logiciels libres
Dans son arrêt, le Conseil d’Etat n’a pas annulé ce décret mais a clarifié l’interprétation de la loi DAVSI en ce qui concerne notamment l’utilisation d’un logiciel libre qui contourne une mesure de protection « aux fins de permettre l'interopérabilité de systèmes informatiques ». Selon le Conseil d’Etat, le dispositif de contournement, dans un tel cas, « ne constitue pas un dispositif portant atteinte aux mesures de protection au sens du décret attaqué »
Texte
Conseil d’État
N° 301843
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Martin, président
M. Edouard Geffray, rapporteur
lecture du mercredi 16 juillet 2008
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 21 février 2007 au secrétariat du contentieux
du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION POUR LA PROMOTION ET LA RECHERCHE
EN INFORMATIQUE LIBRE (APRIL), dont le siège est 14, rue des Panoyaux à Paris
(75020) ; l’ASSOCIATION POUR LA PROMOTION ET LA RECHERCHE EN INFORMATIQUE LIBRE
(APRIL) demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2006-1763 du 23
décembre 2006 relatif à la répression pénale de certaines atteintes portées au
droit d’auteur et aux droits voisins ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin
1998 ;
Vu la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai
2001 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Geffray, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d’une part,
- que la
loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative aux droits d’auteur et aux droits
voisins dans la société de l’information, qui vise notamment à transposer la
directive communautaire 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de
certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de
l’information, a autorisé la protection des données ou oeuvres par
l’installation d’informations et de mesures techniques de protection ;
- qu’aux termes de l’art.
L 331-5 du code de la propriété intellectuelle, issu de l’article 13 de la
loi du 1er août 2006 : « Les
mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou à
limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d’un droit d’auteur
ou d’un droit voisin du droit d’auteur d’une oeuvre, autre qu’un logiciel, d’une
interprétation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme sont
protégées dans les conditions prévues au présent titre. / On entend par mesure
technique au sens du premier alinéa toute technologie, dispositif, composant
qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue
par cet alinéa. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu’une
utilisation visée au même alinéa est contrôlée par les titulaires de droits
grâce à l’application d’un code d’accès, d’un procédé de protection tel que le
cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la
protection ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de
protection. / Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou
de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens
du présent article. / Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet
d’empêcher la mise en oeuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du
droit d’auteur. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l’accès aux
informations essentielles à l’interopérabilité dans les conditions définies aux
articles L. 331-6 et L. 331-7. / Les dispositions du présent chapitre ne
remettent pas en cause la protection juridique résultant des articles 79-1 à
79-6 et de l’article 95 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication. / Les mesures techniques ne peuvent s’opposer au libre
usage de l’oeuvre ou de l’objet protégé dans les limites des droits prévus par
le présent code, ainsi que de ceux accordés par les détenteurs de droits. / Les
dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions de
l’art. L.
122-6-1 du présent code » ;
Considérant, d’autre part,
- que la loi du 1er août 2006 relative aux droits d’auteur et aux droits
voisins dans la société de l’information a également instauré un régime de
sanctions à l’encontre des comportements portant atteinte aux mesures techniques
de protection des oeuvres ;
- que le décret du 23 décembre 2006 relatif à la répression pénale de
certaines atteintes portées au droit d’auteur et aux droits voisins vise à
compléter ce régime de sanctions ; que l’article 1er de ce décret a introduit un
nouvel article R. 335-3 dans le code de la propriété intellectuelle, qui dispose
: « Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe
le fait : / 1° De détenir en vue d’un usage personnel ou d’utiliser une
application technologique, un dispositif ou un composant conçus ou spécialement
adaptés pour porter atteinte à une mesure technique efficace mentionnée à
l’article L. 331-5 du présent code qui protège une oeuvre, une interprétation,
un phonogramme, un vidéogramme, un programme ou une base de données ; / 2° De
recourir à un service conçu ou spécialement adapté pour porter l’atteinte visée
à l’alinéa précédent. / Ces dispositions ne s’appliquent pas aux actes qui ne
portent pas préjudice aux titulaires de droits et qui sont réalisés à des fins
de sécurité informatique ou à des fins de recherche scientifique en
cryptographie » ;
- que le même article a également introduit un nouvel article R. 335-4
dans le code de la propriété intellectuelle, qui instaure des contraventions
similaires à l’encontre de la détention ou du recours à des dispositifs de
contournement des éléments d’informations techniques relatives à ces protections
;
- que l’ASSOCIATION POUR LA PROMOTION ET LA RECHERCHE EN INFORMATIQUE
LIBRE (APRIL) demande l’annulation de ce décret ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant
- que si la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 prévoyant une procédure
d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques instaure
une procédure d’information de la Commission européenne lorsque sont mises en
place des règles techniques, le décret attaqué, qui d’une part, se borne à
définir une peine contraventionnelle à l’égard des personnes qui détiennent ou
utilisent des dispositifs de contournement des mesures techniques de protection
des données et, d’autre part, se « conforme aux actes communautaires
contraignants » au sens de l’article 10 de cette directive, ne met en place
aucune règle technique et n’entre pas dans le champ d’application de cette
directive ;
- que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué
méconnaîtrait la directive du 22 juin 1998 faute d’avoir fait l’objet d’une
notification préalable à la Commission européenne doit être écarté ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu,
- que si la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 impose aux Etats membres
de prévoir des sanctions à l’encontre des personnes contournant sciemment les
mesures techniques de protection des données, elle n’a ni pour objet, ni pour
effet d’interdire aux Etats membres de sanctionner d’autres comportements de
contournement de ces mesures ; qu’en outre, aux termes de l’article 121-3 du
code pénal : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le
commettre (...) » ; qu’il résulte de ces dispositions, combinées avec celles des
articles R. 610-2 et R. 622-1 du même code, que les contraventions constituent,
sauf dispositions contraires, des infractions matérielles ne comportant pas
d’élément intentionnel ;
- que, par suite, en ne caractérisant pas l’élément intentionnel des
infractions qu’il définit, le décret attaqué n’a méconnu ni les dispositions de
la directive du 22 mai 2001, ni les dispositions précitées du code pénal ;
Considérant, en deuxième lieu,
- qu’aux termes de l’article 8 de la directive du 22 mai 2001 : « 1. Les
Etats membres prévoient des sanctions et des voies de recours appropriées contre
les atteintes aux droits et obligations prévus par la présente directive et
prennent toutes les mesures nécessaires pour en garantir l’application. Ces
sanctions sont efficaces, proportionnées et dissuasives (...) » ;
- que la sanction contraventionnelle prévue par le décret attaqué n’est
pas disproportionnée au regard de la nature de l’infraction ; qu’en outre, cette
sanction complète le régime gradué de sanctions instaurées par la loi du 1er
août 2006 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de
proportionnalité des sanctions posé par la directive du 22 mai 2001 doit être
écarté ;
Considérant, en troisième lieu,
- qu’il résulte des dispositions précitées du code de la propriété
intellectuelle que, si le décret du 23 décembre 2006 sanctionne la détention de
dispositifs « conçus ou spécialement adaptés » pour porter atteinte à une mesure
technique de protection, cette atteinte doit nécessairement intervenir en
méconnaissance du droit d’auteur et des droits voisins, dès lors que ces mesures
« ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en oeuvre effective de
l’interopérabilité » ; qu’un dispositif mis en place par un exploitant aux fins
de permettre l’interopérabilité de systèmes informatiques, dès lors qu’il est
rendu possible par la diffusion d’informations par les fournisseurs de mesures
techniques, ne constitue pas un dispositif portant atteinte aux mesures de
protection au sens du décret attaqué ;
- que, par suite, les moyens tirés de ce que le décret attaqué
interdirait les pratiques permettant l’interopérabilité en méconnaissance des
dispositions de la directive du 22 mai 2001 et de la loi du 1er août 2006
doivent être écartés ;
Considérant, en quatrième lieu,
- qu’aux termes du IV de l’article L. 122-6-1 du code de la propriété
intellectuelle : « La reproduction du code du logiciel ou la traduction de la
forme de ce code n’est pas soumise à l’autorisation de l’auteur lorsque la
reproduction ou la traduction au sens du 1° ou du 2° de l’article L. 122-6 est
indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité
d’un logiciel créé de façon indépendante avec d’autres logiciels, sous réserve
que soient réunies les conditions suivantes : / 1° Ces actes sont accomplis par
la personne ayant le droit d’utiliser un exemplaire du logiciel ou pour son
compte par une personne habilitée à cette fin ; / 2° Les informations
nécessaires à l’interopérabilité n’ont pas déjà été rendues facilement et
rapidement accessibles aux personnes mentionnées au 1° ci-dessus ; / 3° Et ces
actes sont limités aux parties du logiciel d’origine nécessaires à cette
interopérabilité. / Les informations ainsi obtenues ne peuvent être : / 1° Ni
utilisées à des fins autres que la réalisation de l’interopérabilité du logiciel
créé de façon indépendante ; / 2° Ni communiquées à des tiers sauf si cela est
nécessaire à l’interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ; / 3° Ni
utilisées pour la mise au point, la production ou la commercialisation d’un
logiciel dont l’expression est substantiellement similaire ou pour tout autre
acte portant atteinte au droit d’auteur » ;
Considérant
- que ces dispositions instituent, sous certaines conditions, une
exception de décompilation destinée à permettre le développement de
logiciels libres ;
- qu’en prévoyant qu’est sanctionnée la détention de dispositifs «
conçus ou spécialement adaptés » pour porter atteinte à une mesure technique de
protection mentionnée à l’article L. 335-1 du code de la propriété
intellectuelle, lequel s’applique sans préjudice des dispositions de l’article
L. 122-6-1 précité, le pouvoir réglementaire n’a pas entendu viser l’exception
régie par ces dispositions, laquelle ne saurait dès lors relever du champ
d’application de l’article R. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
- que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué, en
remettant en cause cette exception, porte atteinte à la situation des éditeurs
de logiciels libres, en méconnaissance du principe de sécurité juridique, ne
peut qu’être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu,
- que si l’association requérante soutient que l’utilisation par
l’administration de logiciels protégés méconnaît le principe d’égalité des
candidats à la commande publique, ce moyen est inopérant à l’encontre du décret
attaqué ;
- qu’il en est de même du moyen tiré de ce que le test en trois étapes
introduit par la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 constituerait un obstacle à
la production de logiciels libres ;
Considérant, enfin,
- que si l’association requérante soutient que le décret attaqué
méconnaît le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, la
définition de l’infraction qu’il instaure est suffisamment claire et précise ;
- que ce moyen doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ASSOCIATION POUR LA
PROMOTION ET LA RECHERCHE EN INFORMATIQUE LIBRE n’est pas fondée à demander
l’annulation du décret attaqué ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION POUR LA PROMOTION ET LA
RECHERCHE EN INFORMATIQUE LIBRE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION POUR LA
PROMOTION ET LA RECHERCHE EN INFORMATIQUE LIBRE (APRIL) et à la ministre de la
culture et de la communication. Une copie en sera adressée pour information au
Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice, à la ministre
de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et à la
ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Jurisprudence
CE, 30 septembre 2011, n° 350431, Région Picardie - Publié au recueil Lebon (Un acheteur public peut mentionner, sous conditions, comme spécification technique du marché le recours à un logiciel libre donné)
Textes
décret n° 2006-1763 du 23 décembre 2006 relatif à la répression pénale de certaines atteintes portées au droit d'auteur et aux droits voisins.
Loi DADVSI (loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information NOR: MCCX0300082L)
Art. L.111-1 du code de la propriété intellectuelle (Droits de l'auteur - Droits moraux et patrimoniaux)
Art. L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle (Exception de décompilation)
art. L 131-3 du code de la propriété intellectuelle (Transmission des droits de l'auteur)
Art. L 331-5 du Code de la Propriété Intellectuelle (Mesures Techniques de Protection - MTP, DRM Digital Rights Management - DRM)
Actualités
Le Conseil d’Etat clarifie l’interprétation de la loi DAVSI en ce qu’un logiciel libre qui contourne une mesure de protection aux fins de permettre l'interopérabilité de systèmes informatiques ne constitue pas un dispositif portant atteinte aux mesures de protection. Il en profite pour rappeler l'exception de décompilation (sous certaines conditions) destinée à permettre le développement de logiciels libres – 8 aout 2008
(c) F. Makowski 2001/2019